[Interview Enedis] « Nous faisons tout pour réduire les délais de raccordement »

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pv magazine France : la loi sur l’accélération des énergies renouvelables a fixé des délais maximum de raccordement au réseau. Où en êtes-vous dans la réalisation de ces objectifs ? 

Cédric Boissier : La loi sur l’accélération des énergies renouvelables impose effectivement un délai d’un mois pour les travaux de raccordement pour les petits producteurs (particuliers). A l’heure actuelle, nous avons fait la moitié du chemin et sommes autour d’un mois et demi actuellement, en raison de la très forte demande sur le réseau. Pour les installations de taille moyenne, le délai doit être de douze mois maximum. Nous sommes aujourd’hui au-delà, mais il faut toutefois préciser que les écarts types peuvent être importants, car les projets ont des degrés de complexité variables.

Cédric Boissier, Directeur Projet Accélération des ENR.

Image : Enedis

De manière générale, depuis plusieurs années, nous faisons tout pour réduire les délais de raccordement, grâce à la simplification et l’automatisation des processus, pour fluidifier notre organisation. Le deuxième levier porte sur les recrutements et la formation. En 2023, nous allons embaucher 2 900 personnes, dont 1 600 en CDI et 1 300 en alternance. Selon les régions, 25 à 30 % de ces effectifs seront dédiés au raccordement des énergies renouvelables.

 

Nous devons en effet être en mesure de suivre la très forte croissance des EnR, qui est amenée à s’intensifier dans le futur. Ainsi, le photovoltaïque connaît une dynamique sur l’ensemble des segments : sur la petite puissance, chez les particuliers, nous avons raccordé l’année dernière 90 000 producteurs, nous devrions dépasser les 170 000 cette année. La hausse est également sensible chez les producteurs d’électricité intermédiaire (agriculteur, petit industriel), avec 6 000 raccordements en 2022 contre 9 à 10 000 anticipés en 2023.

Comment le réseau HTA s’adapte-t-il à cette poussée du solaire décentralisé ? 

Cédric Boissier : A ce jour, Enedis prévoit d’investir environ 5 milliards d’euros d’investissements par an d’ici à 2032 avec un pic à 5,5 milliards d’euros en 2027, contre 4,4 milliards en 2022, afin de renforcer le réseau et de créer de nouveaux postes source. Cela représente un total de 96 milliards d’euros d’ici à 2040. Sur cette somme, une enveloppe minimum de 10 milliards d’euros concerne directement le renforcement du raccordement des EnR. En parallèle, notre mission est de trouver des alternatives à l’investissement, en dégageant des capacités réseau sans travaux.

C’est à dire ?

Cela passe par exemple par une meilleure gestion du foisonnement. Historiquement, certaines régions étaient davantage orientées vers le développement du photovoltaïque, d’autres vers l’éolien, selon leur degré d’ensoleillement. Aujourd’hui, on assite à une poussée du photovoltaïque dans de nouvelles régions comme le Nord et la Bretagne, qui vient s’ajouter aux capacités éoliennes existantes. Les différentes réglementations, portant notamment sur l’obligation d’installer des ombrières de parking ou des centrales en toiture sur les bâtiments tertiaires, vont aussi accentuer ce phénomène de meilleure répartition du photovoltaïque sur tout le territoire.

C’est pourquoi en 2022 et 2023, nous avons mené des études pour modifier nos coefficients de foisonnement. Ainsi, un projet photovoltaïque prévu dans une zone à majorité éolienne bénéficie désormais d’un coefficient de foisonnement de 80 % et non plus de 100 %, car la pleine puissance de ces deux sources d’énergie n’arrive pas au même moment, que soit au cours d’une journée ou à l’échelle d’une année. Cela nous permet d’augmenter la capacité d’accueil disponible sans faire d’investissements massifs.

Surbooker les capacités d’accueil, c’est aussi le raisonnement suivi dans le projet Reflex, testé dans deux départements, la Somme et les Landes. Nous partons du principe que les situations les plus défavorables – à savoir une production minimale pour une consommation maximale -, n’interviennent qu’à de rares moments dans l’année. Il est donc possible de surbooker le poste source, avec un éventuel écrêtement si besoin. Les 10 postes source du projet Reflex sont en place et pour pouvoir tester ce dispositif, nous avons maintenant besoin que les projets de production d’EnR s’installent. Nous estimons qu’à partir de 2024-2025, nous verrons arriver les premiers moments de saturation du poste source par rapport à la puissance nominale réelle du transformateur, ce qui nous permettra de réaliser des retours d’expérience avant une potentielle généralisation dans d’autres territoires au-delà de 2026.

Enfin, en parallèle, nous avons travaillé avec les fédérations professionnelles et les fabricants d’onduleurs. Depuis le 1er février 2023, les producteurs d’électricité dont la puissance raccordée en basse tension est inférieure à 250 kVA et qui souhaitent un nouveau raccordement doivent appliquer de nouvelles consignes de réglage de leurs onduleurs. Cette mesure permettra d’accueillir plus de 30 % de production d’électricité d’origine renouvelable supplémentaire sur le réseau électrique sans que cela nécessite de travaux complémentaires.

Combien de postes source prévoyez-vous de construire ?

Cédric Boissier : Nous disposons aujourd’hui de 2 300 postes source sur le territoire et les besoins portent sur environ 80 supplémentaires d’ici à 2030, essentiellement pour répondre aux besoins de capacité exprimés dans les S3RENR (Schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables). Pour mémoire, les S3RENR recensent pour chaque zone géographique les projets déclarés par les producteurs et déterminent les ouvrages à créer ou à renforcer pour atteindre les objectifs fixés.

Les postes source express peuvent être construits en un an au lieu de deux.

Image : Enedis

A ce jour, il faut près de cinq ans pour installer un nouveau poste source, un délai qui prend en compte le temps de concertation (trois ans) et de construction (deux ans). C’est pourquoi nous avons développé des postes sources express (PSE), qui permettent de diviser par deux la durée de construction et ainsi répondre plus rapidement aux demandes de raccordement des producteurs. En temps normal, chaque poste source est conçu de manière spécifique, en fonction du terrain et des aspects de raccordement électrique. Dans le cas des PSE, ils sont standardisés et constitués de modules préfabriqués en usine, ce qui permet d’accélérer leur conception et leur mise en service. Cette innovation s’adapte parfaitement aux parcs qui ne présentent pas de difficultés particulières (milieu rural, terrain plat…).

Pour l’heure, neuf postes source express (PSE) ont déjà été construits. En 2020, trois ont été mis en service à Hirson (Picardie), à Mont-Pinson (Champagne-Ardenne) et à Gouville (Normandie). En 2021, trois autre PSE ont été mis en service à Cantegrit (Morcenx-la-Nouvelle, Landes), à Bersaucourt (Picardie), à Fond Gosson (Nord-Pas de Calais). En 2022, un PSE a été mis en service à Arnac sur Dourdou (Nord Midi-Pyrénées). Enfin, pour 2023, nous prévoyons l’installation de deux PSE à Le Chapon (Lorraine) et à Limeu (Picardie).

Au total, 15 PSE seront construits d’ici 2024 et sur les 80 nouveaux poste source construits d’ici 2030 en France, 36 postes source seront express.

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