Des trackers solaires de plus en plus intelligents, et ce n’est pas de la magie

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Aux débuts du déploiement des systèmes PV connectés au réseau, c’est le coût des modules qui impactait majoritairement les CAPEX. Les trackers à axe double étaient particulièrement intéressants car ils permettaient d’augmenter jusqu’à 40% la production des modules par rapport à une structure fixe. Le coût élevé du système de support était largement compensé par le rendement supérieur, malgré une plus grande complexité. Lorsque le coût des modules a commencé à rapidement diminuer, les trackers mono-axiaux avec axe de rotation nord-sud se sont imposés comme le meilleur compromis entre le coût, le rendement et la complexité.

Des pentes supérieures à 20 %

Avec des milliers de MWc déployés dans le monde, les principaux fabricants de trackers ont appris au fil des années à faire face aux environnements les plus difficiles. Les designs ont évolué pour résister à des charges de vent et de neige plus importantes et les temps d’arrêts dus à la maintenance n’ont cessé de diminuer, permettant ainsi de limiter les frais de fonctionnement des centrales. Les développeurs étant obligés de se reporter sur des terrains accidentés, les fabricants de trackers s’adaptent à cette nouvelle réalité et proposent des produits plus tolérants aux pentes du terrain. Certains fournisseurs affirment que leurs produits peuvent être installés sur des pentes supérieures à 20 %. Un tracker en configuration 2V (1 module en portrait de chaque côté de l’axe de rotation) accueille le même nombre de modules qu’un tracker 1V mais sera deux fois plus court et potentiellement plus adapté aux terrains pentus. La réussite du projet dépend d’une bonne analyse de la topographie, du choix du matériel et d’une réflexion sur l’implantation des structures. La plupart des développeurs sont conscient qu’il ne faut pas sous-estimer le temps nécessaire pour arriver à un design satisfaisant.

L’estimation de la production future de ces projets reste un sujet complexe et source d’incertitudes. L’ombrage inter-rangées est très difficile à évaluer sur un terrain accidenté et ne pourra pas être corrigé par un algorithme standard de backtracking. Les solutions de correction des ombrage intelligentes (appelées « suivi intelligent » ou « smart tracking ») sont proposées par les différents fabricants pour maximiser la production des trackers. Mais comment mesurer leur efficacité réelle ?

Avant d’aborder plus en détail le smart tracking, il est important de rappeler quelques concepts de base. Les trackers ont été conçus pour suivre le soleil, afin de maximiser l’irradiation atteignant les modules. Les algorithmes de backtracking ont été mis en œuvre pour éliminer les ombres inter-rangées en début de matinée et en fin d’après-midi en adaptant l’angle de rotation des trackers. Cette réduction de l’ombrage se fait au détriment d’une réduction de l’irradiation atteignant les modules. Le soleil n’est plus suivi ! Ce compromis est généralement positif mais il existe des exceptions.

Dans le cas d’un terrain plat, tous les trackers auront le même angle au même moment ce qui rend le backtracking simple à mettre en place.

Sur un terrain irrégulier, chaque tracker peut avoir ses propres pentes est-ouest et nord-sud, cela signifie que l’angle de suivi optimal sera variable d’une table à une autre. Le smart tracking prétend déterminer précisément les angles de rotation de chaque tracker pour éliminer les ombres inter-rangées. En supposant que ces angles puissent effectivement être définis, il faudra ensuite pouvoir réaliser l’étude de productible. Cependant, les logiciels de simulation de systèmes PV standards ne sont généralement pas en mesure de gérer une telle complexité, ce qui rend donc difficile la vérification du gain ou de la perte de production pour un projet utilisant un algorithme de suivi intelligent. L’exécution de quelques scénarios extrêmes pourrait aider à comprendre le niveau de variation auquel les projets sont soumis. Il est peu probable qu’un projet situé sur un terrain à topographie complexe produise plus qu’une installation similaire sur terrain plat, celui-ci pourrait donc être considéré comme le scénario optimal. Pour les pires scénarios, effectuer une simulation en tenant compte de la topographie et (i) en utilisant le backtracking standard ou (ii) en désactivant le backtracking, permettra d’évaluer l’ombrage inter-rangées. Il est également possible de diviser le projet en plusieurs sous-systèmes qui regroupent des trackers en fonction de leur inclinaison et orientation sur le terrain. Toutes ces options sont possibles avec les logiciels de simulation standard existants tels que PVsyst. Toutefois, par rapport à une configuration plus classique, l’estimation de productible devra faire appel à la combinaison de différentes simulations. Certains développeurs proposent des logiciels de simulation plus puissants, capables de gérer la position d’un seul tracker ainsi que plusieurs orientations et angles de suivi. Ces programmes sont souvent dérivés d’outils initialement conçus pour le solaire concentré, qui fait appel au pilotage individuel d’héliostats, et demandent un investissement important dans les frais de licence mais également en formation du personnel en charge des études de productible. Indépendamment de l’outil retenu, le budget nécessaire à l’étude de productible sera significativement plus important que pour un projet plus conventionnel.

Éviter les litiges

Avant de se lancer dans une étude de productible trop complexe, une préparation minutieuse et une approche réfléchie peuvent aider à réduire les coûts. Avec une bonne compréhension du terrain sélectionné, certains travaux de génie civil peuvent faciliter la réalisation et limiter la multiplicité des pentes et des orientations pour les trackers. Le choix du matériel peut également jouer un rôle important. Par exemple, les modules à demi-cellules sont plus tolérants aux ombrages. Des onduleurs de chaîne regrouperont moins de trackers et donc de modules, ce qui permettra d’optimiser le suivi du point de puissance maximale.

Enfin, l’évaluation des performances à long terme doit être anticipée. Lors de l’installation des pyranomètres, trop d’orientations différentes pour les trackers peuvent mener à des difficultés sur le nombre de pyranomètres à installer. Au contraire, il peut être plus avantageux de s’appuyer sur la mesure de l’irradiance horizontale et un modèle de transposition, plutôt que sur une valeur moyenne de l’irradiance mesurée. En outre, les paramètres de performance, tels que le calcul du PR, devront être soigneusement détaillés et négociés dans les contrats EPC et O&M pour éviter tout litige pendant la durée de vie de la centrale.

Les fabricants de trackers font beaucoup d’efforts pour améliorer leurs produits et s’adapter aux complexités des terrains rencontrés. Les stratégies de « smart tracking » sur des terrains irréguliers ont clairement un impact positif sur la production du projet. Cependant, le gain exact est difficile à évaluer et reste incertain. Le « smart tracking » ne compensera pas une mauvaise conception et un mauvais développement. Pour se prémunir d’estimations de rendement trop optimistes, un examen soigneux des projets et de leurs modèles financiers est la clé.

Felipe Canto Teixeira.

Image : Everoze

Felipe Canto Teixeira est associé chez Everoze, un cabinet de conseil technique et commercial en énergie spécialisé dans les énergies renouvelables, le stockage et la flexibilité. Felipe travaille dans le secteur de l’énergie depuis 2009, accumulant de l’expérience dans différentes technologies et marchés. Il se concentre actuellement sur l’ingénierie de projet, les audits techniques et l’estimation de production des projets solaires photovoltaïques.

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