Retour sur les tendances de 2022 : les applications (2e partie)

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D’après pv magazine International

Nexus solaire-eau

Des mini-réseaux qui ne sont pas sans rappeler celui de Castañer à Porto Rico, dont nous avons parlé dans la première partie de cet article, sont aussi utilisés pour alimenter des pompes puisant dans les eaux souterraines. Il ne s’agit là que d’un exemple parmi d’autres de la contribution du solaire au combat contre la rareté de l’eau dans de nombreux endroits du globe.

Le nexus solaire-eau est un réseau d’applications qui s’étoffe rapidement ; dans bon nombre de régions du monde, la capacité d’adaptation du solaire aux projets à petite échelle peut en effet présenter d’importants avantages.

Sur l’île de Zanzibar par exemple, des générateurs diesel sont utilisés pour pomper une eau souvent saumâtre à travers des tuyaux en mauvais état pour plus de 190 000 € par mois. La Zanzibar Water Authority (ZAWA) souhaite donc recourir à des systèmes solaires hors réseau pour alimenter des pompes à eau au niveau de ses points de captage, de ses réservoirs de traitement et de son réseau de distribution.

Le directeur général de la ZAWA, Salha Mohammed Kassim, a indiqué à pv magazine que seulement 36 % des foyers de l’île, qui compte 1,7 milliard d’habitants, étaient connectés au réseau de distribution de l’eau. « Nous sommes encore loin d’arriver à 100 %, et c’est pour cela que nous nous intéressons au solaire hors réseau », précise-t-il.

Une autre application du nexus solaire-eau est le dessalement solaire. Il s’agit d’une solution déployable hors réseau dans des régions frappées par la sécheresse telles que la Somalie, mais qui est aussi intéressante à plus grande échelle pour fournir de l’eau à l’industrie, notamment celle de l’hydrogène vert.

Pour McKinsey & Company, les entreprises dont le fonctionnement est gourmand en eau peuvent réduire leurs risques en passant aux énergies renouvelables. Leur analyse de 1 500 entreprises dans les secteurs des produits chimiques et de l’agro-alimentaire a conclu qu’une quantité considérable des dépenses en énergie provient de pays affichant un faible recours aux énergies renouvelables et des niveaux élevés de stress hydrique, ce qui engendre des répercussions disproportionnées en termes d’eau et d’émissions de gaz à effet de serre. L’analyse indique qu’une hausse de 50 % des achats d’énergies renouvelables entraînerait une réduction de 60 % de la consommation d’eau dans ces deux secteurs.

Couvrir les canaux de panneaux

Une tendance particulièrement prometteuse consiste à installer des panneaux photovoltaïques au-dessus de canaux, notamment dans les régions faisant face à une pénurie d’eau. La solarisation des canaux a été réalisée pour la première fois en Inde il y a dix ans, lorsque les premiers auvents recouverts de panneaux solaires ont été installés au-dessus d’un canal dans le Gujarat. De nouvelles conclusions tirées par l’Université de Californie (UC) et le projet Nexus mettent aujourd’hui en lumière la nature symbiotique de cette solution, qui contribue à économiser de l’eau tout en produisant de l’énergie, le tout sans occuper de terres arables.

« Se servir des infrastructures des canaux pour développer l’énergie solaire peut améliorer l’efficacité des deux systèmes. L’ombre apportée par les panneaux photovoltaïques permet de réduire l’évaporation de l’eau des canaux, tout particulièrement pendant les torrides étés californiens, précise Brandi McKuin, ingénieure en environnement de l’UC à Merced et principale autrice de l’étude. En outre, l’eau chauffant plus lentement que la terre, le canal qui s’écoule sous les panneaux pourrait rafraîchir ces derniers de quelques degrés, augmentant ainsi la production d’électricité de 3 %. »

D’après cette étude, recouvrir l’ensemble des 6 500 km de canaux de la Californie de panneaux solaires permettrait d’économiser près de 300 milliards de litres d’eau par an et de produire 15 GW d’énergie renouvelable.

PV intégré au bâtiment

Le PV intégré au bâtiment (BIPV) a longtemps été porteur de grandes promesses, mais son application à grande échelle reste une gageure. Au cours de la dernière décennie, les améliorations technologiques et esthétiques en matière de BIPV ont toutefois augmenté sa faisabilité sur un éventail plus large de projets. L’une des utilisations intéressantes du BIPV concerne la rénovation et la réduction des émissions des bâtiments historiques.

« La possibilité de développer de nouveaux produits basés sur la technologie cristalline, qui masque les cellules solaires, facilite l’emploi du solaire dans les projets de rénovation, car le verre peut prendre l’aspect de n’importe quel autre matériau, qu’il s’agisse de céramique ou de pierre », explique Teodosio del Caño, directeur technique chez Onyx Solar, installé en Espagne.

La tour Gioia 22 à Milan équipée de 5000 m2 de panneaux solaires en façade, pour une puissance de 990 kWc.

Image : Onyx Solar

Onyx Solar a déjà installé des solutions de BIPV innovantes sur des bâtiments historiques dans le monde entier. D’après Teodosio del Caño, ce sont les améliorations esthétiques réalisées dans cette technologie qui ont permis la croissance de cette niche ces dernières années. « Au cours des deux dernières années, les façades sont devenues notre principal produit, dit-il. Autrefois, il s’agissait des verrières et des auvents, mais les façades constituent désormais un marché très porteur. À l’heure actuelle, il n’existe aucune restriction sur l’utilisation du BIPV sur la façade d’un bâtiment ».

Du solaire sur les gratte-ciel

Les avancées technologiques réalisées dans le BIPV en façade sont suivies de près par les propriétaires et les exploitants de grands bâtiments, d’autant que les pistes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre pour les immeubles dépendant du réseau sont assez limitées.

Avec l’explosion de la population dans les grandes villes du monde entier, la plupart d’entre nous vivons et travaillons dans des endroits qui ont longtemps été des déserts solaires. Jusqu’à récemment, du fait de la taille des toits relativement petite comparée à la superficie totale de la structure, le profil de production du solaire était il est vrai peu intéressant.

Mais avec la baisse continue du coût du solaire et l’augmentation de la densité énergétique des panneaux, les toits souvent nus des gratte-ciel peuvent désormais fournir une part décente de l’électricité d’un immeuble. À cette évolution s’ajoutent les améliorations au niveau de la technologie du BIPV, en particulier au niveau des façades, faisant tout à coup des gratte-ciel de véritables centrales électriques potentielles.

« Grâce aux avancées réalisées dans la technologie solaire, les panneaux aujourd’hui disponibles présentent une densité énergétique supérieure à 450 W par panneau. Cela permet d’envisager des projets d’énergie renouvelables d’ampleur significative dans des endroits [des quartiers d’affaires centraux], ce qui serait autrement inimaginable sur des toitures à la surface réduite », explique Matthew Wilkins, PDG de Venergy Australia.

Venergy a intégré un système solaire de 223 kW au dispositif régénératif des ascenseurs et à la trigénération par des turbines à gaz de 600 kW dans cinq tours commerciales à Collins Square, dans le centre de Melbourne, portant la capacité totale de production du site à 2 MW.

D’après une étude publiée dans le magazine Solar Energy, les immeubles du centre-ville de Melbourne seraient en mesure de fournir 74 % de leurs propres besoins énergétiques si des installations solaires étaient entièrement intégrées dans les toitures, murs et fenêtres. Le solaire en toiture représenterait 88 % de cet apport, le solaire intégré dans les façades et les fenêtres fournissant respectivement 8 et 4 %.

Les tours de Walker Corp. à Collins Square, dans le centre de Melbourne, accueillent 223 kW de solaire.

Image : Venergy

Jacek Jasieniak, professeur à l’Université Monash et l’un des auteurs de l’étude, affirme que l’objectif des chercheurs « était de démontrer l’énorme potentiel existant (pour le PV urbain, et en particulier en toiture), c’est absolument considérable. Les gens n’y pensent pas, car ils considèrent souvent le photovoltaïque à l’échelle d’un immeuble, et non à l’échelle d’une ville ».

Jim Stewart, directeur associé chez Fender Katsalidis (le cabinet d’architecture australien en charge du Merdeka 118 (p. 50) de Kuala Lumpur, deuxième gratte-ciel le plus haut du monde avec 678,9 mètres et surmonté d’une installation solaire de 140 kW pour son hôtel Park Hyatt Kuala Lumpur), a précisé à pv magazine que ses clients étaient encouragés à envisager des solutions de PV, « la plupart des bâtiments de plus de 180 mètres de haut n’étant pas démolis dans les 50 années suivant leur construction. Les installations de solaire en toiture sont donc devenues monnaie courante dans la conception et le développement des gratte-ciel ».

Rares sont ceux qui restent dubitatifs quant à la capacité du solaire à fournir une énergie fiable aux endroits isolés déconnectés du réseau ou à recourir à des espaces jusqu’à présent inutilisés ou à usage unique. En 2022, on a vu le spectre des emplacements du solaire s’étendre encore, jusqu’aux endroits parmi les plus dangereux au monde.

Des plateformes pétrolières offshore aux sites d’extraction minière reculés, ou encore en première ligne des zones de conflit, l’électricité solaire fonctionne là où les autres sources d’énergie s’arrêtent, et ce sans ravitaillement ni maintenance régulière. Non seulement des sites isolés peuvent utiliser le solaire et réaliser des économies sur le transport coûteux du carburant et les frais d’entretien, mais ils réduisent également les risques pour les travailleurs.

De telles économies n’ont pas échappé à l’armée américaine. Pvilion, usine de solaire et développeur de structures installée à Brooklyn, a mis au point une tente solaire facile à monter. Julia Fowler, de Pvilion, a expliqué à pv magazine que ces tentes font bien plus que de fournir un abri dans des emplacements reculés. Elles « apportent aussi de l’énergie, du confort, de la flexibilité, du chauffage et du refroidissement ainsi qu’une protection contre les éléments… dans le but d’optimiser l’état de préparation aux objectifs de la mission ».

Il est intéressant de noter que cette solution peut également être assimilée au nexus solaire-eau. Le projet Arcwater de l’armée américaine utilise la production d’énergie des tentes solaires pour collecter de l’eau dans des situations de déploiement agile (agile combat deployment).

D’après Brent Kenny, Senior Master Sgt. du 52ème escadron de chasse, une mission de trois jours mobilisant 30 personnes, qui coûterait normalement 37 500 €, reviendrait à moins de 562 € avec l’aide de la tente solaire et d’autres technologies telles que le collecteur d’eau, tout en fournissant les mêmes avantages pour le combat.

Traduction assurée par Christelle Taureau.

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