Dépôt d’une résolution climat par des actionnaires de Total : une première en France

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“Pour la première fois, des investisseurs se mobilisent pour pousser le premier émetteur de gaz à effet de serre du CAC 40 à se transformer de manière à répondre à l’urgence climatique. Il faut aujourd’hui saluer l’action de ces onze investisseurs [1] dont font partie la Banque Postale Asset Management, les gestionnaires d’actifs du Crédit Mutuel et Meeschaert. Mais on ne peut manquer de relever et questionner l’absence des plus gros investisseurs français à commencer par BNP Paribas pourtant en charge de mener les efforts d’engagement actionnarial auprès de Total pour le CA100+ [2]” commente Lucie Pinson, directrice de l’ONG Reclaim Finance qui œuvre pour la mise en place d’un système financier orienté vers la lutte contre le changement climatique et la protection de l’environnement. “Face à la responsabilité de Total dans la crise climatique et écologique, l’inaction ne saurait être une option: les investisseurs doivent désinvestir ou alors soutenir et voter la résolution aujourd’hui déposée”.

Un tournant stratégique à 180 degrés pour le pétrolier ?

“Si elle était adoptée à la prochaine Assemblée Générale, cette résolution entraînera de fait un changement drastique de stratégie pour le pétrolier. Ces deux dernières années, Total a timidement diversifié ses activités afin de réduire petit à petit sa dépendance à la manne pétrolière tout en maintenant le plus longtemps possible son business model », commente Edina Ifticene, chargée de campagne pétrole pour Greenpeace France. « Mais les petits changements à la marge et les effets d’annonce dont est coutumière l’entreprise ne suffiront plus pour atteindre la neutralité carbone à 2050 requise par le GIEC pour tenir l’objectif de 1,5°C. Il va falloir abandonner définitivement la vieille machine pétrolière et gazière polluante pour enfin initier une réelle transition énergétique basée sur les énergies renouvelables ».

Pour respecter cette résolution, Total devra dès 2020 désinvestir massivement de projets d’exploration en hydrocarbures – pétrole & Gaz – et surtout renoncer à ouvrir de nouveaux gisements comme celui de Mozambique LNG qui représente une véritable bombe climatique. D’après le think tank Carbon tracker [3], Total devrait réduire ses émissions de 40% au minimum et réduire sa production de 35% d’ici 2040 pour aligner sa politique sur un scénario compatible avec l’Accord de Paris. Atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 nécessitera également la fermeture des infrastructures fossiles en opération d’ici le milieu du siècle. Enfin et dès maintenant, Total doit cesser de promouvoir les fausses solutions pour lutter contre le changement climatique telles que la compensation carbone ou les agrocarburants à base d’huile de palme. Autant de décisions qui vont à l’encontre des choix opérationnels d’aujourd’hui.

[1] Parmi eux Actiam, Candriam, Crédit Mutuel Asset Management et les Assurances du Crédit Mutuel, Ecofi Investissements, Friends Provident Foundation, Fédéral Finance Gestion, La Banque Postale Asset Management, Meeschaert AM et Sycomore Asset Management.
[2] Le CA 100 + est un groupe d’investisseurs qui font de l’engagement collectif en direction de plus de 150 grands émetteurs de GES afin de les pousser à aligner leurs activités avec les objectifs de l’Accord de Paris. Lancée en décembre 2017, cette coalition regroupe 450 investisseurs qui gèrent ensemble plus de 40 000 milliards de dollars.
[3] “Balancing the Budget: Why deflating the carbon bubble requires oil & gas companies to shrink”- Novembre 2019