Pourquoi le paysage des fusions-acquisitions dans les énergies renouvelables peine à décoller au Vietnam ?

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Le secteur vietnamien des énergies renouvelables est florissant. Dans le solaire par exemple, la capacité installée est passée d’à peine 134 MW en 2018 à 6 000 MW en 2020. Le Vietnam s’est définitivement imposé comme l’un des pays les plus actifs d’Asie du Sud-Est et avec le mérite de diversifier son mix énergétique. Le développement des capacités concerne non seulement le solaire (grande échelle, toitures commerciales et industrielles «C&I»), mais aussi dans l’éolien, l’hydroélectricité et, dans une moindre mesure, la biomasse. Ce niveau de dynamisme suscite ainsi l’intérêt des investisseurs.

Étonnamment, ce dynamisme contraste avec un environnement plus compliqué en matière de nombre d’opérations de fusions et acquisitions (à la fois pour les nouveaux projets mais également pour les projets opérationnels) qui ont été effectivement finalisées. Plusieurs freins récurrents peuvent expliquer ce retard à l’allumage :

Covid-19 : de nombreuses transactions bien avancées début 2020 sont actuellement toujours en suspens (dans le meilleur des cas), voire annulées (dans le pire des cas) en raison de la pandémie. Cette situation inattendue a contraint de nombreux groupes locaux et investisseurs à revoir leur stratégie. Nous observons donc une forte volonté des vendeurs de conserver leurs actifs plus longtemps que prévu initialement, car les offres ne répondent pas à leurs attentes, ou parce que des restructurations internes sont en cours chez les investisseurs internationaux (recentrage sur leur marché domestique plutôt que recherche de nouvelles zones géographiques, gestion de leur trésorerie pour passer cette période pandémique…) ;

Ecarts entre les attentes des vendeurs et acheteurs : le Covid-19 a également renforcé l’inadéquation entre la capacité des investisseurs à payer des primes élevées pour les projets de réaménagement des friches industrielles d’une part, et les attentes des vendeurs de l’autre. De nombreux groupes locaux ont besoin d’un capital supplémentaire pour mener à bien les projets en développement. En outre, cet exercice visant à fixer la prime dite “adéquate/juste” à offrir devient de plus en plus difficile lorsqu’il s’agit de primes pour les projets greenfield (c’est-à-dire les droits de projets, les projets éoliens qui ne sont inclus que dans le plan principal, les projets solaires qui ont des terrains et des permis mais n’ont pas encore commencé la construction…) ;

L’incertitude réglementaire : le Vietnam a démontré en très peu de temps sa capacité de démocratiser un secteur jusqu’ici très calme. Cela s’accompagne cependant de quelques incertitudes au niveau de la réglementation, où la visibilité reste de court terme. Cela concerne les programmes de tarifs d’achat en cours ou non renouvelés, notamment dans les toitures C&I après 2020, une nouvelle circulaire pour le secteur éolien… De plus, même si un projet a signé un contrat d’achat d’électricité direct (PPA) et est entièrement opérationnel, il ne peut pas être considéré comme entièrement dépourvu de risque du point de vue de l’investisseur. Des incertitudes supplémentaires existent toujours, principalement liés aux PPA (réduction illimitée, pas de clause “take or pay”, force majeure…) ;

Environnement et social : quelques projets, notamment dans le secteur hydraulique, manquent de robustesse au niveau de la documentation juridique et d’audit des procédures sur les aspects environnementaux et sociaux. Ces critères sont pourtant cruciaux pour des investisseurs institutionnels internationaux et c’est l’une des principales explications de l’échec de certains accords ;

Le manque de standardisation des processus : une autre raison sous-estimée est l’absence d’un processus de fusions & acquisitions (M&A) clair et standardisé de la part des vendeurs (teaser, note d’information, modèle financier, absence de documents en anglais dans la dataroom…). Mener l’opération via un processus standardisé apporterait pourtant plus de fluidité, en réduisant l’effort et le temps consacrés à la transaction et réduisant ainsi les incompréhensions entre les vendeurs et les acquéreurs ;

Une fois ces manquements identifiés, il est important de différencier ceux qui peuvent être résolus rapidement ou non. Ainsi, le cadre réglementaire et la pandémie actuelle de Covid-19, entre autres, nécessiteront du temps pour construire un environnement encore plus robuste et favorable aux transactions dans les énergies renouvelables. A l’inverse, certaines faiblesses comme les aspects environnementaux et sociaux (E&S) ou encore la standardisation des processus peuvent être améliorées plus facilement grâce à la collaboration étroites des différents professionnels (conseillers techniques, fiscaux, financiers…) pour maximiser les chances de parvenir à la signature d’une transaction.

 

A propos de l’auteur :

Basé à Singapour, Rohan Singh est directeur associé de la filiale Finergreen en Asie depuis décembre 2014.

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