[Reportage] Une centrale agrivoltaïque aux résultats prometteurs pour la culture des framboises

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Au milieu de l’exploitation « Au Pays des Fraises », à Brumath dans le Bas-Rhin, les ombrières photovoltaïques recouvrent sur un demi-hectare des plants de framboises verdoyants d’environ deux mètres de hauteur. « Ce sont les deux exploitantes, les soeurs Agathe et Rosalie Guth, qui nous ont contactés car elles avaient visité l’un de nos sites équivalents au Pays-Bas, évoque Thomas Domblides, responsable développement solaire chez BayWa r.e. France, auprès de pv magazine France. Avec le soutien de la Chambre régionale d’agriculture, nous avons conçu un dispositif pilote pour vérifier qu’il s’adapte bien au climat continental de l’Alsace, avec ses hivers froids et ses étés chauds, très différent de celui des Pays-Bas ».

En fonctionnement depuis deux ans, le parc solaire déploie ainsi une puissance de 432 kWc, ce qui correspond à 800 kWc à l’hectare. Une plus faible densité que les centrales solaires au sol classiques due aux panneaux photovoltaïques semi-transparents, fabriqués par la société chinoise HT Solar. Ceux-ci ne laissent passer que 45 % de la luminosité, pour s’adapter aux besoins des petits fruits rouges qui poussent naturellement dans les sous-bois à l’abri des rayons du soleil. Six onduleurs de 70 kW chacun complètent l’installation qui a été conçue, financée et construite par le développeur BayWa r.e.. Ce dernier vend l’électricité en gré à gré au prix du marché, via un agrégateur. « Il s’agit d’un projet de recherche, sans recherche de rentabilité au niveau de la production d’électricité », rappelle Thomas Domblides, quand on l’interroge sur l’équilibre économique du site. 

Les panneaux de 300 WC sont conçus par le fabricant HT Solar. Ils laissent passer 45 % de la lumière.

Image : pv magazine

De leur côté, les exploitantes n’ont pas eu à avancer l’investissement pour la construction de la centrale agrivoltaïque, mais elles ne touchent pas de loyer en contrepartie. La culture de la framboise, à très forte valeur ajoutée, se prête bien à ce modèle économique : si un exploitant agricole peut toucher un loyer allant au maximum de 2 000 à 2 500 euros l’hectare mis sous structure agrivoltaïque, à titre de comparaison, la marge effectuée sur la culture de framboises s’élève à 10 000 à 15 000 euros à l’hectare.

Perte de 7 % de rendement

Les premiers résultats, comparant la production des framboises sous les panneaux agri-PV et sous les tunnels plastiques, ont montré une perte de rendement de 7 % pour les premières. Ainsi, une récolte de 920 grammes par canne a été constatée pour les pieds sous panneaux, contre 990 grammes par canne sous les tunnels. Plusieurs hypothèses sont envisagées pour expliquer ce phénomène. Cela pourrait être dû à une moindre luminosité sous les panneaux que sous les bâches en plastique. Ainsi, le 9 juillet 2024, une luminosité de 150 W/m2 a été observée sous les modules, contre 240 W/m2 sous le plastique, ce qui entraîne aussi un développement plus tardif des fruits, décalé d’une dizaine de jours. Autre hypothèse : l’arrosage étant moindre sous les panneaux solaires, du fait d’une évapotranspiration plus faible, l’apport en potasse serait également réduit.

Cela dit, « une baisse de rendement de 7 %, voire 10 %, est tout à fait acceptable pour les exploitantes, car les panneaux photovoltaïques évitent la manipulation des bâches en plastique à chaque saison », assure Thomas Domblides. En effet, il faut tout d’abord compter le coût de l’achat des bâches en plastique, tous les trois à quatre ans. Par ailleurs, la framboise étant sensible aux rayonnements directs du soleil, il faut les badigeonner de chaux. Enfin, chaque automne, elles doivent être repliées pour être stockées pendant l’hiver puis dépliées au printemps. « Toutes ces manipulations supposent la location d’une nacelle et l’embauche d’opérateurs supplémentaires », relate Thomas Domblides. C’est pourquoi, en dépit de la légère baisse de productivité, Agathe et Rosalie Guth envisagent actuellement de faire installer une nouvelle centrale agrivoltaïque sur une autre parcelle de leur exploitation. Cette fois-ci, la superficie pourrait être supérieure pour renforcer la rentabilité économique du projet.

Six onduleurs de 70 kW ont été installés et le site est raccordé en basse tension via un poste public.

Image : pv magazine

Pour s’assurer de la qualité des fruits, un suivi scientifique d’une durée de cinq ans, mené en partenariat avec Planète Légumes Fleurs et Plantes et Berry World, a aussi été mis en place. « Il vise à comparer les performances agronomiques sous ombrières agrivoltaïques avec celles observées sous tunnels plastiques traditionnels, grâce à des capteurs qui mesurent en temps réel la température, l’humidité, la lumière et les besoins en eau, comme l’indique Lilian Boullard, responsable d’équipe maraîchage, conseiller fraises et petits fruits chez Planète Légumes Fleurs et Plantes. Des analyses qualitatives sont également menées concernant la qualité du fruit, son goût et sa teneur en sucre ».

Confort des employés

Les premiers résultats, relevés l’été dernier, montrent que le décalage de début de développement des fruits sous ombrières n’a ensuite aucun impact sur le diamètre des tiges, la hauteur ou la surface foliaire, une fois la maturité atteinte.

Le pilote s’étend sur 0,5 hectare pour une puissance de 432 kWc.

Image : pv magazine

Autre enseignement : les besoins en eau sont réduits d’un tiers, grâce à l’ombrage des panneaux et à la baisse de l’évapotranspiration. En effet, le taux d’humidité est en moyenne 25 points plus élevé sous les modules du fait d’un séchage foliaire plus lent.

Enfin, les panneaux photovoltaïques apportent un intérêt supplémentaire, pour le confort et la santé des cueilleurs. Ce jour-là, alors que la chaleur de l’été s’abat sur l’Alsace, la température relevée sous les panneaux solaires est de 28°C, contre 33°C sous les bâches en plastique. Les jours de grande canicule, la différence peut même atteindre dix degrés. Par exemple, le 9 juillet 2024, une température de 35°C avait été relevée sous l’installation agrivoltaïque, alors qu’elle était de 45 °C dans les tunnels en plastique. Un air irrespirable tant pour les salariés que pour les plantes.

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