Loi d’accélération des EnR : quel nouveau cadre pour l’agrivoltaïsme ?

Share

pv magazine France : Quels sont les apports de la loi d’accélération des EnR sur l’agrivoltaïsme ?

François Versini-Campinchi : La loi APER comporte deux volets, d’une part, celui relatif à la nouvelle définition légale, d’autre part celui relatif aux règles d’aménagement.

Du côté de la définition légale, la loi APER a eu pour objet de combler un vide juridique, l’agrivoltaïsme étant, jusque-là, encadré uniquement dans les cahiers des charges de certains appels d’offres CRE ou des rapports de l’ADEME. L’agrivoltaïsme relève désormais du code de l’énergie (articles L. 314-36 à 40) et est défini comme une installation photovoltaïque dont les modules sont situés sur une parcelle agricole où ils « contribuent durablement à l’installation, au maintien ou au développement d’une production agricole ». L’installation doit ainsi apporter un « service » à la parcelle agricole, lié à l’amélioration du potentiel agronomique, l’adaptation au changement climatique, la protection contre les aléas ou le bien-être animal, en garantissant à l’exploitation « une production agricole significative et un revenu durable ». La qualification d’agrivoltaïque implique nécessairement de permettre à la production agricole d’être l’activité principale sur la parcelle et d’être réversible.

L’agrivoltaïsme permet, dans ce cadre, le maintien des aides au titre de la PAC et du FEAG sur le terrain concerné (article L. 314-38).

Le cadre posé par la loi apparaît relativement large et permettrait d’inclure de nombreux types d’installations. Celui-ci doit être précisé par un décret en Conseil d’Etat – dont le premier projet a circulé très récemment – et qui aura pour objet de préciser l’ensemble des caractéristiques mentionnées dans la loi. L’exercice ne sera pas aisé, puisqu’une restriction trop forte conduirait à éliminer des solutions actuellement en place. La réglementation doit réussir l’exercice périlleux de poser un cadre tout en ne bridant pas les initiatives, foisonnantes, de la filière.

Et du côté du volet aménagement ?

Le second volet de la loi APER concerne les contraintes en matière d’aménagement, avec la modification du code de l’urbanisme et l’introduction d’une nouvelle section concernant les « Installations de production d’énergie photovoltaïque sur des terrains agricoles, naturels et forestiers ».

Les installations agrivoltaïques, relevant de l’article L. 314-36 du code de l’énergie précédemment vu, sont considérées comme « nécessaires à l’exploitation agricole » au sens du droit de l’urbanisme, c’est-à-dire au titre des dispositions des PLU (zones A), cartes communales (secteurs où les constructions ne sont pas admises) et du RNU (dans les parties non urbanisées). La loi ajoute que les serres, ombrières ou hangars agricoles supportant des panneaux PV doivent correspondre à une « nécessité liée à l’exercice effectif d’une activité agricole, pastorale ou forestière significative », disposition sue l’on peut considérer comme surabondante par rapport à la définition de l’agrivoltaïsme déjà stricte sur ce point. Cela traduit la défiance persistante des autorités vis-à-vis des installations solaires sur des parcelles agricoles.

D’autant plus qu’à cet encadrement s’ajoute un régime contraignant, d’ailleurs partagé entre les installations agrivoltaïques et les installations « compatibles » avec l’activité agricole. L’implantation d’une installation agrivoltaïque nécessitera ainsi l’avis conforme de la CDPENAF (commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers), ce qui donne une compétence décisionnaire à cette commission, l’autorité compétente ne pouvant plus autoriser sans son accord explicite.

Il est par ailleurs prévu que les autorisations d’urbanisme soient délivrées pour une durée limitée et avec une exigence de permanence d’exploitation des installations, ce qui introduit un contrôle au stade de l’exploitation. A cela s’ajoute la possibilité d’exiger des garanties financières et une obligation de démantèlement, qui donne à ce régime un aspect « ICPE » (je précise ne pas avoir connaissance, à ce jour, d’un projet de classement).

Cela impliquera-t-il sur une autorisation spécifique ?

La réforme de la loi APER n’a pas modifié les aspects permitting du solaire, qui ont fait l’objet, au cours de l’année 2022, de plusieurs évolutions d’ordre réglementaire : la modification du permis de construire (seuil de 1 MW pour les centrales au sol), et de l’évaluation environnementale (cas par cas à partir de 300 kWc, évaluation systématique uniquement pour les centrales au sol de plus de 1 MWc).

L’agrivoltaïsme se développera donc dans le cadre actuel du code de l’urbanisme, avec des installations soumises à permis de construire ou déclaration préalable, à évaluation environnementale et relevant de la compétence du préfet ou du maire, en fonction de leurs caractéristiques propres. Ces règles générales devront être adaptées aux exigences procédurales propres à l’agrivoltaïsme.

On relève que la loi APER introduit une distinction entre les installations agrivoltaïques et les installations « compatibles » avec l’activité agricole qui ne recoupe pas celle, traditionnelle, entre centrale au sol et installation en toiture. Le résultat sera une multiplication des catégories qui pourrait provoquer quelques ralentissements du côté de l’administration, lorsqu’un service sera confronté à une centrale au sol qualifiée d’agrivoltaïque et soumise à déclaration préalable ou, à l’inverse, à une ombrière agricole qualifiée d’installation « compatible », soumise à permis de construire et évaluation environnementale. La rationalisation et stabilité de la filière passera sans aucun doute par une unification des pratiques, dont on constate déjà qu’elles varient selon les départements, chambres d’agriculture et CDPENAF concernés.


François Versini-Campinchi.

Image : LPA-CGR avocats

François Versini-Campinchi, associé au cabinet LPA-CGR avocats. Il intervient principalement en droit de l’urbanisme, droit de l’environnement et les installations classées, le droit électrique, ainsi que dans le droit des marchés publics et la rédaction de contrats complexes dans le domaine public. Il plaide également dans ces domaines devant les juridictions administratives. Il intervient dans le secteur des énergies renouvelables et plus particulièrement dans les secteurs solaire et éolien. Il aide ses clients – y compris les entreprises françaises et internationales, fonds d’investissement, banques – sur la phase de développement ainsi que le financement et l’acquisition de projets. Il a également développé une expertise spécifique sur les montages de projets énergétiques en Afrique.

Ce contenu est protégé par un copyright et vous ne pouvez pas le réutiliser sans permission. Si vous souhaitez collaborer avec nous et réutiliser notre contenu, merci de contacter notre équipe éditoriale à l’adresse suivante: editors@pv-magazine.com.