Facteur de charge, prime pour les prix négatifs… : les pistes de la CRE sur le complément de rémunération

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Depuis 2016, les installations produisant de l’électricité d’origine renouvelable peuvent être soutenues soit en obligation d’achat (pour les plus petites d’entre elles), soit en complément de rémunération (à partir d’un certain seuil fixé jusqu’ici à 500 kW, qui sera abaissé pour toutes les filières à 200 kW à compter du 1er janvier 2026).

A fin 2024, environ 25 % de la production soutenue (66,7 TWh au total) bénéficiait du dispositif du complément de rémunération. En outre, celui-ci est aujourd’hui la voie privilégiée pour soutenir le développement de nouvelles installations de production d’électricité renouvelable (70 % des contrats engagés sur la période 2023-2024). Le stock de contrats de complément de rémunération engagés à fin 2024 en volume est majoritairement issu de la filière éolienne terrestre, avec 54 % de la production prévisionnelle totale sur l’ensemble de la période de soutien des actifs.

En conséquence, la CRE estime que les contrats soutenus par le biais de contrats de complément de rémunération devraient devenir majoritaires à compter de 2032. « Dans ce cadre et du fait de leur impact, il est impératif que ces contrats soient correctement dimensionnés afin d’assurer un fonctionnement optimal du système électrique », écrit la CRE dans son rapport.

Agrégateurs

Le bilan relève que la grande majorité des producteurs ne disposent pas des compétences en interne pour agir directement sur les marchés et font donc appel à des agrégateurs pour commercialiser l’énergie. Les consultations menées par la CRE montrent que la crise de 2022-2023 a conduit à une évolution significative des pratiques contractuelles entre agrégateurs et producteurs, avec un transfert des risques plus important à ces derniers. Cette évolution s’explique par un effet conjoncturel très fort sur la rentabilité de l’activité d’agrégation lors de cette période (engagements longs, frais facturés fixes et faibles et forte augmentation des coûts d’agrégation). Avec la fin de la crise, les agrégateurs acceptent à nouveau de prendre une part du risque plus importante, mais la consultation menée début 2025 montre que le risque porté par le producteur est toujours plus élevé qu’avant la crise.

En outre, l’abaissement, d’ici à 2026, du seuil du complément de rémunération à 200 kW pourrait conduire à une concurrence limitée sur ce segment du marché. Ce seuil pourrait être abaissé à 100 kWc dans le cas spécifique du projet d’appel d’offres simplifié en cours de discussion, portant sur la réalisation et l’exploitation d’installations de production d’électricité à partir de l’énergie solaire « Centrales sur bâtiments, (hangar), ou ombrières [de puissance supérieure à 100 kWc et inférieure à 500 kWc. La CRE restera donc vigilante, afin de s’assurer que ces installations de plus petite puissance parviennent à contractualiser avec des agrégateurs dans des conditions satisfaisantes.

Non-production en cas de prix négatifs

La CRE note que certains signaux de marché, à commencer par la non-production en cas de prix négatifs, sont bien intégrés par les producteurs dans la phase d’exploitation. L’instance note toutefois qu’il est indispensable qu’une meilleure coordination s’opère entre producteurs et agrégateurs afin que les premiers puissent encore mieux prendre en compte les signaux du marché (placement des maintenances, transmission des informations d’indisponibilité…), tout en n’étant pas directement confrontés à celui-ci.

Enfin, même si la comparaison entre pays européens est relativement peu aisée, la CRE observe sur le marché français un transfert de risques aux producteurs de niveau « moyen » s’agissant de la définition du prix de marché de référence M0 et une couverture relativement protectrice des épisodes de prix négatifs. Le prix de référence marché M0 est la référence de prix marché correspondant généralement aux revenus moyens de la filière par MWh lié à la vente de sa production sur les marchés de gros.

Recommandations de la CRE pour faire évoluer le dispositif à l’avenir

Forte de ces constats, la CRE formule neuf recommandations pour faire évoluer le dispositif à l’avenir, visant notamment à exploiter au mieux les leviers dont disposent les installations soutenues pour optimiser leur profil de production et leur bonne intégration au système électrique français, tout en limitant l’impact sur le budget de l’État.

Une première série de recommandations vise à bien calibrer le prix de marché de référence M0 afin qu’il soit le plus efficient possible. En effet, les installations sous complément de rémunération sont généralement incitées à battre cette référence en produisant davantage lors des heures pour lesquelles cela est le plus utile au système électrique. Dès lors, le bon calibrage du prix de marché de référence est essentiel. Ainsi, la CRE recommande :

  • l’introduction d’une prime de performance annuelle, sans pour autant revenir sur le pas de temps de calcul, en général mensuel, du complément de rémunération ;
  • l’introduction d’une pondération pour certaines filières,
  • la mise en place d’une stratégie de couverture par l’État des volumes soutenus, tout en conservant le prix de référence marché M0 calculé intégralement comme une moyenne de prix spot.

Une deuxième série de recommandations vise à dimensionner correctement la prime pour prix négatifs. La CRE considère que cette dernière a permis d’encourager efficacement la baisse de la production lors des périodes de prix négatifs. Toutefois, pour prévenir toute compensation excessive de l’État, la CRE recommande

  • l’amélioration de son calibrage à court terme (mise en place d’une franchise harmonisée, compensation des installations sur la base d’une estimation plus dynamique de la perte de production) ;
  • la mise en œuvre d’une ou plusieurs expérimentations afin d’être en mesure à moyen terme d’alimenter la réflexion sur une évolution potentiellement plus conséquente de cette prime. Par exemple, une augmentation significative de la franchise d’heures à prix négatifs non compensées (300 heures par exemple) testée sur un appel d’offres portant sur des installations photovoltaïques pourrait par exemple encourager le développement de projets couplant solaire photovoltaïque et batteries et ainsi diminuer la survenance de prix négatifs. Le développement de ces projets couplés permettrait en effet d’améliorer le prix capté par cette filière et ainsi de diminuer le coût du soutien public pour l’ensemble de la filière.

La troisième série de recommandations porte sur des aspects plus techniques, comme la prise en compte de l’énergie corrigée (activations d’énergie d’équilibrage liées à la participation des installations aux services système ou au mécanisme d’ajustement) pour le versement du complément de rémunération, ou encore le retranchement des revenus capacitaires dans les formules du complément de rémunération pour l’ensemble des nouveaux contrats attribué.

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