530 kgCO2eq/kWc. Quinze jours après la publication de l’arrêté fixant les conditions d’éligibilité à la TVA réduite sur le solaire résidentiel, le seuil fixé pour le bilan carbone des panneaux photovoltaïques continue de faire débat. Si certains fabricants, à l’instar de Voltec, annoncent qu’ils disposeront bientôt des modules conformes, d’autres critiquent la méthode de calcul retenue. « Nos modules sont fabriqués selon la méthode PP2-V2 pour la tranche 100-500 kW, avec un bilan carbone inférieur à 550 kgCO₂eq/kWc, relate Ian Bard, directeur général de Solarwatt France, filiale du fabricant allemand, interrogé par pv magazine France. Mais pour bénéficier de la TVA à 5,5 % sur les installations inférieures à 9 kWc, les critères sont désormais encore plus stricts, ce qui ne nous permet pas, à ce jour, de proposer un module répondant à ces exigences ».
D’autant qu’ils sont cumulatifs. Outre l’empreinte carbone de 530 kgCO2eq/kWc, ils doivent également ne pas dépasser certaines teneurs en argent, plomb et cadmium. « Ce dernier point n’est pas techniquement complexe à satisfaire, reconnaît Ian Bard. En revanche, il ne suffit pas de modifier nos approvisionnements. Il nous faut également repasser les certifications IEC, ce qui prend du temps et représente un coût important ».
Des critères trop restrictifs
Mais c’est bien la réduction de l’empreinte carbone qui représente le principal défi. Pour Eco Green Energy, fabricant français de modules photovoltaïques basé en Chine, l’annonce officielle de la TVA à 5,5 % aurait pu être « une victoire pour la filière ». Pourtant, dès que l’on examine les modalités d’éligibilité, la mesure révèle d’importantes limites.
Thomas Cros, ingénieur chez Eco Green Energy, s’en explique : « Jusqu’à présent, l’empreinte carbone d’un module était calculée à partir d’une Analyse de cycle de vie (ACV) tenant compte de chaque étape de fabrication, en particulier au niveau des cellules : de la purification du silicium à la formation des lingots, puis leur découpe en wafers. Avec la méthode PEE2–V2 désormais en vigueur, on s’appuie uniquement sur des valeurs par défaut, définies selon le pays de production du panneau, quel que soit le site ou les procédés utilisés ».
Concrètement, un module produit en Chine sera pénalisé, même si l’usine utilise des procédés plus vertueux, puisque seul le mix électrique du pays d’origine est pris en compte. « C’est une forme de malhonnêteté intellectuelle : des méthodes innovantes de purification du silicium comme le FBR (Fluidized Bed Reactor) permettent d’obtenir une empreinte carbone bien moindre qu’avec le procédé Siemens, mais ne sont pas prises en compte dans le mode de calcul », regrette l’ingénieur. Résultat : pour le même panneau solaire de 500 Wc produit par Eco Green Energy dans son usine de Nantong (Chine), l’empreinte carbone passe de 450 kgCO2eq/kWc à 640 kgCO2eq/kWc avec la nouvelle méthodologie de calcul.
Changer les pays fournisseurs
En conséquence, selon Eco Green Energy, « 99 % des fabricants ne sont pas en mesure de répondre aux exigences dans le délai imposé », soit au 1er octobre. En effet, pour se conformer à la nouvelle réglementation, les fabricants doivent repenser leurs chaînes d’approvisionnement. La méthode PP2-V2 ne s’appliquant qu’à la partie laminée du module (hors câbles et boîtiers de jonction), l’essentiel du poids carbone repose sur le silicium et le verre. Or, le nouveau calcul intègre le mix électrique du pays fournisseur, obligeant les fabricants à se tourner vers d’autres zones géographiques.
« Pour passer sous le seuil des 530 kgCO₂eq/kWc en PEE2-V2, il faut recourir à du silicium européen ou américain, et produire les lingots, wafers et cellules hors de Chine, par exemple au Vietnam, en Thaïlande ou en Malaisie, en attendant que l’industrie européenne se structure », relate Synapsun, société de services, d’ingénierie et de négoce, qui accompagne les développeurs de projets PV ainsi que les EPCistes dans leurs approvisionnements en modules PV.
Si ces chaînes d’approvisionnement existent déjà, notamment pour alimenter le marché américaines, ces modules seront moins disponibles, et beaucoup plus chers que les modules 100 % fabriqués en Chine. « Une telle transition ne peut pas s’improviser en quelques semaines, déplore Thomas Cros. Elle devrait être progressive, avec une trajectoire claire et des échelons réalistes, par exemple sur 24 mois avec une réindustrialisation pas à pas de toute la chaîne de valeur ».
Les interrogations de Solarwatt
Solarwatt a d’ores et déjà engagé une réflexion pour diversifier ses sources d’approvisionnement. Mais pas à tout prix ! Elle réalise 50 % de ses ventes en Allemagne, Autriche et Suisse, et le reste en France, au Benelux, en Italie et au Royaume-Uni. Le marché français représente donc 10 à 15 % des volumes, dont une part encore plus faible sur le segment résidentiel (moins de 9 kWc). « Depuis deux ans, tous nos modules vendus en Europe sont certifiés bas carbone selon la méthode française, affirme Ian Bard. Cependant, avec les nouvelles exigences, nos premières estimations montrent que cela pourrait augmenter le prix de nos panneaux de 30 à 40 % ». Est-il raisonnable d’imposer une telle hausse sur tous ses modules, uniquement pour répondre aux exigences d’un segment de marché aussi restreint que le résidentiel français ? La question se pose chez Solarwatt qui ne veut pour autant pas abandonner le secteur résidentiel, pour lequel elle commercialise aussi des solutions de pilotage de l’énergie, ainsi que des batteries de stockage.
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SolarWatt ne fab plus en Allemagne mais en Asie depuis 2024 , alors s’ils ne peuvent pas descendre sous les 550 kg CO2, ils devraient se poser les bonnes questions ! Le décret est pour fabvoriser les français ou proches , pas les chinois.