Hydrogène vert : un nouvel arrivant dans le secteur de l’énergie

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Selon les scénarios « net-zero » proposés par l’Agence Internationale de l’Énergie et l’Energy Transitions Commission (Commission aux Transitions Énergétiques ou « ETC »), l’hydrogène devrait satisfaire entre 15 et 20 % de la demande mondiale en énergie finale en 2050, la totalité de cette demande devant être à faible teneur en carbone. Cela ferait passer la demande d’hydrogène de moins de 80 tonnes aujourd’hui à bien plus de 1 000 tonnes au milieu du siècle, et créerait une opportunité gigantesque pour les énergies renouvelables, en particulier le solaire photovoltaïque. De plus, il peut être souligner que des volumes importants d’hydrogène faiblement carboné provenant de la production excédentaire des énergies renouvelables pourraient contribuer à décarboner l’économie, et donc permettre aux États d’atteindre leurs objectifs de neutralité carbone.

Avant même de savoir l’important du rôle que jouera à long terme l’hydrogène à grande échelle jouera dans la fourniture d’un stockage de longue durée aux réseaux électriques, la production d’hydrogène vert à partir d’électrolyseurs de moyenne échelle offre un potentiel considérable à court terme. Néanmoins, il est essentiel de rendre viable de tel business modèle afin de contribuer à résoudre les problèmes d’intégration des énergies renouvelables au réseau.

À ce jour, l’hydrogène vert provenant d’électrolyseurs alimentés par des énergies renouvelables est utilisé sur de petits volumes dans le cadre de projets de démonstration mais la technologie est sur la voie de la maturité commerciale. Une question persiste, qu’est-ce qui permettrait de rendre la colocalisation de l’électrolyse et de la production d’énergie renouvelable financièrement intéressante ?

Des recettes liées à l’équilibrage du réseau

RTE, le gestionnaire du réseau de transport, assure la stabilité du réseau en équilibrant la production et la demande d’électricité. Trois services d’équilibrage du réseau sont actuellement proposés par RTE, qui diffèrent par le temps d’activation requis, la durée et l’occurrence du service, comme le montre le tableau ci-dessous.

Certains électrolyseurs peuvent fonctionner en dessous de leur capacité nominale et donc adapter leur demande dans un sens ou dans l’autre en fonction des besoins du réseau. Cette capacité, et au même titre que certains industriels, leur permet de participer à l’équilibrage du réseau via les appels d’offres. La réserve primaire et secondaire sont nécessaires chaque jour pour équilibrer la fréquence du réseau ; le marché de capacité n’est nécessaire que pendant les mois de l’année où l’offre est la plus serrée et garantit qu’il y a toujours une offre suffisante pour répondre à la demande. Ces électrolyseurs produiraient de l’hydrogène à un rendement plus élevé lorsqu’il y a une abondance d’énergie qui pourrait autrement être écrêtée, et diminuent la production lorsque la fourniture renouvelable est plus limitée et que le marché est saturé.

 

Bien que ce ne soit pas l’objectif premier d’un électrolyseur, la capacité à fournir des services au réseau peut créer des flux de revenus supplémentaires et améliorer considérablement le bilan économique d’un projet photovoltaïque ou éolien couplé à une production d’hydrogène

Hausse du TRI

Dans le cadre de sa thèse de Master, Sacha Lepoutre a analysé la capacité d’un électrolyseur à fournir des services au réseau en le couplant avec une centrale solaire photovoltaïque ou éolienne. La valeur économique potentielle d’un projet commercial pilote a été quantifiée. Les scénarios modélisés étaient les suivants : « solaire + stockage », avec une partie de l’électricité fournie par le réseau, ainsi que « solaire + réseau » et « éolienne + réseau », avec une électricité réseau garantie comme renouvelable au moyen de certificats verts (GO ou garantie d’origine).

Les résultats de cette analyse sont présentés dans le graphique ci-dessus, qui représente le Taux de Rentabilité Interne (« TRI ») obtenus pour chaque scénario avec un prix d’achat de l’hydrogène fixé à 7 €/kgH2.

Plusieurs conclusions peuvent être tirées de cette analyse. La principale est que la présence d’un électrolyseur pour fournir un ou plusieurs services au réseau améliore la rentabilité, avec une augmentation systématique du TRI du projet quelle que soit le type d’énergie renouvelable à laquelle il est associé. Les revenus issus des services au réseau contribuent jusqu’à 10% des revenus totaux du projet pour un investissement supplémentaire faible en comparaison d’un projet EnR. De plus, sur le marché français et dans ce cas spécifique, l’alimentation de l’électrolyseur avec de l’énergie éolienne peut être plus performante qu’avec de l’énergie solaire. Enfin, des TRI plus élevés sont observés pour les électrolyseurs qui sont seulement réservés et non activés sur la réserve secondaire.

En d’autres termes, même si ce n’est pas l’objectif premier d’un électrolyseur, la capacité à fournir des services au réseau peut créer des flux de revenus supplémentaires et améliorer considérablement la rentabilité d’un projet solaire photovoltaïque ou éolien. Les électrolyseurs de petite et moyenne taille pourraient ainsi devenir un nouvel acteur important sur le marché des services au réseau. L’impact potentiel sur les modèles commerciaux du stockage par batterie et la pression économique sur les revenus liés aux services au réseau justifient la nécessité d’une étude plus approfondie.

Cependant, des obstacles majeurs subsistent pour arriver à des systèmes bancables. Bien que plusieurs projets innovants aient émergé récemment et que les fabricants mentionnent la faisabilité de tels projets, le retour d’expérience pratique de véritables projets de démonstration fait actuellement défaut. En outre, à ce jour, l’absence de définition réglementaire de l’hydrogène «renouvelable» ou « bas-carbone » ajoute une incertitude significative aux flux de revenus potentiels explorés ici.

L’écrêtement de la production d’énergie renouvelable est déjà un problème, et ce problème va s’exacerber rapidement en l’absence de sources de demande à grande échelle et viables économiquement, pouvant être augmentée lorsqu’un excès d’énergie renouvelable est disponible. À long terme, les électrolyseurs pourraient bien fournir une partie de cette demande.

 

À propos des auteurs

A la suite d’un bachelor en ingénierie mécanique à l’EPFL, Sacha Lepoutre a entrepris un MSc dans le cadre du programme Sustainable Energy Futures à l’Imperial College de Londres pour se spécialiser dans les énergies renouvelables. Il se charge actuellement du développement de l’activité hydrogène en France pour Neoen, le premier producteur indépendant français d’énergies exclusivement renouvelables.

Nicolas Chouleur est associé chez Everoze, un cabinet de conseil technique et commercial en énergie spécialisé dans les énergies renouvelables, le stockage de l’énergie et la flexibilité énergétique. Il se consacre depuis 2006 à la conception, la réalisation et l’exploitation de tous types de systèmes solaires photovoltaïques dans le monde entier, des installations résidentielles aux centrales au sol.

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