Développer notre résilience et celle de nos écosystèmes face au changement climatique est l’un des plus grands défis de notre époque. Au niveau politique, les Accords de Paris ont reconnu le besoin d’intensifier les efforts pour limiter l’augmentation moyenne de la température mondiale à 1,5°C. Depuis plus de dix ans, les centrales solaires PV jouent un rôle majeur dans la décarbonisation de nos activités. Toutefois, le véritable défi qui s’annonce est d’aller plus loin que la seule réduction des émissions de CO2. De réels efforts sont également nécessaires pour capturer le CO2. Selon un rapport récent du GIEC [1] sur le lien entre changement climatique et qualité des sols, la séquestration du carbone dans les sols et les pratiques de reforestation sont deux des principales solutions de décarbonisation.
La régénération des terrains situés sous des modules photovoltaïques permet potentiellement de capturer une partie des émissions de CO2. Même l’agrivoltaïsme, qui fait coexister agriculture et production d’électricité, peut permettre de capter du CO2 de l’atmosphère tout en renforçant notre production alimentaire, à condition que des pratiques agricoles durables soient mises en œuvre.
Cette année, l’Union Européenne a présenté sa stratégie vis-à-vis de la biodiversité en vue de prendre le chemin de la rémission d’ici 2030 et de développer la résilience de nos sociétés face aux impacts du changement climatique, des incendies de forêts, de l’insécurité alimentaire et des épidémies. De récentes études [2] du programme allemand BNE [2] ont montré que les centrales PV au sol conçues dans le respect de leur environnement ont des effets positifs sur la biodiversité, comparées aux usages conventionnels de monoculture des sols.
Un double intérêt
L’agrivoltaïsme s’est développé de manière exponentielle en moins de dix ans, passant d’environ 5 MWc installés en 2012 à environ 2 900 MWc en 2018, avec des programmes de financement gouvernementaux au Japon, en Chine, en France, aux États-Unis et récemment en Corée du Sud. Relâcher la pression sur les sols est d’autant plus fondamental que les besoins en énergie décarbonée vont augmenter rapidement en raison de l’électrification des transports qui s’annonce. La nécessité de reboiser pour capturer les émissions de CO2 va également s’intensifier.
Les exemples d’utilisation des sols situés sous des modules PV varient grandement et vont de l’entretien de la végétation par des troupeaux de moutons (écopastoralisme) à la culture annuelle de céréales et de légumes, en passant par la plantation pérenne de buissons et d’arbres fruitiers ou les cultures aquaponiques couplées au photovoltaïque, dans lesquelles poissons et plantes coexistent et se développent dans l’eau à l’ombre d’un système PV.
L’équilibre et l’intérêt financier de ces solutions se situent entre les économies potentielles à réaliser et les coûts d’investissement supplémentaires – un équilibre qui dépend bien sûr d’un grand nombre de paramètres propres à chaque projet. Les coûts supplémentaires peuvent par exemple provenir d’un recours à des structures surélevées, ce qui est également lié à la vitesse moyenne du vent sur site, ou alors au fait de devoir enterrer les câbles pour pouvoir faire paître un troupeau, ou encore de la nécessité de planter des haies pour préserver le sol de manière naturelle. Des coûts additionnels peuvent également découler de l’usage de technologies spécifiques telles que des modules semi-transparents pour permettre le passage des rayons du soleil, ou même conçus pour distinguer les parties du spectre solaire utiles aux modules de celles utiles aux récoltes situées en-dessous. En termes d’économies cette fois, les structures peuvent être pensées comme des serres, permettant ainsi de maîtriser la température, de protéger les cultures des oiseaux ou de contrôler l’irrigation. Et à l’image des autres technologies solaires, les coûts sont susceptibles de diminuer rapidement à mesure que des économies d’échelle seront possibles.
Concevoir un système qui serait optimal à la fois du point de vue du PV et de l’agriculture va néanmoins avoir un impact sur la quantité d’énergie produite par la centrale. Ces systèmes sont souvent construits avec un espacement plus important entre les rangées de modules, ce qui réduit la puissance pouvant être installée sur un site donné. Par ailleurs il peut être nécessaire d’optimiser l’inclinaison des modules en termes de gestion de l’ombrage sur les cultures plutôt qu’en termes de production d’électricité. Même des modules bifaces verticaux pourraient alors être avantageux dans cette nouvelle approche.
Du point de vue agroéconomique, le choix des cultures ainsi que les changements en termes d’ombrage, de microclimat et/ou de système d’irrigation vont tous avoir un impact sur le rendement d’un site donné. Tandis que dans certaines parties du monde l’ombrage supplémentaire sera bénéfique, dans d’autres chaque rayon de soleil est nécessaire. Au final il faut donc réaliser et optimiser le bilan des gains liés à la fois à l’électricité et à l’agriculture dans une démarche commune.
Alors que les tarifs mis en place pour l’agrivoltaïsme dans la plupart des pays sont les mêmes que pour les centrales solaires au sol classiques, la France a une longue expérience des projets de serres photovoltaïques, qui ont été soutenus par des tarifs spéciaux. Des critiques se sont élevées contre certaines serres qui n’étaient pas utilisées pour leur usage agricole ou contre la mauvaise classification de certains terrains, soulignant le besoin d’une sélection améliorée de manière à n’autoriser que des projets viables et durables.
Avec les règles et les mécanismes de soutien actuels le modèle agrivoltaïsme, caractérisé sur un même terrain par des revenus élevés pour la production d’électricité d’une part et des revenus inférieurs pour l’agriculture d’autre part, ainsi que l’absence de toute valorisation d’un potentiel rôle écologique, pose problème et crée des tensions entre les secteurs de l’énergie et de l’agroalimentaire.
Multiple rôles
L’avantage le moins connu des centrales PV au sol est son potentiel de séquestration du carbone venant des sols se régénérant sous les modules. Cela est dû, entre autres, à la nécessité moindre d’avoir recours à des pesticides ou à des mouvements de machines agricoles, et cet effet a des chances de s’améliorer encore sans récoltes annuelles. Le GIEC souligne dans son rapport ce potentiel pour les sols issus de terres cultivables et de pâturages. L’assimilation du CO2 contenu dans les sols peut être réalisée notamment en augmentant le nombre d’espèces végétales ayant des racines profondes, en ajoutant des matières organiques et en variant la rotation des cultures.
Les projets PV sont de plus en plus reconnus pour leur contribution potentielle à l’amélioration de la biodiversité. De nombreuses études ont montré qu’à mesure que les surfaces inutilisées sous les modules PV se régénèrent et retournent à un état plus naturel, la biodiversité revient et attire de petits animaux et des plantes sauvages. Après avoir étudié 75 centrales PV en Allemagne pour l’étude citée précédemment, BNE a conclu que les centrales avaient un effet fondamentalement positif sur la biodiversité, notamment pour les insectes, les reptiles et les oiseaux. L’étude souligne que lorsqu’un espacement suffisant est établi entre les rangées de modules et qu’une maintenance adaptée de ces espaces est mise en place la biodiversité peut sensiblement augmenter.
L’un des principaux exemples de développement de projets PV environnementalement durables est l’entreprise allemande Wattmanufactur. Cette entreprise conçoit et réalise des centrales PV en considérant des critères écologiques dès le départ. Sa filiale Osterhof fournit des services pour une gestion écologique des centrales PV et entretient des habitats sur site tels que des étangs pour les amphibiens, des nichoirs à oiseaux et à chauve-souris, ainsi que des arbres et des haies. Ces entreprises ont pour but d’intégrer également des pratiques agricoles telles que l’apiculture, l’écopastoralisme et la création de haies en utilisant des méthodes de coupe durables.
BNE a récemment publié une liste des bonnes pratiques [4] pour inciter les développeurs et les exploitants de projets PV à intégrer à leurs activités des facteurs environnementaux et des pratiques durables pour améliorer la biodiversité. Plusieurs des principaux acteurs allemands du solaires tels que BayWa r.e., Juwi ou Enerparc se sont déjà engagés à mettre en place ces pratiques. En l’absence d’un cadre légal fort pour améliorer la biodiversité dans et en dehors des centrales PV au sol, il est crucial que le secteur prenne l’initiative sur ce sujet.
Multiples responsabilités
Il apparaît clairement que les exploitants, les développeurs et les investisseurs doivent voir plus loin que le gain économique offert par un projet PV et accepter leur responsabilité dans la reconstruction climatique et la défense de notre écosystème. Imaginez un avenir où chaque acteur du PV s’engage dans cette approche « PV For Future ». Imaginez une mise en pratique de cette approche responsable à chaque étape afin d’améliorer la qualité des sols et permettre l’assimilation du CO2, ou de reconstruire la biodiversité, ou d’optimiser le rendement des cultures de façon durable et responsable. Voilà ce que signifie être une industrie de pointe : avancer plus vite que les gouvernements pour répondre aux défis écologiques ici et maintenant. Êtes-vous prêts à en faire partie ?
[1] « Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat »
[2] « Bildung für Nachhaltige Entwicklung »
[3] BNE, November 2019, Solar parks – profits for biodiversity
[4] BNE 2020, Gute Planung von PV-Freilandanlagen,
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