Face à la crise économique, les ménages libanais installent un nombre record de nouveaux systèmes PV en toiture

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D’après pv magazine International

Marqué par une inflation galopante, un système bancaire défaillant, l’effondrement de sa monnaie ainsi que l’incompétence constante de sa classe politique et sa réticence à engager des réformes économiques, le Liban semble enlisé dans l’impasse politique et économique. En février dernier, la monnaie libanaise a perdu plus de 98 % de sa valeur d’avant la crise. La Banque mondiale a déclaré au mois de mai : « La défaillance systématique du système bancaire libanais et l’effondrement de la monnaie ont provoqué l’apparition d’une vaste économie “dollarisée” fondée sur l’argent liquide, d’une valeur estimée à près de la moitié du PIB en 2022. » Elle a ajouté que la croissance de cette économie dollarisée, qui représentait près de 9,05 milliards d’euros en 2022, soit presque la moitié de l’économie libanaise, constituait un frein majeur à la reprise économique.

La débâcle politique et économique libanaise a non seulement plongé la majorité de sa population dans la pauvreté, mais elle a aussi laissé ses citoyens dans le noir – au sens littéral. Avant la crise, la compagnie Électricité Du Liban (EDL), détenue par l’État, avec le relais de groupes électrogènes privés fonctionnant au diesel, parvenait à fournir de l’électricité approximativement 24 h/24. À l’heure actuelle, ils parviennent à peine à assurer 12 à 14 heures d’électricité par jour, laissant les Libanais dans le noir total le reste du temps.

« C’est à ce moment que la population a pris conscience de l’importance de l’énergie solaire et de son coût compétitif par rapport aux énergies fossiles », explique Marc Ayoub, chercheur en énergie à l’Institut Issam Fares de l’Université américaine de Beyrouth et chercheur non résident de l’Institut Tahrir pour la politique du Moyen-Orient, à pv magazine.

En mai, le Centre libanais pour la conservation de l’énergie (LCEC) a indiqué que, selon ses prévisions, le Liban dépasserait 1 GW de solaire en toiture au cours des 10 premiers jours de juin 2023. Fin 2022, les installations solaires avaient cumulé 870 MW, les capacités installées en 2022 atteignant à elles seules 663 MW. Cela contraste fortement avec 2020, au cours de laquelle le Liban n’avait ajouté que 14 MW de nouvelles capacités solaires en toiture, soit une multiplication par 47 des installations annuelles de photovoltaïque en toiture. En d’autres termes, le marché libanais du PV en toiture explose.

La croissance du PV en toiture au Liban ne peut être attribuée à aucun programme de rémunération. Selon Marc Ayoub, si le régime de facturation nette a été approuvé par le Conseil d’administration d’EDL en 2011, divers obstacles techniques et administratifs ont empêché le marché du net-metering de prendre une ampleur significative. D’après lui, l’une des principales difficultés réside dans l’insuffisance de l’approvisionnement électrique et les fréquentes coupures générales d’électricité qui survenaient même avant l’effondrement économique du pays et empêchaient souvent les utilisateurs de la facturation nette d’exporter leur surplus d’électricité vers le réseau. De plus, le processus bureaucratique d’installation du compteur, tant chez le client qu’au niveau de la compagnie d’électricité, constituait une entrave supplémentaire à la mise en place pratique de ce programme.

Aux dires de Marc Ayoub, si le régime de facturation nette était déjà compliqué au Liban, il est quasiment non-existant depuis l’effondrement de l’économie. La croissance du PV en toiture repose aujourd’hui essentiellement sur des systèmes hors réseau de solaire plus batterie chez les particuliers et les petites entreprises. D’après lui, le principal inconvénient est « qu’une bonne partie de l’électricité produite à partir du solaire est gâchée une fois que les batteries sont chargées ».

Par ailleurs, les solutions de financement institutionnelles pour l’installation de ces systèmes sont limitées. Ceux qui peuvent se le permettre utilisent plutôt leurs propres économies ou reçoivent de l’argent de la famille et d’amis installés à l’étranger, et payent en liquide en dollars américains, note Marc Ayoub. Certains particuliers décident même de vendre des objets de valeur personnels, bijoux et or, pour rassembler la somme minimum nécessaire à l’achat d’un système PV solaire, comprise entre 3 600 et 6 400 €.

Cela dit, il y a environ un an, la Banque de l’Habitat du Liban a commencé à déployer un nouveau programme visant à accorder des prêts aux ménages libanais pour l’achat et l’installation de systèmes photovoltaïques. Le programme fonctionne avec l’assistance technique du LCEC. Marc Ayoub indique que des discussions ont été entamées par certaines institutions financières internationales telles que la Banque mondiale, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement et l’Union européenne, en vue de canaliser de nouveaux fonds pour le secteur du PV en toiture. Toutefois, « encore faut-il que [ces financements] se concrétisent, étant donné les risques que comporte actuellement le contexte macroéconomique du pays ».

En 2021, pv magazine avait rapporté les déclarations de l’Institut de recherche industrielle (IRI) du Liban selon lesquelles tous les panneaux solaires de seconde main importés depuis octobre 2021 n’étaient pas conformes aux normes nationales. En conséquence, les importations de panneaux photovoltaïques de seconde main ont été interdites. Marc Ayoub précise que, malgré cette interdiction, des fournisseurs non agréés ont pourtant émergé pendant la crise et continuent de proposer des équipements (panneaux, onduleurs et batteries) qui ne répondent pas aux normes fixées par l’IRI.

L’explosion du PV en toiture au Liban atteste de la volonté des Libanais de conserver un niveau de vie minimum et de continuer à faire tourner leurs ménages et leurs entreprises. Le pays a désespérément besoin de réformes politiques, notamment au niveau du secteur énergétique.

Traduction assurée par Christelle Taureau.

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