Le Solar‑to‑X permet la décarbonation industrielle en transformant l’électricité en molécules ou matériaux

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D’après pv magazine International

Un débat public similaire à celui sur le transport (véhicules électriques à batterie vs véhicules électriques à pile à combustible) ou sur le chauffage (pompes à chaleur vs chaudières à hydrogène) pourrait émerger bientôt pour les industries à forte intensité énergétique. Tandis que l’électrification directe est clairement supérieure pour le chauffage et le transport, la situation pour l’industrie est plus compliquée. Une nouvelle étude de l’Université LUT (Finlande) & de la RLS Graduate School (Allemagne) remet en cause les récits existants concernant la quantité importante d’hydrogène et met en lumière les possibilités de l’électrification directe.

En utilisant une analyse décisionnelle multicritère comme cadre méthodologique, avec cinq stratégies de pondération différentes, l’étude compare l’électrification directe et les technologies à base d’hydrogène pour quatre segments industriels, y compris l’e‑ammoniac et l’e‑méthanol. Les résultats globaux montrent que l’hydrogène est techniquement plus facile à mettre en œuvre, mais qu’il souffre de coûts énergétiques élevés, d’une flexibilité de procédé limitée, potentiellement d’une efficacité moindre, et d’un impact au sol (emprise foncière) plus important que son alternative basée sur les électrons. Encore au stade du laboratoire mais très prometteuses, les voies d’électrocatalyse pour la production d’ammoniac et de méthanol qui évitent les hautes températures, hautes pressions et pertes d’énergie pendant la production d’hydrogène vert comme étape intermédiaire, et synthétisent les produits finaux directement à partir d’eau et d’azote ou de dioxyde de carbone, pour l’ammoniac et le méthanol respectivement.

Comparaison technologique pour la production chimique de base avec électrification directe (jaune) et alimentation par hydrogène (bleu)

Image : LUT University & RLS-Graduate School

Le panorama plus large : cartographie des solutions industrielles

L’ensemble des technologies est vaste, et certaines sont plus prometteuses que d’autres. Une étude antérieure a identifié 28 technologies dans toutes les industries à forte intensité énergétique considérées. Le fer et l’acier sont le secteur avec les émissions et la demande énergétique les plus élevées, mais aussi le mieux étudié, avec un nombre croissant d’articles de recherche.

Développement des articles publiés sur la décarbonation industrielle de 2012 à 2022.

Image : LUT University & RLS-Graduate School

Actuellement, le monde attend les premières usines de réduction directe à l’hydrogène en Suède (Stegra) et en Allemagne (Thyssenkrupp) pour lancer la production à grande échelle d’acier vert. Cependant, l’électrification directe est une option considérable pour chaque segment industriel : notamment pour l’approvisionnement en chaleur à basse et moyenne température via des pompes à chaleur et chaudières électriques dans toutes les industries, ou simplement en remplaçant les combustibles fossiles par de l’électricité renouvelable pour des procédés déjà électrifiés (comme la fusion de l’aluminium). De plus, l’électrification directe peut être mise en œuvre dans des approches techniquement avancées telles que le chauffage par plasma dans des fours rotatifs à ciment, la fusion de verre entièrement électrique avec électrodes immergées, ou de nouvelles approches d’électrolyse ou d’électrocatalyse pour la production d’acier et de produits chimiques respectivement. Surtout, l’étude a montré que la plupart des industries pourraient bénéficier d’une utilisation accrue de technologies déjà disponibles pour la production secondaire et le recyclage afin d’électrifier les procédés, augmenter l’efficacité et réduire la pression sur la disponibilité des matériaux.

Voies d’électrification pour la sidérurgie primaire

Les chercheurs s’attendent à ce que le recyclage de l’acier via des fours à arc électrique joue un rôle de plus en plus important. Cependant, la sidérurgie primaire, utilisant le minerai de fer réduit, c’est‑à‑dire le fer de forge (fer sponge), sera encore nécessaire pour produire de l’acier de haute qualité. En dehors de la voie de réduction directe à l’hydrogène, l’électrolyse directe du minerai de fer via l’extraction électrolytique pourrait être une opportunité pour une électrification directe de la production de fer sponge. Une recherche précédente de l’Université LUT a indiqué que, en supposant une maturité technique en 2040, la production d’acier via l’extraction électrolytique pourrait être la technologie la moins coûteuse de production d’acier à un prix de l’électricité de 16 €/MWh, bien réalisable par le photovoltaïque solaire, et à des coûts d’émissions de CO₂ de 30 €/tCO₂.

En anticipant la réduction directe à l’hydrogène à court terme, des entreprises ont investi pour produire du fer sponge dans des régions disposant de ressources renouvelables abondantes, particulièrement le PV solaire, ainsi que de gisements de minerai de fer, pour approvisionner des fours à arc électrique dans des régions à disponibilité foncière limitée ou moins de renouvelables abondantes. De tels projets sont actuellement en cours en Namibie, Algérie et Mauritanie pour produire du fer vert qui peut être utilisé dans les fours à arc électriques européens. De nouvelles chaînes d’approvisionnement pourraient émerger avec le fer sponge comme matière largement échangée parce que la part des coûts de production d’hydrogène dans le coût total de la sidérurgie est significative. Le développement technique de l’extraction électrolytique pourrait permettre des parts plus élevées d’autosuffisance le long de la chaîne d’approvisionnement sidérurgique, car les coûts totaux de production d’acier deviendraient moins sensibles au prix de l’électricité.

Chaînes d’approvisionnement mondiales

Pour la production chimique, les intrants à base d’hydrogène comme l’e‑ammoniac et l’e‑méthanol sont le plus souvent considérés comme les produits chimiques de base majeurs pour produire les produits chimiques aval. En effet, les recherches sur la transition de l’industrie chimique estiment qu’au-delà de 33 PWh d’électricité pourraient être nécessaires pour décarboner la production d’intrants chimiques. Étant donné les fortes exigences électriques pour produire de l’hydrogène avant la synthèse chimique, le PV solaire à faible coût pourrait être la clé pour produire des intrants basés sur l’électricité de façon économiquement viable. De manière analogue à la production d’acier, un commerce significatif d’intrants à base d’électricité (méthanol et ammoniac) pourrait avoir lieu, avec des recherches sur une chaîne d’approvisionnement power‑to‑plastic depuis le Chili et le Maroc vers des pays européens montrant que les importations d’intrants conduisent à des coûts de production du plastique final comparables pour les plastiques importés. Pour les régions ayant une industrie chimique importante, une telle stratégie de chaîne d’approvisionnement pourrait être viable pour conserver des capacités de production chimique, car les voies électrocatalytiques pourraient ne pas être disponibles avant 2045. L’enquête mondiale sur le commerce des carburants et produits chimiques électriques indique une forte et croissante compétitivité pour les pays de la ceinture solaire.

Modélisation pour les besoins industriels

Plus de modèles de système énergétique intègrent l’industrie pour compléter la modélisation des systèmes énergétiques dans la recherche sur des systèmes 100 % renouvelables, et pour représenter toute la demande énergétique et en matières premières afin de créer des aperçus complets de l’offre et de la demande tout en couvrant toute la flexibilité du système énergie‑industrie. Des études existantes avec une représentation complète du système énergie‑industrie, comme pour la Finlande, le Kazakhstan, les Amériques, les États-Unis et le Canada, indiquent clairement une forte part de PV solaire avec une demande industrielle tirée par trois facteurs clés : l’électricité à faible coût, la complémentarité saisonnière des ressources en particulier avec l’éolien, et les bénéfices de flexibilité à court terme avec les batteries et à plus long terme avec des demandes basées sur l’hydrogène. Pour les Amériques, les États‑Unis et le Canada, des caractéristiques Solar‑to‑X pour l’industrie peuvent être trouvées.

Solar‑to‑X comme stratégie industrielle

Dans la plupart des régions du monde, le PV solaire est déjà la source d’électricité la moins coûteuse, avec une excellente disponibilité de ressources ouvrant de nouvelles opportunités industrielles pour les pays ensoleillés. Bien que de grands investissements dans de nouvelles usines seront nécessaires, les coûts déjà faibles et encore décroissants du PV solaire et des batteries ouvriront la porte à une production industrielle à grande échelle, avec des procédés directement électrifiés, ou en utilisant l’e‑hydrogène vert comme option de transition. Ces pays, souvent situés dans le Sud global, peuvent devenir exportateurs soit de produits chimiques électriques de masse verts (ammoniac, méthanol, éthylène) soit d’autres produits intermédiaires ou finaux comme l’e‑acier ou l’e‑aluminium. Les pays du Sud global bénéficient aussi d’une saisonnalité réduite, assurant une production continue rendue possible par une interaction synergétique de grandes et petites batteries et du PV solaire. Bien que la transition industrielle mondiale en soit encore à ses débuts, les opportunités techniques prometteuses pour une production industrielle verte et une électricité à faible coût sont des conditions préalables idéales pour un saut industriel basé sur Solar‑to‑X – qui permet aux économies émergentes de se positionner comme des acteurs clés dans une chaîne d’approvisionnement mondiale décarbonée.

Auteurs : Philipp Diesing, Gabriel Lopez, Dominik Keiner et Christian Breyer

Cet article fait partie d’une chronique mensuelle de l’Université LUT.

La recherche à l’Université LUT couvre diverses analyses liées à l’électricité, la chaleur, le transport, l’industrie, le dessalement, et les options d’émissions négatives de CO₂. La recherche Power‑to‑X est un sujet central à l’université, intégré dans les axes thématiques Ressources Planétaires, Affaires et Société, Révolution Digitale, et Transition Énergétique. L’énergie solaire joue un rôle clé dans tous les aspects de la recherche.

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