Révision des tarifs d’achat avant 2011: « Nous sentons déjà les premiers impacts », explique Finergreen

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En cas de renégociation des tarifs d’achats signés avant 2011, quelles conséquences voyez-vous sur ces actifs et pour la filière ?

Théo Barallon : Nous sentons déjà les premiers impacts : plusieurs transactions que nous avions en cours et portant notamment sur des actifs concernés, se retrouvent aujourd’hui impactées. Toutes ont été stoppées, voire annulées, suite aux premières annonces sur le sujet.

Au-delà de ces transactions, nous voyons se profiler un effet domino sur ces portefeuilles sur le long terme. La plupart des 850 installations concernées ont été financées par de la dette bancaire adossée aux actifs, laquelle doit être remboursée sur l’intégralité de la durée résiduelle du contrat d’achat. La mesure placerait donc immédiatement ces sociétés de projet en situation de défaut potentiel au titre de la documentation de crédit puisque, quelles que soient les modalités qui seront prévues, elles ne seront plus en situation de pouvoir honorer leur passif. L’ensemble de la dette deviendrait alors immédiatement exigible.

Se pose alors la question de la restructuration de leur financement. Les actionnaires vont-ils accepter de réinvestir, en l’absence de retour financier ? Dans la grande majorité des cas, on peut donc craindre que les banques ne doivent exercer leurs sûretés (leur exposition est de l’ordre de 5 à 6 milliards d’euros). Elles pourraient alors enregistrer des dépréciations (ou des pertes) sur la valeur de leurs actifs. Pourrait alors apparaître un marché secondaire de portefeuilles, cédés par les banques, pour pouvoir récupérer une partie de leur mise. On n’en est pas encore là, mais ce sont les risques systémiques que nous entrevoyons si l’on déroule le processus jusqu’au bout. Ce qui est d’autant plus étonnant, c’est que l’Etat expose directement un certain nombre d’acteurs publics, comme la Caisse des dépôts ou BPI France, qui financent ou garantissent ces actifs.

Qu’en est-il de la fuite des investisseurs, argument avancé par la filière ?

La France restera un marché attractif pour le photovoltaïque européen et nous ne pensons pas que les investisseurs vont s’en détourner massivement. Mais une chose est certaine : alors que le risque de contrepartie était jusqu’à présent considéré comme nul en France, il serait légitime pour les investisseurs, français comme étrangers, d’avancer avec davantage de prudence et de frilosité sur le sujet. Les banques, qui ont jusqu’à présent prêté en confiance sur la base de la signature de l’Etat, durciront leurs conditions de financement : hausse des exigences de fonds propres et/ou hausse des taux d’intérêt et/ou réduction des maturités des prêts. Ce renchérissement viendrait mécaniquement se répercuter dans les prix proposés aux appels d’offres futurs. Plusieurs analyses de sensibilité estiment aujourd’hui que le surcoût budgétaire pour l’Etat est ainsi estimé à 7 milliards d’euros sur l’ensemble de la durée des futurs contrats qui seront engagés jusqu’en 2028, soit bien plus que l’économie escomptée par la mesure.

Par ailleurs, quel signal enverrait la remise en cause de la signature de l’Etat ?

Il ne faut pas toucher au ciment du pacte de confiance qui unit les investisseurs et les acteurs économiques, surtout au moment même où l’Etat veut mettre en place une filière industrielle de production de l’hydrogène, en subventionnant massivement les investissements en France. On ne peut pas ignorer le parallèle entre les deux situations à dix ans d’écart. D’un côté, dans les années 2010, les prix du photovoltaïque étaient dix fois supérieurs aux prix actuels, de l’ordre de 600 euros /MWh. De l’autre, on nous dit que les prix actuels de l’hydrogène devront être divisés par dix dans le futur pour atteindre un équilibre de marché. Mais comment espérer le soutien des banques et des investisseurs privés avec le risque de voir l’histoire se répéter et que les contrats liés aux tarifs d’achat de l’hydrogène soient renégociés à ce moment-là ?

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