Il aura fallu attendre une décision de la Cour de cassation, en date du 21 septembre 2022, pour savoir si, au final, les panneaux photovoltaïques, qui participent à la réalisation d’un ouvrage, relèvent bien de l’assurance décennale du poseur. À l’issue d’une affaire opposant une société à un constructeur de panneaux solaires, objet d’un premier recours, puis d’une procédure en appel, les magistrats de la plus haute juridiction ont tranché : en droit, le panneau photovoltaïque doit, bel et bien, être considéré comme un ouvrage soumis à la garantie décennale. Explications.
L’article 1792 du code civil stipule en effet que « tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un des ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination ».
Partie intégrante de l’ouvrage
En l’espèce, la question est de savoir si des installations photovoltaïques sur une toiture peuvent être qualifiées d’ouvrage au sens du code civil. Ou doivent-elles être considérées, comme l’a fait la Cour d’appel de Pau, comme un élément d’équipement, détaché de l’ensemble de l’ouvrage et ne devant engager qu’une simple responsabilité contractuelle de droit commun ? Pas évident de prime abord, surtout que les installations photovoltaïques sont souvent des travaux sur existants, pas forcément incorporés à une toiture et donc en surimposition. Ces différentes hypothèses ne plaidant pas en faveur d’une mise en jeu, d’office, de la responsabilité décennale du maître d’œuvre en cas de désordre, la Cour de cassation a bien fait de clarifier la situation. Elle retient dans ses attendus que les panneaux photovoltaïques font partie intégrante de l’ouvrage. Ils en constituent un élément d’équipement participant de la réalisation de l’ouvrage de couverture dans son ensemble, en assurant une fonction de clos, de couvert et d’étanchéité du bâtiment.
« Cette décision de justice ne change pas grand-chose au final, elle vient juste clarifier la situation, relativise Nicolas Randria, secrétaire général du Groupement des métiers du photovoltaïque (GMPV), interrogé par pv magazine France. Pour lui, en tout cas, elle n’exempte pas les professionnels de leurs responsabilités. « En cas de sinistre, on présuppose toujours que l’installateur est responsable. Les assureurs qui couvrent cette responsabilité attendent, en toute logique, des garanties de la part des entreprises ; qu’elles puissent démontrer leurs compétences en électricité, en couverture, en études et qu’ils mettent en œuvre des produits ayant été préalablement validés. »
La responsabilité, pendant de l’assurance
La méfiance naturelle des assureurs vis-à-vis du photovoltaïque – un domaine qu’ils ne maîtrisent encore pas totalement –, est compréhensible, certains accidents industriels leur ayant coûté suffisamment cher… Comme après les dysfonctionnements constatés, entre 2010 et 2012, sur les modules Scheuten Solar et Solar Fabrik, dont les défaillances au niveau des boîtiers de jonction risquaient d’entraîner un incendie.
Pendant de la responsabilité des entreprises constructrices ou installatrices de panneaux photovoltaïque, la question assurantielle est essentielle. « Si tout installateur a l’obligation d’être assuré pour sa responsabilité décennale, le périmètre de cette assurance reste assez flou, reconnaît Nicolas Randria. L’obligation ne porte pas sur tel ou tel type d’ouvrage précisément, mais elle les considère dans leur ensemble, à l’exclusion de certains ».
La question n’est donc pas tant de savoir si une entreprise doit s’assurer ou non – et jusqu’où –, mais de savoir si elle est responsable et comment elle l’est. « Tant que cette notion de responsabilité ne sera pas totalement embrassée par les installateurs, ils auront toujours tendance à dire que les assureurs en demandent trop. Certes, mais s’ils le font, c’est d’abord pour s’assurer que la responsabilité de l’entreprise ne sera pas engagée. C’est ça le plus important. »
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Merci beaucoup très interessant
Le sujet vaudrait un deuxième article sur le role et la compréhension des etn et autres avis techniques, les différentes décennales pour qui.
dans un marché européen. Comment procède t’on ailleurs avec quels résultats ?
Merci pour cette article.
Coté assurance, pourquoi les ETN (internationales avec un large retour d’expérience) sont moins bien considérées en France par rapport aux Avis Technique (valide qu’en France)?
Le CSTB a montré son incapacité à évaluer un procédé photovoltaïque (Moratoire AQC – Liste Verte) etc…, et produise des avis techniques incompréhensible et inutilisable pour l’installateur, qui deviennent trés rapidement dépassés (évolution des panneaux) et inutilement complexe (spécification des tailles de cellules !) avec des lacunes techniques abyssales (aucunes prérogatives sur les sections de bois à ajouter en fonction de l’épaisseur des liteaux, entraxe chevrons, zone de toiture, zone d’exposition Eurode NV65).
Pourquoi un Atec ne serait pas valide pour tout les panneaux répondant (déjà) aux normes de tenue mécanique en vigueur (CEI 61-215, CEI 61-730) ?
Quand considérera t on les procédés de pose (surimposition) comme une technique traditionnelle ? La surimposition est connue et utilisée depuis les années 70 avec les capteurs thermiques et depuis plus de 20 ans pour le PV.