RE2020 : une ambition solaire manquée, un rattrapage possible, selon Enerplan

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Enerplan, syndicat des professionnels de l’énergie solaire, porte un regard critique sur les textes réglementaires qui vont régir les constructions neuves pour les dix années à venir. Alors que les perspectives législatives dessinées en 2010 ouvraient clairement la voie au bâtiment à énergie positive, gageant que sur dix années, le secteur du bâtiment saurait trouver l’équilibre technico-économique de ces bâtiments intelligents et producteurs, l’ambition a été complètement abandonnée. En effet, la future réglementation porte en elle une avancée importante, en quantifiant le carbone sur l’ensemble de la durée de vie du bâtiment. Elle omet cependant l’aspect énergétique en ce sens qu’elle dévalorise paradoxalement les bâtiments producteurs et l’autoconsommation, qu’il s’agisse de chaleur ou d’électricité.

Constat : le solaire est le parent pauvre du bâtiment neuf

  • La chaleur renouvelable : le solaire thermique dévalorisé

Le solaire thermique ne trouve plus de place dans la RE2020, car dès 2021 pour les maisons individuelles et à terme pour le collectif : soit les solutions respectent déjà les seuils sans poste eau chaude solarisé (bois, pompe-à-chaleur), soit elles ne passent pas ces seuils même avec une eau chaude solaire (gaz, effet joule). La Réglementation envisagée fait donc le choix, pour les usages réglementaires, de défavoriser les solutions de chaleur solaire au profit d’autres solutions, majoritairement électriques. En outre, malgré une production industrielle française et européenne des solutions thermiques, les panneaux solaires thermiques n’ont pas d’avantage compétitif en termes de carbone, la nécessité d’un appoint ne compensant pas le surcroit de carbone du système.

C’est donc une double peine pour le solaire thermique : mal valorisé par les critères énergétiques, il n’a pas d’avantage compétitif donné par les évaluations « carbone énergie » ni même « carbone composant ».

A titre d’exemple, les simulations effectuées montrent que, dans un premier temps en 2022, des solutions gaz individuel en logement collectif passent les seuils carbone énergie sans qu’il ne soit besoin de recourir à une chaleur renouvelable complémentaire pour l’eau chaude sanitaire. En revanche, en 2025, une solution gaz pour le chauffage avec chauffe-eau solaire collectif n’est plus éligible en raison des limitations carbone-énergie.

Cela est encore accentué en maison individuelle où les solutions de chauffe-eau solaire individuel ne passent pas les seuils, hors atteinte d’une Bbio de type « maison passive » qui supprime presque tout besoin de chauffage et avec un taux de couverture d’ECS par le solaire de l’ordre de 70 %. L’équipement de chauffage solaire (qui couvre un partie plus importante des besoins que le chauffe-eau solaire) devrait pouvoir tirer son épingle du jeu, mais il est mal valorisé dans la méthode de calcul. Ainsi, le solaire thermique couplé à appoint gaz, performant économiquement et dans la durée (avec une robustesse des capteurs solaires éprouvée sur une durée de vie longue) se retrouve exclu des solutions de référence hors appoint EnR. Comme ces solutions (biomasse et part ENR des réseaux de chaleur) satisfont le volet « carbone-énergie » sans apport solaire, elles seront donc installées seules pour des raisons économiques liées au coût de l’installation globale.

En somme, hors configuration exceptionnelle ou volonté particulière d’un maitre d’œuvre, les solutions solaires thermiques sont, par dommage collatéral, exclues du panel des solutions.

  • L’autoconsommation solaire électrique réduite à sa partie congrue

L’autoconsommation de chaleur solaire est donc clairement défavorisée, mais c’est également le cas de l’autoconsommation d’électricité.

En effet, le solaire photovoltaïque est défavorisé par le mode de calcul inhérent à cette réglementation, qui ne tient pas compte des usages mobiliers de l’électricité, et annule l’intérêt pour le bâtiment d’exporter son électricité ou sa chaleur produite sur site vers les réseaux. L’apport du solaire est alors réduit à une portion congrue, n’en prenant en considération qu’environ 20 %, alors même qu’est reconnue unanimement la nécessité, pour atteindre les objectifs ambitieux de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie, de solariser les toitures dès que possible.

L’intelligence du bâtiment, au service de l’autoconsommation solaire et de la résilience des bâtiments, est également exclue de la réglementation. Sur les 5 usages réglementées, le déplacement de consommations réglementaires aux heures de production solaire n’est en effet pas prévue, alors même qu’elle serait à même de maximiser l’autoconsommation et la part d’électricité renouvelable sur ces usages réglementés.

En outre, la règlementation prévue exclut de facto la part non autoconsommée qui est injectée sur le réseau, ce qui obère toute notion de bâtiment à énergie positive.

En effet, un bâtiment ne peut être positif qu’en produisant plus qu’il ne consomme. Cette piste, pourtant encore inscrite dans la loi, n’est pas celle poursuivie par la RE2020 telle qu’elle est présentée, mais il apparaît nécessaire, pour pouvoir mettre en œuvre des labels plus exigeants, de comptabiliser cette électricité exportée. Enfin, l’analyse de cycle de vie, au vue de la faible prise en compte des électrons solaires dans la performance énergétique du bâtiment, vient défavoriser l’installation solaire en la pénalisant d’un point de vue carbone, pénalité non compensée par la valorisation énergétique. Dès lors, alors même que seule un cinquième de la production des panneaux est prise en compte, c’est bien la totalité de leur système qui est comptabilisé au regard de son empreinte carbone. Cela créé de fait un déséquilibre qui a pour effet de rendre artificiellement moins intéressante l’autoconsommation solaire électrique. Tout est donc fait, au travers de ce texte, pour que le solaire ne trouve pas sa place dans la bâti neuf, alors qu’il est par ailleurs promu par les textes législatifs et réglementaires (PPE notamment) mais aussi plébiscité par les français (plus de 90% d’opinion favorable dans la population, et 90% des raccordements résidentiels aujourd’hui en autoconsommation).

Améliorations nécessaires : intégrer et valoriser le solaire sur bâtiment

Il est encore temps d’ajuster le texte pour ne pas injurier l’avenir. C’est ce qu’ont d’ailleurs souhaité les membres du CSE lors de l’examen des projets de décret et d’arrêté le 25 mars dernier.

Une première mesure, souhaitée par le CSE, qui pourrait permettre aux solutions solaires innovantes de trouver leur place dans la RE serait de poursuivre l’éligibilité, au moins dans une période de transitions, des « titres V » actuellement valables.

L’étude, prévue par l’article R.111-20-7, qui doit permettre de vérifier la possibilité de solariser les bâtiments va se heurter aux écueils liés à l’ACV et à la prise en compte partielle des consommations réelles du bâtiment. Enerplan propose donc que cette dernière doive s’attacher également aux usages mobiliers pour éclairer au mieux le futur occupant ou propriétaire sur l’apport de l’énergie solaire à ses consommations.

  • Ne pas injurier l’avenir : des bâtiments prêts à être solarisés

Lorsqu’existe une volonté politique, la réglementation permet d’obliger les porteurs de projets de construction à pré-équiper les futures habitations pour des usages à venir. C’est le cas ici pour les infrastructures de recharges de véhicules électriques qui doivent être prévues dès l’origine du projet, quand bien même le choix est fait de ne pas les installer immédiatement. Enerplan souhaite une disposition similaire pour les installations solaires. Enerplan a donc formulé, et étudié le surcoût, de cette mesure visant à obliger ces nouveaux bâtiments à être prédisposés à accueillir des installations solaires. Cette étude, réalisée par le bureau d’études spécialisé Cardonnel, montre un surcoût extrêmement limité, au maximum de 0,4 %.

Cette mesure, de bon sens, ne saurait être mise en œuvre volontairement par les maîtres d’œuvre puisqu’elle entraînera une « dépense » de carbone via les matériaux dimensionnant (fourreaux et gaines notamment) qui n’auraient pas d’utilité directe au moment de la livraison du bâtiment.

Enerplan demande donc que soit intégrée une obligation « prêt au solaire » dans les bâtiments neufs par la réglementation, d’autant plus qu’elle ne coûte quasiment rien dans le budget global de construction tout en réduisant notoirement la facture ultérieure des occupants qui souhaiteraient installer dans 5 ou 10 ans une centrale de production solaire photovoltaïque ou thermique sur leur toit. A défaut, la solarisation ultérieure sera en effet plus difficile et plus coûteuse.

  • Un label ambitieux pour pallier les manques d’ambition réglementaires

Enfin, au-delà de cette réglementation, Enerplan souhaite que le ou les labels qui pourraient être mis en place pour aller au-delà du bâtiment puissent valoriser les exports d’électricité ou de chaleur solaires aux bâtiments alentours et aux réseaux dans une logique d’autoconsommation collective et de partage des bénéfices des énergies renouvelables locales. Ce label doit trouver les voies pour inclure les usages électriques domestiques, de mobilité mais aussi le partage des électrons et de la chaleur solaires afin de valoriser des solutions que la réglementation environnementale, à l’encontre de la volonté des français, tend à exclure des bâtiments neufs.

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