Bien réaliser l’étude de réverbération de son projet solaire

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Quelle est ou quelles sont les réglementations en matière de réverbération des panneaux photovoltaïques ?

Il n’y a pas de réglementation spécifique en la matière. Néanmoins, la réverbération des panneaux, du fait de son risque potentiel pour la sécurité publique, est un sujet traité par la réglementation.

Au premier chef, se trouve la réglementation applicable en matière de sécurité aérienne. Dans le cadre de l’analyse des risques créés par un projet, la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) s’appuie ainsi sur une étude de réverbération avant de rendre un avis favorable ou défavorable au projet photovoltaïque lorsque celui-ci est situé à moins de 3 km d’un aérodrome (e.g. aéroport, aérodrome privé) ou d’une hélistation, notamment celle d’un centre hospitalier.

De même, s’agissant des axes routiers, la loi Barnier du 2 février 1995 a été assouplie par la loi Energie Climat du 9 novembre 2019 à travers une possible dérogation pour les installations photovoltaïques localisées dans la bande des 100 mètres des autoroutes et routes express (75 mètres pour les routes classées à grande circulation). Cet assouplissement renforce toutefois la nécessité de s’assurer de l’absence d’atteinte à la sécurité publique et donc à la sécurité des usagers de la route. Une étude d’éblouissement permet ainsi de qualifier ce risque et de fournir les éléments nécessaires à l’appréciation des autorités publiques quant à cette dérogation.

Enfin, sans qu’une telle étude soit rendue obligatoire en tant que telle pour les projets à proximité des voies de chemin de fer, il reste que, par principe, l’étude d’impact doit analyser l’ensemble des impacts positifs ou négatifs du projet, notamment le risque d’éblouissement dont les études permettront de sécuriser le projet et les autorisations à obtenir.

Quels sont les critères à respecter ?

Ces critères sont posés uniquement en matière de sécurité aérienne. La note d’information technique (NIT) de la DGAC de juillet 2011 (version 4) intitulée “Dispositions relatives aux avis de la DGAC sur les projets d’installations de panneaux photovoltaïques à proximité des aérodromes” spécifie de manière exhaustive les différents critères que doit respecter une installation photovoltaïque.

Une étude de réverbération s’attache tout d’abord à définir l’appartenance du générateur aux trois zones de protection de chaque approche (voisinages de la piste et du toucher de roues) et à celle de la tour de contrôle, l’appartenance à une zone de protection impliquant la nécessité de prouver l’absence de gêne visuelle des pilotes et/ou contrôleurs aériens. La caractérisation précise des impacts identifiés tout au long de l’année permet enfin de déterminer la criticité de la gêne visuelle générée par les rayons réfléchis interceptant le champ de vue des pilotes et contrôleurs aériens. Cette caractérisation est définie à travers le type de la zone de protection impliquée, la luminance du rayon réfléchi (exprimé en candela par m² – cd/m²), l’angle entre la trajectoire et le rayon réfléchi mais également la localisation de l’aéronef sur sa trajectoire.

Comment et quand une étude de réverbération doit-elle être réalisée ?

Par principe, dans la mesure où elles vont conditionner la faisabilité du projet, elles doivent être réalisées assez tôt dans le développement des projets et au plus tard lors de la réalisation de l’étude d’impact.

Concernant la problématique aéronautique, la plus sensible, le réflexe à prendre à la genèse d’un projet photovoltaïque est de repérer les aérodromes ou hélistations localisés dans un périmètre de 3 km afin d’anticiper les contraintes aéroportuaires. Une liste indicative des aérodromes et hélistations en Métropole est téléchargeable au format Google Earth (https://www.solais.fr/#!/reverb). Le cas échéant, il est fortement recommandé de réaliser une étude de réverbération en amont du design dans la mesure où la configuration des modules devra répondre aux exigences de la DGAC. Cette étude sera nécessairement intégrée à la demande de permis de construire afin que la DGAC en ait connaissance lors de sa saisine pour avis. A défaut, la DGAC pourrait rendre un avis défavorable au projet ce qui, au mieux, retarderait l’instruction de la demande.

Concernant la problématique des réseaux autoroutiers ou ferrés, les résultats d’une telle étude seront intégrés dans l’étude d’impact. Conformément à la démarche ERC, l’étude pourra intégrer des mesures d’évitement ou de réduction d’impact, comme par exemple une localisation différente ou optimisée ou encore la plantation de masques végétaux.

Quelles solutions techniques existent pour résoudre les problèmes de réverbération aux abords des installations sensibles : y a-t-il une technologie à privilégier (modules, trackers, etc.) ?

La DGAC spécifie un seuil de luminance que les rayons réfléchis ne doivent pas dépasser (10 000 ou 20 000 cd/m², selon les zones de protection) afin d’être dispensé de prouver l’absence de gêne visuelle. De tels modules existent (e.g. les modules utilisant les verres structurés de type “albarino”) mais leur utilisation devient problématique pour trois principales raisons, ayant un impact sur la viabilité du projet : 1/ difficulté d’approvisionnement du fait du nombre limité de constructeurs et des capacités de production limitées, 2/ bilan carbone simplifié défavorable pour les appels d’offres dits CRE et 3/ encrassement plus important dû à la structure du verre engendrant une baisse de production ou et un surcoût de nettoyage.

L’utilisation de modules anti-éblouissement doit ainsi être envisagée en tout dernier recours, lorsque toutes les remédiations envisageables ont échoué ou ne sont pas viables pour le projet. Parmi elles, citons le changement d’azimut ou d’inclinaison des modules photovoltaïques, la réduction de leur emprise au sol ou encore l’utilisation de systèmes de suivi du soleil pour laquelle une cinématique adaptée permettrait d’éviter des impacts gênants. Dans le cas des routes ou réseaux ferrés, nous avons déjà mentionné l’utilisation de masques végétaux adaptés permettant de supprimer tout ou partie des impacts.

Pouvez-vous nous parler des retours d’expérience qui existent déjà autour de certains projets au bord d’autoroutes, d’aérodromes, d’aéroports… ?

Solaïs a réalisé plus de 500 études de réverbération. Il s’avère que chaque cas est particulier que ce soit pour le projet photovoltaïque (ombrière/toiture/centrale au sol, avec/sans suivi du soleil), pour les éléments critiques (pistes/hélistations, orientation des pistes/routes/voies ferrées, proximité du générateur) ainsi que pour l’environnement (topographie, masques proches, course du soleil). Alors que l’expérience permet de se faire une idée d’où auront lieu les potentiels impacts, seule la simulation permettra de caractériser finement ces impacts et donc la gêne visuelle.

C’est ainsi que dans certains cas, un projet proche d’un aérodrome recevra un avis favorable de la DGAC alors que l’avis sera défavorable pour un autre projet un peu plus éloigné ; l’intuition n’est pas évidente en termes de réverbération… L’expérience montre finalement une répartition assez uniforme entre les projets ne présentant aucun impact gênant, ceux pour laquelle une remédiation acceptable peut être proposée et enfin, ceux pour lesquels l’utilisation de verre anti-éblouissement ne pourra être évitée.

Qu’en est-il enfin de la problématique de l’éblouissement de riverains ?

En France, l’acceptabilité du photovoltaïque reste bien supérieure à celle de l’éolien terrestre. Toutefois, des oppositions peuvent émerger de la part de riverains pour lesquels la proximité d’une installation photovoltaïque peut susciter de l’appréhension voire, de manière plus factuelle, de la gêne visuelle pour une installation déjà en service.

L’étude d’éblouissement peut, là encore, jouer un rôle déterminant notamment lors des enquêtes publiques des projets puisqu’à ce moment, si ce n’est avant, au cours de la concertation autour du projet, les citoyens pourront appréhender de manière scientifique les impacts du projet. L’étude sera également utile, devant le juge, en cas de contentieux éventuels avec des riverains. Les résultats permettront notamment de quantifier les instants de l’année ou de la journée pendant lesquels les riverains pourraient ressentir une gêne visuelle, si celle-ci devait être, bien entendu, avérée.

 

A propos des deux interviewés :

Christophe Vernay est diplômé de l’Ecole Supélec (1997). Après un début de carrière dans l’industrie spatiale et les télécommunications, son intérêt et ses convictions en matière d’énergies renouvelables l’ont conduit à suivre des cours de photovoltaïque et d’éolien en 2010 au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) de Paris. En 2011, il est diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure d’Arts et Métiers (ENSAM) avec un Mastère Spécialisé en énergies renouvelables. Il a réalisé sa thèse professionnelle chez Solaïs en collaboration avec MINES ParisTech / ARMINES, sur la caractérisation des campagnes de mesures de l’irradiation. Depuis, il en est le directeur technique, en charge de la R&D et de l’ingénierie.

Hélène Gelas est associée au cabinet LPA-CGR Avocats et intervient en particulier dans le secteur de l’énergie. Docteur en droit, elle intervient depuis plus de 15 ans sur l’ensemble des aspects réglementaires des projets d’infrastructure et essentiellement énergétique (éolien, photovoltaïque, hydraulique, offshore, biomasse ou encore biogaz). Elle conseille ses clients dans le développement et la mise en œuvre des projets, qu’en audit avant dépôt des autorisations, dans le cadre d’acquisitions ou de financement, ou en contentieux devant les juridictions administratives, et plus particulièrement sur les aspects d’urbanisme, de droit de l’environnement et de droit de l’énergie (raccordement et vente du productible – Obligation d’Achat, Complément de rémunération, CPPA).

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