Baisse des coûts, fabrication de 15 GW de modules solaires américains et tendances TOPCon

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D’après pv magazine Etats-Unis.

La Loi américaine sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act) de 2022 alloue une enveloppe de près de 340 milliards d’euros aux mesures en faveur de l’énergie et du climat. Ce montant comprend plus de 55 milliards pour la fabrication nationale de toute la chaîne d’approvisionnement des énergies propres. Ce niveau d’investissement historique est fondamental pour atteindre l’indépendance des États-Unis en matière de fabrication et sa sécurité sur le plan des énergies propres. 

Dans un récent rapport, Wood Mackenzie indique que développeurs, entreprises d’ingénierie, approvisionnement et construction (EPC) et fabricants vont guetter les orientations et éclaircissements que sont censés émettre le département du Trésor américain et l’Administration fiscale américaine (IRS) afin d’établir une stratégie en matière de développement de capacités de solaire et d’investissements dans de nouvelles infrastructures de production sur le territoire américain. 

Ce rapport se penche sur les tendances de ce secteur en pleine croissance, et notamment sur la préférence des modules TOPCon par rapport à l’hétérojonction (HJT), la croissance sur le marché mondial des onduleurs résidentiels, le développement de la fabrication des trackers, la baisse prévue du coût des projets solaires ainsi que les difficultés rencontrées actuellement. 

TOPCon vs. PERC 

La technologie TOPCon (pour tunnel oxide passivated contacts, ou cellules à contacts passivés à oxyde tunnel) devrait bientôt devancer l’hétérojonction (HJT). Le rapport de Wood Mackenzie note ainsi que la technologie mono PERC « est à l’équilibre entre maturité et efficacité », ce qui signifie que les TOPCon possèdent le potentiel de croissance le plus important grâce aux améliorations des processus et à l’optimisation des coûts. 

« La technologie des panneaux PERC affiche en outre une courbe d’apprentissage très rapide. L’arbitrage entre les deux technologies dépendra donc de celle qui parviendra à améliorer son rendement ou à réduire ses coûts plus rapidement que l’autre », avait déclaré Stefan Gunz, directeur de la recherche sur le photovoltaïque à l’Institut allemand Fraunhofer pour les systèmes d’énergie solaire (ISE), à pv magazine il y a un an. 

Les analystes de Wood Mackenzie estiment aujourd’hui que les modules TOPCon ont atteint un rendement de 25 % en production de masse, un chiffre qui pourrait grimper à 28,7 %. 

Passer de la fabrication des mono PERC aux TOPCon représente un investissement simple et d’un coût relativement faible, et les analystes estiment qu’un rendement de 27 % en laboratoire serait réalisable avec une métallisation améliorée et des wafers plus fins. D’après Wood Mackenzie, certains fabricants s’attendent cette année à voir baisser de 20 µm l’épaisseur des wafers destinés aux modules TOPCon de grande taille pour atteindre 120 µm, ce qui entraînera l’essentiel des réductions de prix en 2023. 

Avec ses 27,5 milliards d’euros de crédit d’impôt à la fabrication et ses 9,17 milliards d’euros de crédit d’impôt à l’investissement pour la construction d’infrastructures destinées à la fabrication de technologies propres, la Loi sur la réduction de l’inflation stimule la fabrication des modules aux États-Unis. Selon Wood Mackenzie, la capacité de production américaine de modules dépassera les 15 GW d’ici la fin de l’année. 

Néanmoins, la grande inconnue demeure la définition du terme « équipement de fabrication nationale ». Cela concerne-t-il les modules assemblés aux États-Unis, ou tous les composants doivent-ils être fabriqués aux USA ? Toute la difficulté pour les fabricants de modules réside dans l’absence (ou presque) de fabrication de wafers ou de cellules aux États-Unis, même si des changements sont en cours avec les annonces récentes d’entreprises telles que Qcells et CubicPV. L’interprétation qui sera faite du contenu national aura « des retombées considérables sur la capacité de fabrication des modules dans les cinq prochaines années », assure le rapport. Les analystes estiment que près de 45 GWdc de nouvelles capacités seront annoncées d’ici à 2026. 

Onduleurs, trackers 

La croissance attendue du solaire aux États-Unis va se propager à l’ensemble de la filière et stimuler la croissance des onduleurs et des trackers solaires, parmi d’autres composants. Dans son rapport, Wood Mackenzie note que des changements récents de politique, tels que le plan REPowerEU de l’UE, la mise en place des programmes d’incitation à la production (PLI) en Inde et l’IRA aux USA, vont accélérer l’adoption du solaire dans ces pays et les aider à atteindre leurs objectifs de zéro émission nette. 

D’après le rapport, le marché des onduleurs résidentiels va croître dans le monde entier en 2023. Avec la montée en puissance du solaire en toiture, en particulier dans des pays comme l’Inde et l’Allemagne, on va assister à une impulsion sur le marché des micro-onduleurs, des onduleurs strings et des optimiseurs de puissance, les onduleurs les plus populaires pour les installations en toiture. Fait notable, les onduleurs strings dotés de régulateurs MPPT multiples seront plus présents sur le marché en 2023. 

Par ailleurs, le recours à l’intelligence artificielle dans les algorithmes des onduleurs résidentiels va se généraliser. L’électronique de puissance au niveau du module (MLPE) et les onduleurs strings monophasés, les plus utilisés sur les installations de solaire en toiture, totaliseront 11 % de parts de marché des livraisons mondiales d’onduleurs en 2023. La fabrication d’onduleurs va elle aussi se développer, avec l’ajout de nouvelles lignes de production chez les principaux acteurs et l’entrée de nouveaux venus sur le marché ; la concurrence qui en découlera va entraîner une baisse des prix de 2 à 4 % en 2023. 

La pénurie mondiale de micropuces, qui selon les analystes de Wood Mackenzie va perdurer en 2023 et même en 2024, demeure un obstacle de taille pour les fabricants d’onduleurs. Cette situation a poussé ces derniers à s’approvisionner auprès de fournisseurs secondaires avant de mener en interne des tests rigoureux pour s’assurer de la qualité, de l’efficacité et de la durée de vie de leurs onduleurs. Wood Mackenzie prévoit que le prix des onduleurs ne baissera pas tout de suite cette année. 

La production nationale de trackers s’accélère dans plusieurs parties du monde, sous l’effet des mesures incitatives des gouvernements ainsi que des problèmes de logistique rencontrés pendant la pandémie de COVID-19. Selon les spécialistes de Wood Mackenzie, le prix des trackers solaires va chuter en Inde et aux États-Unis. S’ils s’attendent à davantage de stabilité dans l’approvisionnement de l’acier dans ces deux pays, en particulier grâce au développement de la fabrication d’acier existante, l’Europe fait en revanche face à un déséquilibre de ce marché. Étant donné que les trackers sont composés à plus de 60 % d’acier, ce rebond de la demande va engendrer une hausse de la concurrence pour les parts de marché de trackers ; Wood Mackenzie prévoit ainsi que les prix des trackers en 2023 reculeront de 5 % aux États-Unis, au Brésil et en Chine. 

Les coûts du solaire 

Le coût des dépenses en capital va continuer de chuter, poussé en partie par l’utilisation accrue des modules TOPCon. Les analystes de Wood Mackenzie s’attendent en outre à une baisse des prix du polysilicium cette année, et estiment que la capacité mondiale existante de 300 GW attendra 900 GW d’ici fin 2023. 

« Nous prévoyons un élargissement des capacités de polysilicium de plus d’un million de Mt en 2023. La majeure partie de cette nouvelle capacité se trouvera en Chine. Toutefois, nous pensons que les 10 % environ qui se situeront en dehors de Chine pourront afficher un prix plus élevé car ils ne seront peut-être pas soumis aux droits de douane et autres risques politiques. » 

L’une des difficultés que continue à rencontrer le secteur porte sur les incertitudes liées aux coûts des droits antidumping et compensateurs. Le département américain du commerce devrait annoncer leur niveau final en mai 2023, mais Wood Mackenzie estime que ces droits pourraient se situer entre 16 % et 254 %, suivant le pays d’origine des produits. La décision préliminaire, rendue en décembre 2022, avait exempté les entreprises de catégorie 1, telles que Trina, BYD, Vina (une filiale de Longi) et Canadian Solar, des droits de douane pesant sur les entreprises chinoises. Elle avait aussi exempté Hanwha et Jinko, ce qui apportera une bouffée d’oxygène en matière de disponibilité de modules en 2023. 

Aux États-Unis, les développeurs continueront de se focaliser sur les exigences de l’IRA, y compris les bonus liés au salaire en vigueur et aux composants nationaux pour les projets à grande échelle dont la construction débute en 2023. Ainsi, pour que les projets puissent prétendre au maximum de 30 % du crédit d’impôt à l’investissement ou au crédit d’impôt à la production, tous les projets de plus de 1 MWac doivent payer leurs ouvriers au salaire en vigueur et mettre en place un programme d’apprentissage.  

En Europe, le programme REPowerEU vise à installer 320 GW de solaire PV d’ici à 2025 et 600 GW dans le cadre de la stratégie énergétique solaire de l’UE. Pour atteindre ces objectifs ambitieux, l’UE doit créer un pôle de fabrication solide au sein de la région. La nouvelle Alliance européenne de l’industrie solaire photovoltaïque formera un cadre contribuant à sécuriser les financements destinés à la fabrication et à promouvoir la recherche et l’innovation dans les technologies de modules, entre autres technologies zéro carbone. 

Enfin, selon les analystes de Wood Mackenzie, la fabrication du PV en Europe fait aussi face à la concurrence par les coûts de la région Asie-Pacifique, en raison des coûts plus élevés de l’énergie, du travail et des matériaux. Toutefois, le continent pourrait bénéficier du fait que ses consommateurs sont prêts à payer davantage pour une technologie de meilleure qualité et plus de transparence dans la chaîne d’approvisionnement. 

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