Le CEA-INES développe un outil plus précis de prédiction du productible PV

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pv magazine France : Le CEA-INES (Institut national de l’énergie solaire) a développé ce nouvel outil Trifactors qui permet de mieux prédire le productible et les effets de bords. Quels sont ses nouveautés par rapport aux logiciels déjà sur le marché ?

Jérémie Aime : TriFactors permet la simulation de centrales d’architectures nouvelles et/ou complexes comme, par exemple, des centrales bifaciales verticales pour applications agricoles. Il a été imaginé et développé pour quantifier l’impact de certains paramètres de conception de la centrale comme l’inclinaison, la hauteur, l’orientation des modules et la distance entre les rangées ou encore l’impact de l’albédo sur la production électrique de la centrale.

Par rapport aux produits déjà disponibles sur le marché – citons notamment le logiciel PVsyst -, plusieurs améliorations ont été apportées. La première est que nous n’avons pas voulu créer un outil « boite noire ». Autrement dit, l’utilisateur est totalement libre sur les paramètres qu’il souhaite entrer dans l’algorithme de calcul, afin de s’approcher au plus près de ses données sur les bancs d’essai. Parmi ces paramètres, l’une des valeurs ajoutées du logiciel se situe dans le maillage, totalement personnalisable. A chaque maille correspond une valeur d’irradiance spécifiée, grâce à l’approche View factor (facteur de forme), dérivée des approches utilisées pour la modélisation du rayonnement thermique. C’est pourquoi le module n’est pas associé à une irradiance moyenne, comme ça peut être le cas sur d’autres logiciels. En effet, en reconstituant au plus près l’irradiance du module, il est possible de quantifier le mismatch de la face arrière des modules bifaciaux. De plus, grâce à la 3D, nous prenons davantage en compte les singularités de la centrale, en particulier les effets de bords. Enfin, l’utilisateur a la possibilité d’ajouter un albédo heure par heure et journalier, en particulier s’il dispose d’un albédomètre sur site. Pour nous, en tant que centre de R&D, cet outil nous permet donc de mieux comprendre tous les phénomènes physiques autour de la technologie bifaciale.

L’outil TriFactors.

Image : CEA-INES

Et quel est le gain pour les opérateurs et bureaux d’études ?

L’avantage est de pouvoir quantifier le productible d’une centrale bifaciale de manière plus fine, grâce à un découpage de l’espace en 3D de l’ensemble des interactions entre le module et son environnement. Dans le secteur du photovoltaïque, la recherche de gains est en effet de l’ordre du pourcent, que ce soit dans l’analyse du TRI et pour benchmarker les différentes technologies disponibles. Pour aller plus loin, rien n’empêche ensuite l’utilisateur d’adjoindre à notre outil d’autres bases logicielles pour modéliser l’ensemble des pertes d’une centrale et comprendre exactement tout ce qui se passe au niveau de système PV : onduleurs, modules, câblage, pour optimiser toute l’architecture électrique.

Preuve de notre plus grande fiabilité, nous avons réalisé des comparatifs entre des logiciels R&D, notamment Radiance du NREL utilisant la méthode Ray tracing (projeté de rayon), le logiciel PVsyst (avant sa mise à jour) et le nôtre : en lissant sur l’année, TriFactors a abouti à un écart de 0,5 % entre le productible estimé et la production réelle, contre 6 % pour PVsyst. Nous avons prévu de refaire les mêmes comparaisons avec le logiciel mis à jour.

Quelles sont les technologies de modules compatibles avec votre outil ?

L’INES travaille particulièrement sur l’hétérojonction et dispose de bancs d’essais équipés de ce type de modules. Nous avons donc commencé avec cette technologie. Mais l’algorithme de conversion électrique est suffisamment adaptable pour pouvoir calculer le productible d’une centrale quelle que soit l’architecture et la technologie choisies. Par conséquent, l’outil peut servir à simuler l’intégration du bifacial à différents types d’usages. Citons par exemple le PV vertical pour l’agriculture : quelles sont l’inclinaison et la hauteur optimales, quelle est la structure adaptée pour minimiser le mismatch. Il peut également être utilisé pour le bifacial flottant, avec comme contrainte des valeurs d’albédo plus basses : quels paramètres mécaniques et électriques doit-on optimiser dans ce cas. Pour les centrales au sol, il peut permettre de valider en amont le retour sur investissement. Enfin, l’outil est également s’adapter au mono-facial, ou au tracking, notamment dans les environnements désertiques.

Comment les utilisateurs peuvent-ils bénéficier de TriFactors ?

L’outil, développé dans nos laboratoires, est utilisé pour nos travaux internes, dans des projets européens et dans le cadre de nos contrats de recherche avec des industriels en partenariat avec l’INES. A titre d’exemple, nous travaillons avec des entreprises que l’on accompagne sur la manière de designer les centrales d’un point de vue global (optimisation technico-économique de l’architecture électrique), mais aussi pour analyser les différences observées entre les simulations prédictives et la réalité. De même, nous menons une collaboration avec une équipe de scientifiques au Chili, qui travaille sur des bancs de mesure installés dans le désert d’Atacama. Ces bancs sont connectés à un système de remontée de données et la modélisation aide à améliorer le diagnostic associé.

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