Black-out en Espagne : le gestionnaire du réseau accuse une centrale photovoltaïque

Share

Chacun se renvoie la balle. Bien que le gouvernement ait désigné le gestionnaire du réseau de transport d’électricité à haute tension en Espagne, Red Eléctrica (REE), ainsi que certains électriciens comme responsables d’un échec multifactoriel ayant conduit à la coupure, le jeu de responsabilités se poursuit. Dans un rapport officiel, le gouvernement a en effet établi que REE avait mal calculé les besoins en capacité électrique pour la journée, expliquant que le système « ne disposait pas d’une capacité de tension dynamique suffisante ». Il serait alors en partie responsable de la panne du réseau, car celui-ci recevait des signalements d’instabilité depuis le matin du 28 avril. Selon la ministre de la Transition écologique, Sara Aagesen, l’entreprise n’avait pas prévu une capacité d’équilibrage suffisante, alors que c’était son obligation

En clair, REE n’aurait pas programmé suffisamment d’énergie de secours, tandis que les compagnies électriques n’auraient pas agi conformément à la réglementation, selon cette dernière. Le rapport conclut que les centrales chargées d’assurer la sécurité du système et d’absorber l’énergie réactive n’ont pas agi « convenablement », et que de nombreuses centrales de production se sont déconnectées du réseau avant le seuil de surtension critique, c’est-à-dire plus tôt que ce que la législation permet, ce qui a provoqué une réaction en chaîne.

Ces centrales – nucléaires, à charbon ou à gaz – étaient pourtant tenues de réguler la tension et avaient été rémunérées à cet effet, mais ne l’ont pas fait correctement. Selon le rapport, une centrale à gaz dans le sud de l’Espagne s’est distinguée en faisant exactement l’inverse de ce qui était attendu : elle a injecté de l’énergie réactive au lieu de l’absorber. Bien que les installations et leurs exploitants ne soient pas nommés dans le document – pour des raisons de confidentialité demandée –, les centrales nucléaires en Espagne appartiennent à Endesa, Iberdrola et Naturgy. Quant aux centrales à gaz, on en compte un peu plus de 30 dans la péninsule ibérique, appartenant majoritairement à Iberdrola, Repsol, Naturgy, Endesa et EDP.

Réponse de REE

Mis en cause, REE a donc présenté son propre rapport, dans lequel il pointe du doigt « une centrale photovoltaïque à Badajoz » comme origine de la panne. Quelques heures plus tard, Iberdrola – propriétaire de deux centrales photovoltaïques dans la zone, Francisco Pizarro et Núñez de Balboa (d’une capacité de 250 MW) – publiait un communiqué exprimant son « étonnement ». En plus de signaler que l’opérateur semble « confondre les conséquences de la panne avec ses causes », Iberdrola critiquait « la manière de fonctionner négligente et téméraire » de Red Eléctrica, qui « n’a pas rempli sa mission principale de garant de la continuité et de la sécurité de l’approvisionnement, ni de la bonne coordination entre la production et le réseau de transport ».

Iberdrola Espagne ajoute que, la veille de la panne, le 27 avril, REE avait programmé l’activité de 10 centrales synchrones capables de réguler la tension pour le 28, mais que « le nombre final de centrales synchrones connectées a été le plus bas depuis le début de l’année ». Le producteur et exploitant insiste sur le fait qu’au moment de l’incident, « toutes les centrales de son parc de production ayant reçu les instructions de Red Eléctrica étaient connectées », désignant cette dernière comme « responsable de la gestion de cet événement », qu’elle accuse d’une gestion « téméraire et négligente ». Il ajoute que « ce jour-là, toutes les centrales ont respecté la réglementation en vigueur ».

Aelec accuse REE de ne pas assumer ses responsabilités

Dans le même sens, la fédération patronale Aelec (composée d’Endesa, Iberdrola et EDP Espagne) publiait mercredi après-midi un communiqué affirmant que « le rapport du Comité gouvernemental d’analyse de la crise électrique du 28 avril a confirmé que des moyens suffisants n’avaient pas été mis en place pour le contrôle de la tension dans le système électrique. La responsabilité de disposer de ces moyens incombe à l’opérateur du système, Red Eléctrica de España (REE), qui, via le processus de restrictions techniques, doit garantir chaque jour la disponibilité d’un nombre adéquat de centrales synchrones, en tenant compte de l’impact de ses décisions et manœuvres sur les niveaux de tension. »

Aelec souligne qu’« il est préoccupant que l’opérateur du système n’assume pas ses responsabilités techniques, contredisant ainsi les conclusions du rapport gouvernemental, et attribuant l’origine de la panne à de petites déconnexions de production » et conclut : « Affirmer que tout a été fait correctement et qu’une simple déconnexion partielle de production justifie à elle seule une panne généralisée nuit à la réputation du secteur électrique espagnol et engendre une incertitude inutile pour l’ensemble de l’industrie. »

Quelques heures plus tard, le média en ligne elDiario.es publiait pourtant une exclusivité indiquant que la centrale à l’origine de la panne était bien Núñez de Balboa, en raison de l’apparition d’oscillations anormales sur le réseau. C’est ce qu’auraient confirmé au journal plusieurs sources ayant connaissance des rapports confidentiels de la commission d’experts du gouvernement et de REE, qui demande une enquête sur le « dysfonctionnement » de cette installation.

Nouveau service de contrôle de tension

Par ailleurs, la Commission nationale des marchés et de la concurrence (CNMC) a annoncé ce jeudi un nouveau service de contrôle de tension. Ce nouveau système permettra aux énergies renouvelables, jusqu’ici très limitées dans cet usage, de participer à ce service. « Cette révision introduit du dynamisme dans le service de contrôle de tension, et encourage le développement de capacités permettant de fournir davantage de ressources de la part de toutes les technologies de production et de consommation. Des marchés locaux sont également créés pour la contractualisation de capacité supplémentaire, afin de rendre le service plus efficient », explique la CNMC dans un communiqué.

Même si la CNMC rappelle que la production conventionnelle et renouvelable « est déjà soumise à des obligations de contrôle de la tension (depuis 2000 et 2014 respectivement) », les rapports sur la panne montrent que ce service n’a pas fonctionné correctement. Comme le souligne le rapport du gouvernement, les trois réacteurs nucléaires et les six cycles combinés de gaz qui devaient fonctionner dans le cadre du mécanisme de restrictions techniques pour contrôler la tension, n’ont pas rempli leur rôle lorsque les surtensions ont débuté.

Ce contenu est protégé par un copyright et vous ne pouvez pas le réutiliser sans permission. Si vous souhaitez collaborer avec nous et réutiliser notre contenu, merci de contacter notre équipe éditoriale à l’adresse suivante: editors@pv-magazine.com.

Popular content

Le solaire résidentiel aux États-Unis au bord de l’effondrement
24 juin 2025 Le secteur du solaire résidentiel aux États-Unis est en déclin, et la situation pourrait bientôt empirer. À la surprise générale dans l’industrie, la...