Les PPA en chute en Allemagne alors que les développeurs se tournent vers le solaire hybride avec batterie

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D’après pv magazine ESS News

L’ère des projets solaires autonomes, soutenus par des contrats d’achat d’électricité (PPA) à long terme, pourrait toucher à sa fin. En cause : la production solaire massive à la mi-journée, qui entraîne une cannibalisation des prix et de plus en plus d’heures à prix négatif dans plusieurs régions européennes. Parallèlement, les acteurs financiers – en particulier les banques – resserrent l’accès au crédit, rendant le financement des actifs solaires traditionnels plus complexe. D’où l’intérêt croissant pour la colocalisation de ces projets avec des systèmes de batteries.

C’est ce virage stratégique qui a fait l’objet d’un débat approfondi lors de la conférence « Get Enspired! 2025 », organisée en septembre à Berlin, et entièrement consacrée au stockage d’énergie.

Vue d’ensemble du marché

Dominique Hischier, de la société d’analyse Pexapark, a ouvert la discussion sur la colocalisation en présentant les défis auxquels sont aujourd’hui confrontés les développeurs et investisseurs en énergies renouvelables : revenus en baisse, hausse des heures à prix négatif, et files d’attente interminables pour les raccordements au réseau. Un autre problème majeur, longuement discuté pendant la conférence, est la difficulté d’obtenir un raccordement au réseau auprès des gestionnaires de réseaux de transport (TSO).

« Pourquoi ne pas simplement continuer avec des projets solaires autonomes, bien plus simples à mettre en œuvre ?, a interrogé Dominique Hischier. Parce que si l’on regarde la valeur d’un profil solaire générique en Allemagne aujourd’hui, les chiffres sont franchement préoccupants ». En effet, la valeur de ce profil a chuté d’environ 90 % à 50 % en seulement deux ans, par rapport à un profil de base de charge. « D’une année sur l’autre, nous avons observé une baisse de 87 % du volume de PPA solaires signés en Allemagne », a-t-elle ajouté.

Face à cet effondrement de la rentabilité, une révision du modèle est indispensable. Et cela passe, de plus en plus, par l’ajout de systèmes de stockage. « Explorer les solutions de stockage et de colocalisation devient une nécessité », affirme-t-elle. Un virage déjà bien amorcé au Royaume-Uni, où 70 % des nouveaux projets solaires incluent désormais un système de batteries (BESS), intégré dès la phase de conception. Dans ce modèle, l’actif solaire est généralement couvert par un CFD gouvernemental ou un PPA, tandis que la batterie est commercialisée séparément via un accord d’optimisation – qu’il soit entièrement marchand ou structuré en contrat de type tolling.

Une proposition hybride

L’intégration d’un système de batteries à une centrale solaire apparaît donc comme une réponse évidente. L’idée : stocker l’énergie produite à la mi-journée, souvent invendable ou bradée, pour la réinjecter sur le marché aux heures de pointe, en soirée. Ce concept n’est pas nouveau, mais il pose une vraie question financière : comment combiner les revenus fixes d’un PPA avec les revenus variables (et plus risqués) d’une batterie, sans trop sacrifier la rentabilité globale du projet ni compromettre son financement ?

Wolfgang Eichberger, directeur technique et cofondateur d’Enspired, a présenté à Berlin une analyse détaillée du compromis économique – ou « pénalité de colocalisation » – souvent redouté dans les projets hybrides. Ses modélisations montrent qu’un actif colocalisé partageant un point de raccordement de 10 MW avec une centrale solaire, comparé à une batterie autonome entièrement marchande, subit une réduction de revenus très modérée : entre 3,2 % et 4,4 %.

L’art de structurer un PPA

Cette évolution du marché donne naissance à une nouvelle génération de contrats. Si certains pays optent pour une séparation claire entre les revenus solaires et ceux des batteries, d’autres explorent les PPA hybrides intégrés, combinant les deux sources de revenus. Edoardo Simioni, responsable du trading et de la flexibilité chez Reel, a présenté un modèle permettant de garantir des revenus fixes à long terme tout en laissant la batterie opérer librement sur les marchés secondaires, notamment les services de flexibilité : « Et si je vous disais qu’il est possible de sécuriser un revenu fixe tout en conservant l’accès au marché des services auxiliaires ? »

D’autres structures innovantes gagnent également du terrain. Lisa McDermott, directrice du financement de la transition énergétique chez ABN AMRO Bank, a évoqué la montée en puissance des tollings financiers et des swaps de revenus. Par exemple, un « swap de revenus sur l’ensemble de la production » permet à une institution financière de garantir un prix plancher, en échange d’une part des gains potentiels. Cela offre une prévisibilité suffisante pour les banques, tout en laissant au producteur une exposition à la volatilité du marché. Mais financer un projet hybride n’est pas aussi simple qu’un parc solaire ou éolien traditionnel. « Financer une batterie, c’est en réalité financer une stratégie de trading, explique Lisa McDermott. Ce n’est pas quelque chose que le financement de projet classique sait faire ».

C’est pourquoi des structures spécifiques sont en train d’émerger pour rendre ces projets finançables. Les revenus des batteries étant multiples et complexes, il faut des mécanismes adaptés. Elle décrit donc un modèle « très finançable » : un « échange de revenus sur l’ensemble des recettes », où une institution financière garantit un prix plancher pour la production totale du projet en échange d’une part des gains potentiels. Ce modèle permet aux banques de prêter en se basant sur un revenu plancher prévisible, tout en laissant au propriétaire une exposition à la volatilité du marché.

Nouveaux outils financiers

Pour réduire les risques et rassurer les banques, de nouveaux outils sont mobilisés. Parmi eux :

  • les prêts “mini-perm” : des prêts de sept ans sur des actifs de vingt ans, limitant l’exposition à long terme des prêteurs. À terme, une partie importante de la dette (le « ballon ») devra être refinancée.
  • ou les mécanismes de cash sweep : les excédents de trésorerie sont utilisés pour rembourser le prêt plus rapidement, constituant un filet de sécurité.

Des garanties renforcées, devenues un prérequis : « Avoir un pack de garanties solide avant d’approcher une banque est fondamental, insiste Lisa McDermott. Et avec la généralisation des contrats de type tolling, les garanties entre le projet et l’acheteur sont nombreuses. Il est crucial de veiller à ce qu’aucune zone d’exposition ne subsiste dans les contrats ».

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