Hydrogène : la filière est « confrontée à la faiblesse des fonds et de capitaux disponibles en amorçage »

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pv magazine : Quels sont les types de fonds qui interviennent sur la filière hydrogène et sur quels segments ?

Christophe Rouvière : Au niveau européen, peu de fonds d’investissements disposent d’une maturité assez longue pour investir dans des start-ups industrielles, à l’exception de certains fonds corporate.

AP venture est un fonds spécialisé dans l’hydrogène basé à Londres et regroupant notamment des LP’s industriels (Limited partner -Investisseur en capital d’un fonds).

En France, la BPI joue son rôle, mais les montants qu’elle investit restent assez limités au regard des besoins, de l’ordre de quelques dizaines de millions d’euros par an pour de jeunes sociétés. Il existe d’autres dispositifs pour des sociétés plus matures mais il y en a encore peu.

Christophe Rouvière, directeur général de Natureo Finance

Natureo Finance

La filière est donc confrontée à la faiblesse des fonds et de capitaux disponibles en amorçage et série A (Financement des pilotes industriels) mais également pour les séries ultérieures de financement. Cela s’explique en partie par le fait que l’Europe a fait l’impasse sur l’industrie depuis 20 ans.

En revanche, sur les marchés cotés, les liquidités ne manquent pas. Comme il y a peu de sociétés qui soient de purs players de l’hydrogène, de fait la demande des investisseurs institutionnels et privés est forte.

Quelles sont leurs stratégies et objectifs financiers ?

Les stratégies dans le non-coté vise à essayer de mettre sur le marché de jeunes sociétés soit technologiques, soit des intégrateurs ou encore des sociétés voulant produire de l’hydrogène vert.

Le problème est que le montant des tickets investis s’avère souvent très limité  pour des marchés qui peuvent atteindre plusieurs milliards, avec un l’horizon d’investissement très court, de l’ordre de cinq ans pour le non-coté. Il ne faut pas oublier que nous sommes dans un secteur très concurrentiel, notamment avec des acteurs asiatiques et nord-américains de premier plan.

Pour les gérants d’actions cotées, la stratégie est en rapport avec le type de gestion du fonds : investissement à long terme, arbitrage et réplication d’indices boursiers…

Quels sont les montants moyens investis et vers quels types de sociétés ?

En non coté en amorçage et Série A, je dirais quelques millions d’euros pour un investisseur.  Mais plusieurs investisseurs peuvent investir en même temps. A ma connaissance, il n’y a pas aujourd’hui d’investissements supérieurs à une de dizaine de millions d’euros en non coté dans l’hydrogène. Cela s’explique par l’absence d’acteurs.  Les grandes entreprises de l’hydrogène ont également racheté quelques petits acteurs depuis 2-3 ans principalement dans la technologie et l’ingénierie.

En coté, les montants investis sont beaucoup plus significatifs de l’ordre de plusieurs dizaines de millions d’euros, voire plusieurs centaines quand il s’agit de prise de participations stratégiques (1.5 milliard de dollars investis dans Plug Power par le coréen SK Group) ou d’investisseurs institutionnels parmi les plus importants.

Le financement est-il suffisant pour développer une filière industrielle ?

Non pas pour l’instant. Par exemple, il existe une cinquantaine d’entreprises en France (start-ups ou petites PMI) qui auraient toutes besoin de dizaines de millions d’euros pour recruter, investir et accélérer leur développement.

La situation est à peu près la même partout en Europe dans l’écosystème du Venture Capital qui a privilégié les investissements dans le digital et les sciences de la vie au détriment de l’industrie. Aujourd’hui nos entreprises ont en face d’elles des Etats ou des entreprises puissantes capables de lever beaucoup d’argent sur les marchés actions.

Quels sont les leviers financiers à mettre en place pour pérenniser la filière ?

Le plan hydrogène français et le plan de relance constituent deux briques essentielles. Cependant il semble aujourd’hui difficile pour les petites entreprises d’en profiter directement.

Le principal manque réside dans le trop petit nombre d’investisseurs spécialisés dans la transition énergétique, à l’instar de Demeter, bon connaisseur du secteur. Or sans « lead investor » pour insuffler le mouvement vous n’attirez pas de co-investisseurs. Un seul investisseur ne peut pas à lui seul couvrir l’ensemble des besoins financiers des entreprises.

De fait, la Bourse constitue aujourd’hui une alternative sérieuse pour les sociétés les plus prometteuses.

Peut-on parler aujourd’hui de bulle hydrogène au regard des valorisations des sociétés cotées en bourse ?

Plus qu’une bulle au regard de certaines valorisations qui se sont envolées, ce mouvement de fonds sur le secteur de l’hydrogène s’est amplifié du fait du très faible nombre d’acteurs cotés sur ce secteur. Les sociétés leaders de l’hydrogène aujourd’hui capitalisent sur une prime de rareté.

Ces fortes valorisations reflètent aussi les sommes considérables qui vont être investies dans les 30 prochaines années dans l’écosystème hydrogène. La question est de savoir, si on devait redémarrer l’écosystème du pétrole de zéro, combien devrait-on mettre sur la table ?

 

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