Retour sur les tendances de 2022 : les applications (1ère partie)

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Nous avons dénombré tant d’évolutions notables en 2022 que nous avons dû scinder notre article en deux parties. Voici donc sans plus tarder les trois premières tendances en matière de projets et applications PV que nous avons retenues pour 2022 :

Hybridation

Les projets hybrides solaire-éolien ont le vent en poupe dans plusieurs parties du monde, en particulier celles où les processus de raccordement au réseau sont congestionnés, ou qui présentent des pics de production éoliens et solaires inversement corrélés. C’est sans doute en Inde ou aux États-Unis que cette tendance aux projets hybrides s’illustre le mieux. L’une des nombreuses raisons qui poussent l’Inde à s’intéresser de près aux projets hybrides solaire-éolien est leur capacité à atténuer les doutes pesant sur les énergies renouvelables en l’absence de vent ou de soleil.

D’après Vinay Rustagi, directeur général de Bridge to India (BTI), « la popularité des projets hybrides solaire-éolien augmente en raison de leur profil de production électrique plus constant. En Inde, on voit se dessiner une tendance pour les compagnies d’électricité et même pour certaines grandes entreprises à opter pour l’hybride solaire-éolien au détriment du solaire seul, et ce malgré des coûts plus élevés ».

Comme l’a indiqué à pv magazine Jennifer King, ingénieure de recherche pour le National Renewable Energy Laboratory (NREL) des États-Unis, les systèmes hybrides solaire-éolien constituent des outils efficaces pour éviter la congestion des réseaux de transport.

« Il est probable que nous ne puissions pas étoffer les réseaux de transport assez rapidement pour atteindre nos objectifs de décarbonation dans les temps, affirme-t-elle. Les projets hybrides peuvent être un atout, car il s’agit d’un moyen ayant un (relativement) bon rapport coût-efficacité pour bâtir un réseau dans des régions où les ressources ne sont certes pas optimales, mais où a minima le transport existe et la congestion du réseau est évitée ».

Les projets hybrides ne permettent pas seulement aux développeurs de tirer le meilleur parti de leur connexion au réseau ; ils augmentent aussi le flux d’énergies renouvelables apportées plus près de l’endroit où elles sont consommées : c’est la pierre angulaire de l’efficacité et de la stabilité du réseau. En fin de compte, « ce sont les limites du transport qui poussent véritablement l’hybridation sur le devant de la scène. Si le réseau de transport était parfait, nous n’aurions pas besoin des systèmes hybrides », conclut Jennifer King.

L’Europe, continent au réseau également congestionné, commence elle aussi à discerner les avantages des systèmes hybrides solaire-éolien. En Espagne par exemple, l’un des pays à l’avant-garde de ces systèmes, ce sont les économies en termes de dépenses en capital, rendues possibles par le partage de la connexion au réseau, qui séduisent. Plus au nord, au Danemark, l’équipement des centrales éoliennes terrestres avec des installations solaires a déjà commencé. Joachim Steenstrup, responsable des affaires publiques chez Eurowind Energy, a expliqué à pv magazine qu’il n’y a pas de vent au Danemark en juillet, en ajoutant que le soleil n’y brille pas en janvier.

« Ces deux éléments se complètent à la perfection, déclare Joachim Steenstrup. Si nous avions 100 MW d’éolien et 100 MW de solaire se partageant la même connexion au réseau de 100 MW, les pertes ne seraient que de 8 % (pendant les périodes de chevauchement de la production) ; quant à la valeur de ces 8 %, elle serait vraiment négligeable, car l’éolien et le solaire étant tous les deux actifs, les prix de l’électricité dégringoleraient ».

Mais l’hybridation ne se cantonne pas aux installations terrestres, comme l’illustre la tendance suivante.

PV flottant en mer

Le PV flottant, niche désormais bien établie dans le secteur du solaire, ne cesse d’apporter la preuve de son utilité, ce qui rend la pleine mer d’autant plus attrayante. Après tout, un véritable océan s’ouvre au photovoltaïque flottant en mer, et grâce à des développeurs de projets qui repoussent les frontières de la technologie, l’horizon commence à se dégager.

Le PV en mer revêt bien entendu un intérêt particulier aux yeux des pays qui possèdent peu de terres non occupées mais disposent d’un littoral étendu, tels que les Pays-Bas, Malte, le Japon et Singapour.

La membrane de PV flottant d’Ocean Sun.

Image : Ocean Sun

« Dans un endroit tel que Malte, une centrale solaire de 20 MW, et a fortiori de 100 MW, est impensable, explique Luciano Mule’Stagno, directeur de l’Institute for Sustainable Energy et chef de groupe du Solar Research Lab à l’Université de Malte. En revanche, nous pourrions facilement trouver des emplacements adaptés pour plusieurs de ces centrales en mer. Si l’on ajoute à cela le coût du stockage de l’énergie, qui ne cesse de baisser, on peut envisager qu’une île comme celle de Malte puisse s’alimenter exclusivement grâce aux énergies renouvelables (PV flottant plus éolien offshore) d’ici 10 à 15 ans ».

Le PV flottant n’en est encore qu’à ses balbutiements, de sorte que différentes conceptions rivalisent pour la suprématie. C’est le cas de la membrane circulaire flexible de surface d’Ocean Sun, entreprise installée en Norvège, conçue comme un nénuphar géant, et des plateformes triangulaires surélevées du néerlandais SolarDuck, qui sont imbricables.

SolarDuck et son partenaire allemand, la compagnie d’électricité RWE, ont lancé en 2022 Merganser, un projet pilote de 500 kW visant à résister aux tempêtes hivernales de la mer du Nord. Bien que le projet soit encore en cours, SolarDuck a annoncé en novembre 2022 avoir été retenu pour monter un projet de PV flottant offshore de 5 MW en mer du Nord avec la centrale éolienne offshore Hollandse Kust West.

Vue artistique d’une centrale éolienne hybride en mer du Nord, avec la technologie de PV flottant de SolarDuck. Les structures photovoltaïques sont installées à 3 mètres au dessus du niveau de la mer.

Image : SolarDuck

Mini-réseaux en mode îlotage

Les mini-réseaux en mode îlotage forment aussi une tendance qui prend de l’ampleur, notamment dans les régions isolées situées aux extrémités des réseaux électriques ou dans des endroits sujets aux catastrophes naturelles et disposant de réseaux peu fiables. Des mini-réseaux solaires peuvent apporter aux communautés davantage de stabilité et d’indépendance en permettant aux régions vulnérables de s’affranchir de sources d’énergie lointaines, comme on a pu le voir ces dernières années en Australie et en Californie suite aux feux de forêt, ou encore à Porto Rico après le passage d’ouragans. Un mini-réseau en mode îlotage est un système de production d’électricité (solaire) associé au stockage qui est à la fois relié au réseau et capable de s’isoler de ce dernier. Grâce à cette caractéristique, les communautés peuvent apporter la contribution de leur production solaire au réseau sans risquer de se trouver démunies en cas de défaillance de ce dernier.

Jana Ganion est directrice de la durabilité et des affaires gouvernementales pour le Blue Lake Rancheria (BLR), un gouvernement tribal amérindien reconnu par le gouvernement fédéral des États-Unis et situé dans le nord rural de la Californie. Elle le sait d’expérience, les coupures de courant organisées par l’État à titre de précaution durent plusieurs jours. Heureusement, le BLR est doté d’un système pionnier de mini-réseau qui a déjà fait ses preuves à plusieurs reprises en période de crise.

Warda Ajaz, analyste de recherche chez Global Energy Monitor, a étudié de près l’adoption des mini-réseaux aux États-Unis : « Les catastrophes exercent une pression qui sert de déclencheur pour l’adoption des mini-réseaux aux États-Unis. » Et il ne s’agit pas que des incendies de Californie, comme le souligne l’une des personnes interrogées par Warda Ajaz à propos du mini-réseau de l’Université de New York (NYU) à Manhattan : « L’un des exemples les plus frappants [lors du passage de l’ouragan Sandy) a été le black-out dans le sud de Manhattan… [Le mini-réseau de] la NYU était la seule chose qui fonctionnait en centre-ville. Bon nombre de personnes l’appellent le phare dans la nuit de Sandy. Tout à coup, les gens ont commencé à s’y intéresser, et à se dire que cela pourrait représenter une bonne solution à leurs éventuels problèmes de résilience ».

Mais en matière de résilience face aux ouragans, peu de peuples peuvent se targuer d’avoir autant d’expérience que les Portoricains. À la suite de l’ouragan Maria en 2017, puis de Fiona en septembre 2022, ces derniers se tournent de plus en plus vers le solaire, et désormais vers les mini-réseaux en mode îlotage.

Porto Rico produit 70 % de son électricité dans le sud du pays, alors que 70 % de sa population vit dans le nord. Ainsi, lorsqu’un ouragan fait tomber les lignes électriques traversant l’intérieur montagneux de l’île, les réparations peuvent prendre du temps. C’est pourquoi les mini-réseaux de communautés comme celle de Castañer, située dans une région rurale, font office de terrain d’essai pour l’adoption à plus grande échelle des systèmes de mini-réseaux et de leur interconnexion.

Considérer Porto Rico comme un laboratoire pour le redéveloppement d’un réseau n’est pas seulement une belle idée déposant une couche d’optimisme sur une situation catastrophique. En effet, le succès remporté par le mini-réseau de Castañer pendant l’ouragan Fiona a poussé le ministère américain de l’Énergie à utiliser le mini-réseau comme un « laboratoire dynamique » pour que LUMA, entreprise de transport et de distribution d’énergie, étudie la manière dont ce type de ressources décentralisées peut contribuer à rétablir l’électricité après une panne.

La fragilité du réseau portoricain pousse les habitants à se tourner vers le solaire et le stockage de l’énergie.

Image : Wikimedia Commons/Francisco Jose Carrera Campos

Constitué de 225 kW de solaire et de 500 kWh de stockage sur batterie, le mini-réseau de Castañer est le fruit de l’organisation de la communauté et du Solar Business Accelerator Program lancé par le Interstate Renewable Energy Council (IREC) de New York et financé par l’Administration de développement économique du ministère américain du Commerce.

Selon Carlos Alberto Velázquez, directeur des programmes de l’IREC, le succès rencontré par le système de mini-réseau pendant l’ouragan Fiona, pas seulement pour les cinq entreprises locales qu’il alimente mais aussi pour le nœud de résilience qu’il a créé lorsque le réseau s’est effondré, indique qu’il a « déjà été recensé comme un composant essentiel du nouveau réseau, même s’il n’en constitue d’une infime partie ; dans le futur, Porto Rico comptera des centaines de mini-réseaux comme celui-ci ».

Traduction assurée par Christelle Taureau.

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