Avis de la CRE sur le projet d’ordonnance transposant la directive marché de l’électricité

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La CRE rappelle que cette directive « refond entièrement la directive 2009/72/CE du 13 juillet 2009 et vise à adapter le fonctionnement du marché concurrentiel européen de l’électricité aux exigences de la transition énergétique, particulièrement en améliorant les conditions d’accès au marché de l’électricité d’origine renouvelable ou des solutions de flexibilité telles que le stockage de l’électricité ou l’agrégation de multiples sources distribuées de flexibilité. Elle renforce également la participation active des consommateurs d’électricité à cette transition énergétique. Enfin, la Directive marché confie de nouvelles missions aux autorités de régulation nationales. »

Par ailleurs, insiste la CRE, en France, « la loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat a habilité le gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi nécessaire à la transposition de cette directive dans un délai de douze mois à compter de la publication de cette loi. La loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 a prolongé ce délai de quatre mois. »

Dans son avis, la CRE « recommande de transposer le plus fidèlement possible les dispositions de la directive concernant notamment les offres à tarification dynamique, la protection des consommateurs et le fonctionnement des marchés. »

En outre, la CRE « émet un avis favorable sur l’ensemble du texte à l’exception de certaines dispositions concernant les réseaux : l’article 15 portant sur l’obligation pour les GRD d’établir un plan de développement de leur réseau, l’article 16 relatif aux réseaux fermés de distribution et l’article 19 portant sur le rôle des GRD vis-à-vis de l’intégration de l’électromobilité dans le réseau électrique. Enfin elle recommande de supprimer le recours à des décrets, qui viendraient préciser ou encadrer inutilement les compétences de la CRE. »

« L’adoption de cette ordonnance complètera, avec notamment la mise en œuvre de la PPE et l’adoption du Turpe 6 (tarif d’utilisation des réseau publics d’électricité, ndlr), le cadre nécessaire à la pleine participation du système électrique français à la transition énergétique », précise la CRE.

Renouvelables et réseaux

Dans le détail, la CRE signale que l’article 15 du projet d’ordonnance vient transposer les dispositions des articles 32§3 à 32§5 de la directive marché prévoyant l’obligation pour les GRD d’établir un plan de développement de leur réseau. L’article 15 prévoit ainsi que « le gestionnaire de réseau de distribution publie au moins tous les deux ans un plan de développement de réseau transparent ». Sans remettre en cause le bien-fondé de cette obligation d’établir un plan de développement des réseaux de distribution, la CRE explique que : « en tant qu’il prévoit que les conditions dans lesquelles la CRE sera amenée à demander la modification du plan de développement du réseau sont précisées par voie réglementaire, la CRE rend un avis défavorable sur l’article 15 du projet d’ordonnance. Si le renvoi à des dispositions d’application de nature réglementaire devait être maintenu, elles ne devraient porter que sur les modalités d’élaboration du plan de développement et être prises après avis de la CRE. A défaut, l’ordonnance devra, a minima, prévoir que le texte réglementaire soit pris après avis de la CRE. »

Contrairement à l’article relatif aux réseaux de distribution, la CRE accueille favorablement les évolutions liées au gestionnaire de réseau de transport d’électricité, RTE, contenues dans l’article 17 du projet d’ordonnance, notamment en ce qu’il inscrit en droit français la nécessité pour RTE de prendre en compte les flexibilités dans le cadre de l’élaboration de son schéma décennal de développement du réseau. La CRE rappelle que les évolutions « conduisent notamment à préciser que : les règles relatives aux services système « garantissent que toute entreprise d’électricité et acteur de marché, y compris ceux offrant de l’électricité produite à partir de sources renouvelables, les opérateurs d’effacement, les agrégateurs, les exploitants d’installations de stockage d’électricité peuvent offrir de tels services nécessaires au fonctionnement du réseau, dès lors que ces services permettent, moyennant un bon rapport coût efficacité, de réduire la nécessité de moderniser ou remplacer des capacités électriques et favorisent l’exploitation sûre et efficace du réseau de transport » En outre, elles impliquent que « l’établissement du schéma décennal de développement du réseau de transport est dorénavant un exercice biennal lors duquel le gestionnaire de réseau de transport devra par ailleurs prendre en compte la stratégie nationale bas-carbone et le potentiel ‘’d’utilisation de l’effacement de consommation, des installations de stockage d’énergie ou d’autres ressources susceptibles de constituer une solution de substitution aux développements du réseau’’. » Enfin, « le gestionnaire de réseau de transport est chargé de la numérisation du réseau de transport, de la gestion des données, de la cybersécurité et de la protection des données », constitue une nouvelle évolution de la directive marché.

Stockage d’électricité

Concernant le stockage, l’article 18 du projet d’ordonnance introduit notamment un nouveau chapitre dans le code de l’énergie « Stockage d’énergie dans le système électrique » transposant les articles 36 et 54 de la directive marché. Ce dernier intégre en droit français la définition de stockage d’énergie de la directive : « le report de l’utilisation finale de l’électricité à un moment postérieur à celui auquel elle a été produite, ou la conversion de l’énergie électrique en une forme d’énergie qui peut être stockée, la conservation de cette énergie et la reconversion ultérieure de celle-ci en énergie électrique ou son utilisation en tant qu’autre vecteur d’énergie ». en outre, cet article précise le « rôle des gestionnaires de réseaux vis-à-vis du stockage, qui ‘’ne peuvent pas posséder, développer ou exploiter des installations de stockage d’énergie dans le système électrique, à moins qu’elles ne constituent des composants pleinement intégrés aux réseaux’’ et que la Commission de régulation de l’énergie n’ait délivré une dérogation. Les conditions de cette dérogation seraient, au titre du projet d’ordonnance, établies par décret en conseil d’Etat ». Enfin, l’article 18 prévoit la faculté pour une installation de stockage d’énergie de se raccorder indirectement aux réseaux publics d’électricité.

La CRE accueille favorablement la reprise de la définition de l’article 2, 59) de la directive marché en ce qu’elle permet d’intégrer toutes les technologies de stockage d’énergie dans son périmètre. En outre, le régulateur « se félicite de l’introduction, dans un texte de nature législative, de la faculté pour les installations de stockage d’énergie de se raccorder indirectement aux réseaux publics d’électricité. Cette évolution était en effet souhaitée par les acteurs du secteur. » Plus important, peut-être, la CRE « note par ailleurs que le projet d’ordonnance autorise les gestionnaires de réseaux à être propriétaires d’installations de stockage d’énergie ou à les développer, les gérer ou les exploiter, s’ils constituent des composants pleinement intégrés aux réseaux et que la CRE a délivré une dérogation.

Electromobilité

Enfin, l’article 19 du projet d’ordonnance introduit une nouvelle disposition dans le code de l’énergie (article L. 353-7), transposant les dispositions de l’article 33 de la directive marché, quant au rôle des GRD vis-à-vis de l’intégration de l’électromobilité dans le réseau électrique. Cet article précise notamment que les GRD ne peuvent pas posséder, développer ou exploiter des points de recharge pour véhicules électriques et qu’il peut être dérogé à ce principe pour (i) l’usage exclusif des gestionnaires de réseau ou (ii) en l’absence d’initiative d’un acteur de marché.

L’article précise que cette carence est constatée « dans les conditions prévues par décret en conseil d’Etat et le cas échéant après approbation de la CRE ».

Le projet d’ordonnance prévoit que lorsque le GRD bénéficie de cette dérogation, il exploite le point de recharge en garantissant un droit d’accès des tiers non discriminatoire.

Cette dérogation est valable cinq ans. Si elle n’est pas reconduite, le projet d’ordonnance prévoit que la cession d’un point de recharge aux tiers fait l’objet d’une compensation au gestionnaire de réseau pour la valeur résiduelle des investissements réalisés.

La CRE s’oppose à ce projet sur plusieurs points, notamment « la CRE souhaite que le décret visé à l’article 19 du projet d’ordonnance soit pris après avis de la CRE et n’encadre pas les compétences dont la CRE bénéficie au titre de la directive marché ». En outre, elle juge qu’une disposition contenue dans le texte du gouvernement « semble interdire l’utilisation par le GRD de dispositifs de comptage embarqués dans le véhicule ou propres à la borne de recharge au profit de la pose systématique d’un second compteur Linky. Une telle disposition, allant à rebours des évolutions technologiques et des pratiques des autres pays européens, risque de faire prendre du retard à la France dans le développement des flexibilités associées à la mobilité électrique. La CRE recommande au gouvernement de supprimer cette disposition et d’étudier, pour le cas particulier de la mobilité électrique et dans le respect du monopole des gestionnaires de réseaux de distribution en matière de comptage, le recours à d’autres dispositifs de comptage pour autant que la qualité du comptage soit garantie. »

 

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