Le solaire distribuable change la donne

Share

Il n’est pas nouveau que des services réseaux soient fournis par les centrales d’énergie renouvelable, mais l’apparition de nouvelles technologies et standards permet de fournir une énergie toujours plus contrôlée. Le Cluster solaire de Springbok, une centrale photovoltaïque de 443 MWc développée et construite par 8minute Solar Energy en Californie, est un exemple de projet pionnier dans la fourniture d’un niveau inégalé de services réseaux au Département des Eaux et de l’Electricité de Los Angeles (LADWP). Le projet, entrepris conjointement par 8minute Solar Energy, EPRI, LADWP et Doosan, fournit de l’énergie solaire à la demande grâce à son projet pilote Springbok 3 PV + stockage avec une batterie Li-ion de 1,5 MWh. Ses algorithmes de contrôle reposent notamment sur des prévisions précises à court et à long termes. Par rapport à une centrale solaire conventionnelle en Californie, la prévision de la production d’énergie solaire jusqu’à 30 minutes à l’avance permet, en plus des services réseaux avancés, de réduire les occurrences de l’écrêtage.

L’utilisation d’un système de prévision basé sur un imageur du ciel permet au système de contrôle de la centrale d’anticiper et de réagir à ses variations brusques de puissance, en cas de passages nuageux. Dans cet article, examinons en quoi de telles prévisions sont nécessaires pour atteindre une flexibilité opérationnelle au niveau de l’installation photovoltaïque ainsi qu’une capacité pour le réseau et le marché de l’énergie d’atteindre de manière sûre des taux de pénétration d’énergie solaire importants.

Quels sont les éléments nécessaires pour rendre le solaire distribuable ?

Le solaire distribuable repose sur l’utilisation d’une spécification interopérable, c’est-à-dire partagée par les différents exploitants et fournisseurs de composants des centrales. Cette spécification contribue à la robustesse de l’algorithme de contrôle et permet aux installations photovoltaïques de réagir automatiquement aux changements du réseau électrique. L’objectif est de pouvoir totalement façonner le profil de production, donc de contrôler la production de la centrale PV + stockage pour qu’elle corresponde au profil de charge du service public. Alors que le profil de charge journalier prévu par le service public définit la courbe de production requise de la centrale, la production d’électricité finale peut en plus être ajustée à l’aide de différents modes de contrôle. Ces derniers sont basés sur des normes ouvertes et permettent aux opérateurs de composer une certaine forme de puissance d’une manière flexible, bien définie et interopérable. La norme ouverte MESA-ESS, utilisée pour contrôler le projet Springbok 3, permet notamment un mode de support de puissance réactive, c’est-à-dire qu’il génère ou absorbe la puissance réactive en conséquence. Le mode peut être activé par le service public et correspond à une courbe fixe. Un autre mode de contrôle de la puissance réactive permet une correction du facteur de puissance variable.

Les spécifications, basées sur le protocole Modbus, définissent trois types de modes de contrôle, qui peuvent être combinés de manière flexible pour atteindre plusieurs objectifs de service à un même moment, et, par conséquent, gérer tout écart prévu entre la puissance de sortie et le profil de charge. Ces trois modes sont le mode de puissance active, le mode d’urgence et le mode de puissance réactive.

A tout instant, le service est composé d’une combinaison programmée de modes de contrôle de ces trois groupes, avec un planning flexible qui peut être adapté ou répété selon les besoins. Pour le site de Springbok, il y a généralement un horaire en semaine et un horaire le week-end.

L’importance des prévisions de production pour la gestion d’une centrale solaire pilotable

Une installation solaire + stockage distribuable doit intégrer des prévisions de production précises à court terme permettant une gamme de services de réseaux auxiliaires :

– Décalage temporel/arbitrage énergétique : l’énergie est fournie aux heures de pointe ;

– Régulation de la fréquence avec un temps de réponse d’une seconde pour maintenir la fréquence du réseau, et 15 minutes d’alimentation de secours 24h/24, 7j/7 ;

– Lissage : le rendement de la centrale est augmenté ou diminué en fonction de l’énergie solaire prévue ;

– Réponse aux consignes et garantie de paliers de production minimum par périodes de 60 minutes ;

– Éviter l’écrêtage ;

– Modes d’urgence : Modes de contrôle de la tension et de la fréquence.

Les algorithmes de contrôle pour la fourniture de ces services à Springbok reposent sur des prévisions à intervalle d’une minute et assurent la compétitivité économique du modèle solaire-batterie pour des durées de stockage allant jusqu’à quelques heures. Les services de prévision par satellite utilisés pour les prévisions infrajournalières et les modèles météorologiques numériques utilisés pour les prévisions au lendemain ne sont pas suffisants pour permettre la flexibilité requise pour exploiter de manière optimale le système distribuable en fonction des conditions locales. Un albédo élevé – c’est-à-dire une forte réflectivité du sol –, par exemple, rend plus difficile la détection des nuages depuis les satellites, ce qui peut entraîner des erreurs de prévision plus importantes. C’est l’une des raisons pour lesquelles, pour la centrale Springbok située dans le désert Mojave, un imageur du ciel infrarouge et le service de prévision associé ont été utilisés.

Les systèmes de pilotage et de prévision du projet Springbok 3 dans le webinaire de Reuniwatt et d’8minute Solar Energy.

Comment utiliser des imageurs du ciel pour les projets de solaire distribuable ?

Alors que l’utilisation des imageurs du ciel concernait principalement la réduction des coûts de carburant dans les installations hybrides diesel-PV, ils sont maintenant également la clé pour permettre un énergie solaire à la demande dans le cadre des plus grands projets photovoltaïques connectés au réseau, qui produiront une part importante de l’électricité dans les prochaines décennies. La fourniture des services essentiels du réseau à partir de centrales solaires distribuables exige que l’opérateur du système ait un degré de confiance suffisant dans le niveau de production solaire. Les prévisions à court terme dérivées des caméras du ciel permettent aux opérateurs d’être préparés à la variabilité naturelle de la production d’énergie solaire.

Les imageurs capturent des images du ciel depuis le sol, généralement dans le spectre visible. L’utilisation de la technologie infrarouge permet d’obtenir des informations supplémentaires sur les nuages, telles que leur altitude et leur épaisseur optique. De plus, les observations infrarouges ne sont pas affectées par les effets de l’éblouissement ou d’autres problèmes liés aux variations de la luminosité et du contraste optique. L’installation d’une caméra sur site nécessite un champ de vision dégagé, une alimentation électrique et une connexion Ethernet. L’équipement fonctionne alors soit en mode connecté, soit sur le réseau local, selon la disponibilité d’une connexion internet. Un fournisseur expérimenté peut vous conseiller sur la configuration matérielle la plus appropriée en fonction des exigences du projet.

Les énergies renouvelables distribuables, leur normalisation et leur interopérabilité sont à la base d’une transition énergétique réussie. Les projets d’énergie solaire pilotables ouvrent la voie au réseau du futur, et la valeur ajoutée des imageurs du ciel en font des éléments clés du succès de l’énergie solaire distribuable.

 

A propos de l’auteur

Etienne Buessler est responsable marketing et développement commercial chez Reuniwatt, une entreprise spécialisée en estimation et prévision d’énergie solaire. Il s’intéresse aux marchés, à la réglementation, et aux solutions technologiques proposées pour répondre aux défis posés par l’intégration d’énergies renouvelables dans le mix énergétique.

The views and opinions expressed in this article are the author’s own, and do not necessarily reflect those held by pv magazine.

Ce contenu est protégé par un copyright et vous ne pouvez pas le réutiliser sans permission. Si vous souhaitez collaborer avec nous et réutiliser notre contenu, merci de contacter notre équipe éditoriale à l’adresse suivante: editors@pv-magazine.com.