La Cour des comptes étrille le soutien public au développement de l’hydrogène décarboné

Share

Dans un rapport rendu public le 5 juin, qui vise à établir un premier bilan du soutien au développement de l’hydrogène décarboné, la Cour des comptes juge « irréalistes » les objectifs de l’État en matière de production d’hydrogène décarboné et recommande de mieux flécher les aides à la filière. Dans sa seconde stratégie nationale hydrogène, publiée en avril 2025 (SNH 2), l’État s’est ainsi fixé comme objectif l’installation de 4,5 GW de capacités de production d’hydrogène par électrolyse de l’eau d’ici 2030 et 8 GW d’ici 2035.

La première SNH, publiée en 2020, prévoyait initialement des objectifs plus ambitieux : 6,5 GW en 2030 et 10 GW en 2035. « Dans un contexte d’une lente mise en service des premières capacités de production, ces nouveaux objectifs paraissent encore hors de portée », peut-on lire dans le rapport. Du côté de l’offre, les dispositifs de soutien mis en œuvre par la puissance publique pourraient permettre, selon le rapport, tout au plus la mise en place de 0,5 GW à 3,1 GW en 2030, loin de l’objectif de 6,5 GW, pourtant confirmé par le projet de PPE mis à consultation en novembre 2024. Du côté de la demande, l’objectif de consommation de 1 Mt H2 décarboné à horizon 2035 traduit une vision trop optimiste des consommations probables. « Ces hypothèses très optimistes fragilisent la crédibilité de la stratégie française de décarbonation de l’économie », poursuit la Cour qui estime dès lors nécessaire de fonder ces stratégies sur des trajectoires plus réalistes en matière d’hydrogène décarboné.

Un soutien public largement sous-estimé

Par ailleurs, le soutien public, qui devait initialement s’élever à 9 milliards d’euros sur la décennie, pourrait en réalité dépasser 13 milliards d’euros, une fois que l’on ajoute la compensation carbone, de l’exonération d’accises sur les prix de l’électricité et du taux réduit de tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE). « La prise en compte de ces dispositifs ainsi que la réévaluation d’autres conduisent donc la Cour à estimer que le soutien public global », établit le rapport.

Or, au premier semestre 2024, moins de 1 Md€ a été décaissé (0,9 Md€), et près d’un tiers (3,0 Md€) a déjà été juridiquement engagé. Le faible niveau de dépenses s’expliquerait pour partie par des délais inhérents aux projets industriels et par la publication tardive – en décembre 2024 – du premier appel d’offres pour soutenir la production d’hydrogène décarboné, alors que ce mécanisme était annoncé dès 2020. En dépit d’un changement de doctrine sur le recours à l’hydrogène dans le transport routier, une part importante des financements publics de la SNH a déjà été accordée au secteur du transport routier : près de la moitié (46 %) des dépenses effectivement engagées est destinée à ce secteur. « Il s’agit pourtant d’un usage pour lequel l’hydrogène est désormais considéré comme une solution de second rang, derrière le recours aux batteries », estime la Cour des comptes.

Évaluation des soutiens déjà apportés

En fonction des hypothèses, le coût de production de l’hydrogène électrolytique serait compris entre 4,0 €/kg H2 et 4,9 €/kg H2 pour un prix de l’électricité de 75 €/MWh (prix de la fourniture), soit un déficit de compétitivité de 1,5 à 2 €/kg H2 par rapport au vaporeformage. De plus, toujours d’après le rapport, selon les données de coûts disponibles, la solution d’une capture et stockage de carbone adjointe au vaporeformage serait moins coûteuse pour un même résultat en termes de décarbonation (entre 2,3 €/kg et 3,0 €/kg suivant les prix du quota carbone, pour un prix du gaz de 30 €/MWh) et pourrait être envisagée sur certains sites.

Par conséquent, les sages de la rue Cambon établissent quatre recommandations, dont celle d’assurer un suivi statistique de la production et de la consommation d’hydrogène incluant l’ensemble des sources et des usages, ou encore de fixer dans les documents de planification énergétique des trajectoires de consommation et de production d’H₂ réalistes au regard des perspectives de développement et de compétitivité de la filière. Ils souhaitent en outre mettre en œuvre l’exclusion effective de la production d’hydrogène à destination du raffinage de tout bénéfice du mécanisme budgétaire de soutien à la production. Enfin, ils proposent de procéder à une évaluation des soutiens déjà apportés aux projets de mobilité routière afin de redéfinir la place de ces usages dans la stratégie nationale hydrogène.

Ce contenu est protégé par un copyright et vous ne pouvez pas le réutiliser sans permission. Si vous souhaitez collaborer avec nous et réutiliser notre contenu, merci de contacter notre équipe éditoriale à l’adresse suivante: editors@pv-magazine.com.

Popular content

Un nouveau gel rafraîchissant pourrait augmenter le rendement des modules photovoltaïques de 12 %
11 juin 2025 Des chercheurs en Arabie saoudite ont mis au point un composite hydrogel capable d’absorber l’humidité dans les modules solaires pendant la nuit et de...