Parés au décollage

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D’après pv magazine 01/23

Face à la hausse des prix de l’électricité, à l’heure où les aéroports s’efforcent de réduire leurs émissions de CO2, bon nombre d’exploitants d’aérodromes se tournent vers les énergies renouvelables pour un approvisionnement en énergie sûr et indépendant. Les aéroports disposent bien souvent de vastes zones inexploitées et de toitures plates qui présentent un intérêt en termes de photovoltaïque. Si les mesures de réduction des émissions de carbone dans l’aviation, telles que les combustibles durables, l’hydrogène et autres technologies de propulsion des aéronefs, sont encore en phase de développement, le PV est quant à lui prêt à être déployé et peut avoir un impact direct sur l’empreinte carbone des aéroports.

De nombreuses opportunités de générer de la valeur économique par le biais du PV en toiture ou au sol s’offrent ainsi aux aéroports et petits terrains d’aviation. Les exploitants peuvent développer eux-mêmes des zones et louer ces sites « prêts à l’installation ». Du point de vue des autorisations, la planification, l’installation et la mise en service des systèmes PV ne se heurteraient alors plus qu’à des obstacles mineurs. L’exploitant de l’aéroport peut aussi investir directement, utiliser des panneaux solaires pour ses propres besoins en électricité ou pour des clients ou négociants par l’intermédiaire d’un contrat d’achat d’électricité.

Quelles sont les inquiétudes les plus fréquentes des exploitants d’aéroports vis-à-vis du PV sur site ?

Le reflet des panneaux risque-t-il d’éblouir les pilotes et les contrôleurs aériens ? Les installations PV constituent-elles un obstacle physique à l’aviation et existe-t-il une possibilité d’interférence électromagnétique avec l’équipement de communication, navigation et surveillance (CNS) du contrôle du trafic aérien ? Les distances de sécurité au sol obligatoires peuvent-elles être maintenues, par exemple avec les pistes et les voies de circulation ? Les systèmes PV risquent-ils d’interférer avec les services de sauvetage et de lutte contre l’incendie lors des opérations d’urgence ?

Placer des dispositifs solaires près des aires de trafic, des voies de circulation et des pistes peut toutefois présenter des difficultés en termes de respect des règles de sécurité et des règlementations de l’aviation, ce qui soulève une série d’inquiétudes fréquentes.

Pour répondre à ces questions, il faut posséder une connaissance ainsi qu’une expérience pratique solides en matière d’analyse de la sécurité dans l’aéronautique, mais aussi de planification aéronautique et de processus d’agrément. Airsight a conduit des études de faisabilité technique et aéronautique pour des projets de solaire à proximité d’aéroports et d’autres zones d’opérations aériennes.

Potentiel de production

Maximiser le potentiel de production du PV dans un aéroport tout en assurant le niveau de sécurité déjà élevé des opérations de vol et d’autres processus nécessite souvent une évaluation à plusieurs niveaux des risques potentiels associés à la présence de panneaux solaires à proximité des « aires de manœuvre d’aéronefs ». Ces évaluations permettent de garantir que seuls des risques acceptables existent pour les opérations des aéroports. Il faut donc apporter à l’autorité d’homologation responsable de l’aviation la démonstration que le système PV ne compromet en rien le niveau de sécurité de l’aéroport et que les règlementations de l’aviation aux niveaux national et international seront suivies à la lettre.

En fonction des caractéristiques de l’aéroport, un grand nombre d’exigences doivent être respectées, du point de vue de l’aéronautique, pour la planification et l’approbation d’un système PV d’aéroport.

Il convient tout d’abord d’effectuer une évaluation des dangers et une analyse des risques d’éblouissement et d’irritation causés par le reflet des installations solaires et de prendre des mesures pour réduire les reflets (une évaluation des reflets).

La réglementation nationale et supranationale (de l’UE notamment) exige en outre une évaluation des obstacles ainsi qu’une étude de compatibilité avec les systèmes CNS du trafic aérien.

Les développeurs auront aussi besoin d’évaluer les dangers et d’analyser les risques que font peser les dispositifs solaires sur la sécurité des pistes, par exemple en cas de sortie de piste imprévue d’un avion, ou encore sur l’évacuation des appareils en cas d’accident.

De plus, une évaluation de tout impact sur l’intervention d’urgence des services de sauvetage et de lutte contre l’incendie est nécessaire, tout comme une analyse d’impact sur la gestion de la faune et de la flore sauvages, par exemple en conséquence de l’augmentation de la reproduction des oiseaux.

Par ailleurs, il faut effectuer des vérifications de conformité avec la réglementation en matière de conception et de certification des aérodromes.

En conséquence, l’évaluation des dangers et l’analyse des risques pour le traitement des critères de tests pour le PV sur ou à proximité des aéroports doit faire appel à une expertise interdisciplinaire rassemblant l’aviation durable, la planification des terrains d’aviation et l’approbation, la sécurité et le contrôle des opérations aériennes, ainsi que les obstacles à l’aviation et les installations CNS. Cela exige des connaissances étendues et une longue expérience en matière de spécificités nationales et internationales, de standards et de normes dans la conception et la gestion des aérodromes.

Exemples de réussites

Quelques grands aéroports tels que Edmonton au Canada, Washington-Dulles aux États-Unis et, plus récemment, Francfort en Allemagne, ont installé ou prévoient d’installer des systèmes PV dans des espaces ouverts, près des voies de circulation et des pistes. En mai 2022, une installation solaire de 24 MW a été mise en service à Vienne-Schwechat, en Autriche, à environ 200 mètre de la piste. D’après l’aéroport, il s’agit du plus grand parc solaire au sol d’Autriche. Avec les systèmes en toiture déjà installés sur le site, il couvre près d’un tiers de la consommation annuelle d’électricité de l’aéroport.

Si l’on considère la longueur des pistes, le potentiel des aéroports en termes d’énergie solaire apparaît clairement. Une piste de 4 km de long comme celle de l’aéroport international de Munich, en Allemagne, pourrait accueillir un parc solaire de 50 m de large sur 3 km de long capable de produire environ 17 GWh par an avec une capacité installée de 15 MW, le tout dans le respect des obligations de sécurité et de réglementation.

La transition énergétique exige de transgresser d’anciens principes, de développer de nouvelles idées et d’évaluer l’exploitation du potentiel existant des énergies renouvelables sur des infrastructures critiques en termes de sécurité telles que les aéroports.

Les surfaces nécessaires au solaire sont disponibles dans de nombreux aérodromes, parfois même à très grande échelle, et pourraient apporter une contribution significative à ce type d’énergie, à partir du moment où le niveau de sécurité élevé dans l’aviation n’est pas remis en cause.

À propos de l’auteur :

Christoph Struempfel a étudié l’aéronautique et l’astronautique à l’Université technique de Berlin. Il est consultant en aviation durable pour airsight GmbH, un cabinet installé à Berlin et spécialisé dans les évaluations de sécurité pour l’aviation, les services d’inspection et d’ingénierie ainsi que les formations pour les aéroports, les services de navigation aérienne et les autorités aéronautiques dans le monde entier.

Traduit par Christelle Taureau.

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