Appréhender les termes et conditions d’un financement long terme : l’exemple des projets renouvelables au Chili

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Mener un projet d’énergie renouvelable jusqu’à sa phase opérationnelle nécessite de synchroniser un certain nombre de canaux de travail. Le processus d’obtention des autorisations et permis, très souvent long et complexe, vient bien sûr immédiatement à l’esprit. Chacun de ces canaux nécessite des compétences variées, et il est toujours difficile de définir lequel va être le plus important dans le développement d’un projet. Pourtant, il y a un élément parfois méconnu qui affecte significativement la rentabilité d’un projet, souvent plus que le coût nominal de la dette : il s’agit des termes et conditions sous-jacents au crédit proposé.

Les termes et conditions sous-jacents d’un crédit font référence aux conditions financières, aux périodes de blocage ou d’indisponibilité des liquidités (cash trap), aux exigences de préfinancement en fonds propres, aux charges administratives, juridiques et techniques supplémentaires pour répondre aux critères de financement, et aussi aux impacts fiscaux liés à des structures de transaction parfois peu flexibles.

À titre d’exemple, au cours des cinq dernières années, les grandes banques de financement de projets telles que MUFC, Banco Security, Natixis, entre autres, ainsi que les marchés de capitaux, ont de plus en plus offert de solutions de financement à long terme et sans recours. Ce large éventail d’options favorise les développeurs et leur permet d’obtenir des financements plus intéressants en termes de coût et de maturité. Cependant, la pandémie planétaire et ses conséquences macroéconomiques affectent, comme beaucoup d’autres, cet écosystème. Les banques du monde entier sont contraintes d’octroyer des prêts à bas coût afin de stimuler les économies, sans toutefois compromettre leur capital, limité. N’ayant donc plus véritablement la main sur ces coûts, leur attention s’est tournée vers des éléments qu’elles peuvent encore contrôler : les termes et conditions sous-jacents au crédit. Face à cette situation difficile, les banques tentent ainsi de limiter autant que possible leur exposition au risque ; et c’est dans ce pilotage du risque que se démarque un prêteur simplement disposé à faire, d’un prêteur qui comprend véritablement un projet.

L’exemple des projets renouvelables au Chili

Dans le secteur chilien des énergies renouvelables, les conditions générales de financement des projets (taux, effet de levier et maturité) et l’appétit général ne se sont pas véritablement détériorés, alors que les comités bancaires tentent, en même temps, de réduire davantage leur exposition au risque. Au Chili, cela s’est traduit par des termes et conditions sous-jacents au crédit plus stricts, avec des impacts significatifs au niveau projet comme au niveau holding.

En ces temps de Covid-19, nous avons rencontré des cas où les conditions sous-jacentes des financements et les complications opérationnelles qui en résultent ont eu un impact au moins aussi important sur la rentabilité d’un portefeuille que le coût nominal de la dette. Par nature, il est très complexe de comparer ces termes et conditions (notamment en raison de problèmes de confidentialité), mais les porteurs de projet doivent être conscients qu’un prêteur doit non seulement être prêt à financer le projet (c’est bien sûr essentiel), mais doit aussi comprendre les risques et particularités spécifiques de leur projet afin que le financement accordé reflète (au mieux) la réalité du terrain. Chez Finergreen, dans l’exécution d’un mandat de financement de projet, nous abordons ces sujets très en amont avec les prêteurs potentiels. Cette étape peut (et devrait) être l’occasion de rentrer dans le détail et demander beaucoup de temps. Cela en vaut la peine car c’est là que nous pouvons évaluer le niveau de compréhension d’un prêteur potentiel. Leur niveau global de confort se reflétera en fin de compte dans les conditions sous-jacentes du prêt, ce qui aura des répercussions positives sur la rentabilité à long terme d’un projet.

Anticiper les aspects opérationnels des modalités et conditions sous-jacentes d’un prêt

L’un des enseignements que nous pourrions tirer des expériences récentes est que le coût de la dette devrait devenir un critère moins important pour un porteur de projet, d’autant plus que les taux d’intérêt sont poussés de manière générale vers le bas par les banques centrales du monde entier. Les taux de référence sont abaissés pour inciter les investissements au milieu de la récession mondiale induite par le Covid-19. Les marges bancaires se resserrent à nouveau et les courbes de taux s’aplatissent. L’écart entre une dette à coût élevé et une dette à faible coût s’en trouve donc réduit. Les sponsors devraient davantage se concentrer sur l’anticipation des aspects opérationnels des modalités et conditions sous-jacentes d’un prêt.

Tout d’abord, les banques prennent des mesures pour minimiser davantage leur exposition au risque de construction. Cela se traduit par des conditions plus strictes dans le package de sûretés avant qu’un projet puisse être considéré comme éligible au financement (plus de points d’étape doivent être atteints par le sponsor), une augmentation des fonds propres requis en phase de préfinancement, une prudence accrue dans les prévisions de revenus et de coûts futurs, un plus grand contrôle sur les prestataires pour l’EPC et les compagnies d’assurance et, dans certains cas, l’implication d’agences de crédit pour évaluer les risques de contrepartie. Ces mesures augmentent l’apport en fonds propres requis du sponsor à ce stade, en plus d’augmenter le coût global. En tant que développeur, votre actif corporel le plus précieux est l’argent liquide, et sa nature limitée fait que son coût d’opportunité est élevé. L’augmentation des besoins de trésorerie par projet signifie que d’autres projets (opportunités) sont retardés ou annulés. Cela est l’un des principaux enjeux du développement, et accroître les fonds dont un sponsor a besoin pour s’engager dans un seul projet pour qu’il atteigne sa COD (Commercial Operation Date) a de profondes implications sur l’activité de développement.

« Comprenez-vous mon projet ? »

Pendant la phase opérationnelle, les prêteurs chiliens mettent en place différentes mesures pour mieux contrôler leurs risques. Par exemple, imposer au sponsor une certaine structure organisationnelle (DevCo, BuyCo, HoldCo, etc.), ce qui peut avoir des impacts fiscaux non négligeables et accroître la lourdeur administrative du financement, à supporter par l’entreprise. Il n’est bien sûr pas nouveau pour un prêteur d’isoler autant que possible la structure qui va porter le financement, mais nous avons remarqué une tendance des banques à souhaiter multiplier les échelons. Aussi, exiger au sponsor des comptes de réserve supplémentaires et d’une ampleur accrue, réduit l’enveloppe de fonds directement disponible pour le sponsor. Dans le même ordre d’idées, limiter davantage la possibilité pour un projet de distribuer des dividendes, signifie que le sponsor devra attendre plus longtemps avant de commencer à récupérer ses fonds propres. Parmi les points mentionnés précédemment, ce dernier a un impact direct et significatif sur le TRI d’un projet. C’est pourquoi Finergreen conseille de plus en plus et assiste ses clients dans la levée de tranches de dette subordonnée, qui permettent de générer de la valeur supplémentaire en limitant l’apport en fonds propres du sponsor. En négociant des taux et des maturités qui suivent ceux de la dette senior du projet, la dette subordonnée ou la dette junior peut contribuer à augmenter le rendement du capital.

Dans l’environnement macroéconomique actuel, un porteur de projet devrait désormais comparer les propositions des prêteurs potentiels sur la base d’autres critères que celui du coût nominal de la dette. Plutôt que de cibler les prêteurs les moins chers et de demander « à quel taux ? », mieux vaut peut-être leur demander « comprenez-vous mon projet ? » et « comment allez-vous le financer ? ».

A propos de l’auteur

Depuis décembre 2018, Carlos Marron est Managing Partner spécialisé dans les énergies renouvelables chez Finergreen à Mexico (Mexique).

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