[Série flexibilités] « L’enjeu est d’adapter le système électrique à la consommation résiduelle »

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pv magazine France : Quel rôle joue la flexibilité du réseau dans la transition énergétique ?

Yannick Jacquemart, directeur de la transformation de l’exploitation du système électrique et de l’intégration des flexibilités chez RTE.

Image : Seignette-Lafontan

Yannick Jacquemart : La flexibilité consiste à ajuster la production, la consommation et le stockage d’électricité pour assurer un réseau résilient, alimentant au mieux la consommation tout en maximisant l’utilisation des énergies décarbonées. Mon rôle est justement de coordonner les actions nécessaires pour intégrer ces nouveaux besoins de flexibilité à différentes échelles temporelles, du long terme aux ajustements journaliers. La stratégie de RTE intègre plusieurs prérogatives, dont l’équilibre offre-demande, qui implique de maintenir la fréquence et la tension du réseau en ajustant la production et la consommation et le besoin de moderniser le réseau haute tension via des investissements stratégiques. Plutôt que de surdimensionner les infrastructures, nous assumons qu’une certaine congestion existera et nous développons des solutions pour la gérer efficacement. La flexibilité implique une coordination accrue avec les gestionnaires de réseau de distribution car de plus en plus de moyens de production et de flexibilité sont raccordés à ces réseaux locaux, nécessitant une gestion optimisée et des règles de coopération claires. 

Comment le réseau électrique s’adapte-t-il à une production croissante d’énergie photovoltaïque ?
L’émergence massive d’énergies renouvelables, et notamment l’essor du photovoltaïque, modifie fondamentalement l’organisation du système électrique. RTE raisonne aujourd’hui en termes de consommation résiduelle, c’est-à-dire la consommation qu’il reste à alimenter une fois qu’on a utilisé au maximum les productions fatales (celles qu’on ne peut ni piloter ni stocker directement). L’enjeu est d’optimiser l’utilisation de cette énergie disponible en ajustant les habitudes de consommation. Aujourd’hui RTE coordonne un ensemble de sujets techniques liés à la flexibilité, tant du côté de la consommation que de sa gestion. La particularité de la production photovoltaïque c’est qu’elle varie mais que ses périodes de disponibilité sont prévisibles. Ainsi, des incitations tarifaires simples, comme les heures pleines et creuses, peuvent être très efficaces ; de même, programmer l’enclenchement des chauffe-eaux lors des pics de production solaire permettrait de récupérer jusqu’à 80 % de l’énergie solaire écrêtée l’an dernier. Autre solution simple : charger son véhicule électrique le dimanche après-midi, quand la production photovoltaïque est importante et la consommation nationale faible. Plutôt que d’investir massivement dans des solutions coûteuses et complexes, nous devons d’abord favoriser ces ajustements naturels qui ne dégradent pas le service rendu aux consommateurs.

« Le décalage de la consommation est moins coûteux que le déploiement massif de batteries », Yannick Jacquemart, directeur de la transformation de l’exploitation du système électrique et de l’intégration des flexibilités chez RTE

Quel est le rôle du stockage et des interconnexions européennes dans la gestion du réseau ? 

Le stockage joue un rôle important, mais il ne doit pas être considéré comme la solution unique. La France bénéficie déjà d’un stockage intersaisonnier satisfaisant via l’hydraulique et la gestion du parc nucléaire, dont les arrêts pour l’entretien sont principalement programmés l’été ou le printemps, quand les énergies renouvelables sont plus disponibles. L’enjeu actuel réside davantage dans la modulation journalière, pour laquelle le premier levier à exploiter reste le décalage de la consommation sans perte de confort. Ce type d’ajustement est plus rapide et moins coûteux que le déploiement massif de batteries, qui nécessitent des ressources importantes. Les interconnexions permettent de mutualiser les ressources et de lisser les fluctuations à grande échelle. Toutefois, pour le photovoltaïque, leur impact est limité : l’ensoleillement étant synchronisé entre pays, les exportations se restreignent aux périodes où tous disposent déjà d’une production abondante. La véritable opportunité à l’échelle européenne réside donc dans une harmonisation des signaux de prix, pour inciter les consommateurs à utiliser l’électricité au moment où elle est disponible. 

Comment anticiper les épisodes de surproduction solaire et éviter les prix négatifs ? 

Une meilleure transparence des signaux de prix est essentielle. Aujourd’hui, les offres à terme ne reflètent pas toujours les fluctuations réelles de la production solaire. Introduire des produits de marché spécifiques, comme un tarif 10h-17h, permettrait d’inciter les consommateurs à utiliser l’électricité en journée. De même, une certification plus précise des garanties d’origine inciterait les consommateurs à utiliser l’électricité solaire lorsqu’elle est réellement disponible. Aujourd’hui, ces garanties sont calculées sur un bilan mensuel, ce qui signifie qu’un fournisseur peut vendre l’électricité solaire achetée en journée la nuit, sans inciter à une consommation adaptée à la production. Ces ajustements, bien que relevant du cadre réglementaire et économique, sont cruciaux pour améliorer l’efficacité du système électrique et accélérer la transition énergétique. 

Cet article est tiré de l’édition spéciale de pv magazine France, à télécharger ici.

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