[Série DOM-TOM] La Réunion veut plus que doubler sa capacité solaire d’ici 2028

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Actuellement en cours d’instruction, la nouvelle Programmation pluriannuelle de l’énergie 2019-2028 de la Réunion fixe de fortes ambitions en matière de transition énergétique. Alors que l’île située dans l’Océan Indien compte actuellement environ 200 MWc de capacités photovoltaïques installées, la PPE prévoit d’ici à 2028 entre 250 et 300 MWc supplémentaires, avec et sans stockage, soit plus d’un doublement en moins de huit ans. « La Réunion a toujours eu des ambitions importantes en termes d’énergies renouvelables, mais le rythme assez irrégulier des appels d’offres, qui ont eu lieu en 2015, 2017, 2019 et 2020 complique l’organisation de notre planification, souligne Gaël Vallée, directeur développement Outre-Mer à l’agence Océan Indien de TotalEnergies. Nous espérons que la nouvelle PPE nous fera gagner en visibilité ».

Présente sur l’île dans l’éolien depuis 2002 et dans le solaire depuis 2008, l’entreprise construit actuellement une centrale au sol de 7,7 MWc sur les délaissés de l’aéroport Saint-Pierre Pierrefonds au sud-ouest de la Réunion. Ayant nécessité un investissement de 14 millions d’euros, elle aura une production de 12 GWh par an et s’accompagne d’une unité de stockage de 10 MWh. Sa mise en service est prévue en octobre 2021. Lauréat de l’appel d’offres de la CRE de 2019, le groupe mettra aussi en chantier en 2022 une centrale de 4 MWc sans stockage sur une ancienne décharge réhabilitée à Cambaie. Enfin, le site mixte de Sainte-Suzanne sera modernisé en 2022 avec le renouvellement des turbines éoliennes et l’installation d’une centrale PV au sol de 7 MWc.

Selon la CRE, la moyenne des projets solaire des derniers appels d’offres ZNI se situe à 81 €/MWh au sol et 104 €/MWh en toiture, à comparer aux coûts de production actuels toutes énergies confondus de 250 €/MWh à La Réunion. « L’accélération du photovoltaïque sur l’île est aussi une évidence économique », assure Xavier Ducret, directeur d’Akuo pour l’Ocean Indien. L’entreprise qui dispose à ce jour de 34 MWc de PV installés à la Réunion, avec 18 MWh de batteries, entend mettre en service dans les trois années qui viennent entre 20 et 25 MW de projets photovoltaïques, avec une capacité de stockage de 20 MWh.

Lauréate de l’appel d’offres ZNI de 2017, la centrale au sol de 7,7 MWc installée par TotalEnergies sera mise en service en octobre 2021.

Photo : TotalEnergies

« Actuellement, le mix énergétique réunionnais se compose pour un tiers de charbon, un tiers de fioul et un tiers de renouvelables et l’île vise un mix électrique 100 % renouvelable à fin 2023 grâce à la conversion des deux centrales thermiques insulaires à la biomasse, obtenue notamment à partir des déchets de canne à sucre, la conversion des moteurs d’EDF à la biomasse liquide et le développement du photovoltaïque et de l’éolien », rapporte pour sa part Frédéric Moyne, PDG d’Albioma, acteur historique sur l’île avec 46 % de l’énergie disponible sur le réseau grâce à l’exploitation de deux centrales thermiques biomasse, d’une turbine à combustion au bioéthanol et d’un important parc photovoltaïque de 39 MWc en 2020.

Du PV avec et sans stockage

Ses centrales se trouvent toutes dans des zones sans conflit d’usage, comme celle de la Star qui a été construite sur un centre d’enfouissement en exploitation. D’autres sont implantées en toiture, à l’instar de celles du centre commercial E. Leclerc, du préau de l’école Iris Hoarau – en autoconsommation – ou de Grand Port Ouest. Cette dernière a été mise en service en 2018 et peut fonctionner sans intermittence à l’aide d’un système de stockage par batterie permettant d’injecter de l’électricité sur le réseau au moment des pics de consommation. D’une capacité de 1 330 KWh, ces dernières peuvent emmagasiner de l’énergie durant la journée et la restituer au moment des pics de consommation nocturnes (entre 19h et 21h). Le prévoit de construire environ 15 MWc supplémentaires sur 2021 et 2022.

Sur une surface de 10 600 m2, la centrale en toiture de Port-Ouest d’Albioma possède une puissance installée de 1,34 MWc.

Photo : Albioma

Si, selon une étude de l’Ademe, l’île de 860 000 habitants a un potentiel de 1,9 GWc d’électricité renouvelable en 2030, dont 61 % par du PV et 14 % par de l’hydro, l’une des contraintes principales reste la recherche de terrains. « En 2020, nous avons produit 39 GWh pour à peu près 130 centrales, ce qui donne une taille unitaire relativement petite, observe Frédéric Moyne. Les typologies de centrales sont généralement des centrales au sol de petite à moyenne puissance sur terrain dégradé ou des centrales sur toitures en obligation d’achat ou en appel d’offres ».

La recherche de foncier sans conflit d’usage

« En effet, compte-tenu du relief très escarpé au centre du territoire, du parc national inscrit à l’Unesco et des contraintes réglementaires de la loi Littoral, les zones disponibles se situent entre la côte et les mi-pentes, où se concentrent l’aménagement urbain, les activités industrielles et l’agriculture, confirme Gaël Vallée. D’où le développement de la coactivité avec le monde agricole et industriel ». C’est pourquoi TotalEnergies, qui a conclu un partenariat avec la start-up d’Aix-en-Provence Ombréa, travaille activement sur le développement de l’agrivoltaïsme à la Réunion, sans vouloir en dire davantage pour le moment.

« La Réunion continue d’être un laboratoire d’innovation pour Akuo, abonde Xavier Ducret. Nos solutions répondent aux contraintes de ce territoire et nous les améliorons constamment. Le concept d’agrinergie, qui est né ici il y a 15 ans, reste la clé de voute de notre déploiement et contribue à la diversification agricole de l’île. Nous déploierons des solutions agrinergie sur deux nouveaux sites agricoles et mobilisons aussi nos autres solutions, telles que le solaire flottant et les systèmes de stockage d’énergie. Nos projets sont de petite taille, entre 1 et 10 MW, afin de limiter l’impact sur les paysages ».

Entre un relief escarpé, des zones naturelles protégées et le littoral, la recherche de foncier disponible est une des contraintes des développeurs à la Réunion.

Photo : pixabay

« L’autre problématique est le taux de pénétration des énergies renouvelables sur le réseau, qui atteindra bientôt 35 %, souligne Frédéric Moyne. Comment continuer à augmenter leur pourcentage, tout en garantissant la stabilité du réseau ». Pour cela, l’une des approches en cours d’analyse par le gestionnaire de réseau EDF et la CRE serait de combiner stockage centralisé, adossé à un nœud de réseau sensible et décentralisé. « La CRE considère que le développement du stockage centralisé est plus efficace que le développement d’installations couplant production et stockage. Alors que le stockage s’inscrit dans une logique concurrentielle et répond à des signaux de prix en métropole, il n’existe pas de marché de l’électricité, ni donc de signaux de prix, dans les ZNI. En conséquence, un stockage centralisé permet d’apporter des services mutualisés au système électrique, évolutifs dans le temps en fonction des besoins, et ce à un coût moindre eu égard aux économies d’échelle dont peuvent bénéficier des dispositifs plus grands », souligne ainsi la Commission sur son site.

A venir la semaine prochaine : la Guyane

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