Debunk : non, le soutien aux énergies renouvelables ne coûtera pas 300 milliards d’euros sur dix ans

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300 milliards d’euros. Le chiffre circule en boucle chez les anti-renouvelables, notamment à droite et à l’extrême-droite. « Nous refusons que vous doubliez le nombre d’éoliennes sur terre, couvriez la France de panneaux solaires chinois et défiguriez nos côtes avec les éoliennes en mer, pour une facture totale de 300 milliards d’euros, qui vient s’ajouter aux 100 milliards déjà gaspillés », a affirmé Marine Le Pen, la présidente du groupe Rassemblement national (RN), à l’Assemblée nationale le 28 avril dernier.

« Cette PPE, si elle était adoptée, engagerait la France jusqu’en 2035. Elle impliquerait plus de 300 milliards d’euros –⁠ presque 400 milliards – de dépenses supplémentaires dans l’éolien et le solaire, pour la plupart inutiles. Nous recherchons des économies d’argent public : vous avez là, monsieur le Premier ministre, 400 milliards inutiles », a renchéri le même jour Eric Ciotti, président de l’Union des droites pour la République. Cette somme a ensuite été reprise par le JDD dans sa Une “300 milliards d’euros pour rien” du 21 juin.

Enfonçant le clou, le ministre de l’Intérieur et président des Républicains (LR) Bruno Retailleau s’est prononcé, dans une tribune publiée mercredi 2 juillet dans le Figaro, pour une priorité absolue au nucléaire et contre le soutien public à l’éolien et au photovoltaïque, qui selon lui « n’apportent au bouquet énergétique français qu’une intermittence coûteuse à gérer ».

« On additionne des pommes, des poires et des choux »

Mais d’où vient exactement ce chiffre de 300 milliards d’euros ? Il est en réalité sans fondement. « C’est un amalgame grossier qui additionne des pommes, des poires et des choux », a réagi le syndicat du solaire Enerplan. En d’autres termes, il mélange (volontairement ?) des investissements et du soutien à la production, sur des périodes différentes et bien plus large que le seul soutien aux énergies renouvelables. Alors voyons ce qu’il en est.

200 milliards d’euros ? Non, plutôt 40 milliards d’euros : Enedis & RTE prévoient bien 200 milliards d’euros pour rénover et développer les réseaux de distribution et de transport d’électricité : près de 100 Md€ sur 15 ans pour le réseau de transport, dont plus de la moitié doit renforcer le réseau et l’adapter au changement climatique ; près de 100 Md€ sur 18 ans pour le réseau de distribution. « 80 % de cette somme provient de l’entretien, du renouvellement des lignes électriques qui vieillissent, du raccordement des nouveaux consommateurs, liste l’association France Renouvelables. Des dépenses qui doivent avoir lieu, énergies renouvelables ou pas ». Au final, dans la fourchette haute, 20 % de ces dépenses sont à impacter directement aux EnR, soit environ 40 milliards d’euros.

La majorité de ces investissements est assurée par les gestionnaires de réseaux (via des fonds propres et de la dette), avant d’être amortis sur le long terme par le biais du Tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE). Une autre partie est financée directement par les producteurs et les consommateurs lors de leur raccordement au réseau, à travers les facturations de raccordement, la mutualisation des coûts liés aux EnR, ainsi que les contributions des grands consommateurs.

100 milliards d’euros de subventions aux énergies renouvelables ? Plutôt 35 milliards d’euros : France Renouvelables a refait le calcul à partir des charges de service public de l’électricité (CSPE), liées au soutien aux énergies renouvelables électriques, mais aussi gazières (le biométhane) mais aussi à la transition énergétique dans les zones non interconnectées. Les énergies renouvelables électriques (éolien, solaire…) sont accusées de tous les maux. Pourtant, les soutiens publics sont mesurés : 3,5 milliards d’euros par an via la CSPE, soit environ 35 milliards sur 10 ans ».

En effet, comme l’indique la CRE dans sa délibération 2024, la part de la CSPE dédiée à l’éolien et au solaire est tombée à environ 3,8 milliards d’euros en 2025, sur un total de charges de service public de plus de 9,5 milliards dont 2,9 Mds€ pour le photovoltaïque (67 % de ce montant correspond à des charges engendrées par les contrats photovoltaïques historiques dits « S06/S10 », 0,3 Md€ pour l’éolien terrestre et 0,6 Md€ pour l’éolien en mer. Cela représente une baisse importante par rapport aux années 2010. La part du soutien à l’éolien et au solaire ne représente en 2025 que 5 % d’une facture d’électricité.

De plus, les EnR soutiennent aussi les finances publiques : en 2022 et 2023, les producteurs EnR avaient alors versé plus de 30 milliards d’euros au budget de l’État.

Quid du coût du nucléaire et des énergies fossiles ?

Si l’argumentaire des anti-renouvelables se focalise sur le coût de leur développement, il oublie celui du nucléaire et des énergies fossiles. Ainsi, comme le souligne France Renouvelables, le Rassemblement national ne prend pas en compte le coût des six EPR du nouveau nucléaire, prévus en 2038.

Concernant le prix de production du nucléaire, le chiffre de 60 euros/MWh est communément avancé par les partisans de cette source d’énergie. Mais il concerne le nucléaire existant, déjà amorti. La Cour des comptes a en effet indiqué que les coûts de production du nouveau nucléaire étaient largement sous-estimés. « Le pilotage de Flamanville 3 au sein de celui plus global du parc nucléaire se traduisait par un facteur de charge effectif plus faible, par exemple 75 %, une rentabilité de 4 % (en termes réel) nécessiterait alors un prix de vente de plus de 138 €/MWh. Pour des prix de vente de moins de 90€/MWh, il paraît difficile d’envisager une rentabilité atteignant 2 % », peut-on lire dans un rapport de janvier 2025.

Autre oubli : le coût de l’importation des combustibles fossiles, à commencer par le gaz. Celle-ci s’est élevée à 116 milliards d’euros en 2022, 71 milliards d’euros en 2023, 57 milliards d’euros en 2024.

Le vrai coût des EnR électriques ?

Dans l’article du JDD, on apprend avec étonnement qu’alors « que le marché européen se situait en 2024 autour de 60 euros/MWh, l’État français, via EDF, rétribuait les EnR à hauteur de 102 euros/MWh pour l’éolien terrestre, 195 euros/MWh pour l’éolien marin et 226 euros/MWh pour le solaire ».

Or, ces chiffres sont bien loin les résultats des derniers appels d’offres : 89 €/MWh pour l’éolien terrestre et 79,09 €/MWh pour le solaire au sol. Même pour l’un des segments PV le plus coûteux, celui sur bâtiment, le dernier appel d’offres s’est conclu avec un prix moyen de 97,53 €/MWh, bien loin des 226 euros/MWh annoncés par le JDD.

Même Marc Ferracci, ministre de l’Industrie et de l’Énergie, connu pour ne pas être un fervent défenseur des renouvelables, a pris la plume sur LinkedIn pour réfuter l’assertion selon laquelle « la facture d’électricité n’a pas doublé à cause des énergies renouvelables », comme l’accusent les anti-renouvelables. « Depuis 2015, le tarif réglementé n’a augmenté que d’environ 20 % en euros courants, indique-t-il. Et cette hausse est due à plusieurs facteurs : hausse des taxes, modernisation des réseaux, hausse du prix du gaz importé, notamment liée à la guerre en Ukraine. C’est cela, la clé de notre indépendance énergétique. Il faudra plus d’électricité dans les années à venir : pour faire rouler les véhicules électriques, pour chauffer avec des pompes à chaleur, pour faire tourner l’industrie ».

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