Industrie solaire française : où sont les femmes ?

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En France, les emplois directs et indirects du solaire photovoltaïques ont bondi de 3 600 en 2020 à 23 300 en 2021. Qu’en est-il de la place des femmes dans cette industrie plurielle et en croissance ? « Nous sommes peu mais nous ne sommes pas seules ! », résume Laetitia Brottier, co-fondatrice et directrice de l’innovation chez Dualsun et vice-présidente du syndicat solaire Enerplan, lors d’un entretien avec pv magazine France.

Il est en fait difficile de mettre des chiffres sur la mixité réelle de la filière en l’absence de statistiques dédiées. En revanche, le bilan est peu réjouissant sur les filières sœurs, qui donnent logiquement le “la” aux métiers du solaire : on comptait environ 28 % de femmes dans le secteur des Industries électriques et gazières en 2017, 12,9 % dans les métiers du bâtiment en 2022, 11 % dans le secteur de l’électricité-électronique, mécanique et maintenance en 2021 et seulement 0,7 % d’électriciennes la même année, …

Des barrières dans les voies d’orientation

Laetitia Brottier est entrée dans l’industrie solaire en 2010, « quand on parlait encore de moratoire », à l’issue d’une formation d’ingénieur. Elle faisait alors partie des 17 % d’étudiantes dans le cursus de cette école prestigieuse, sachant qu’en moyenne, les écoles d’ingénieurs françaises formaient 26,5 % de femmes en 2011, 29,2 % en 2021.

Dans son entreprise, Dualsun, elle regrette de ne pas assurer la parité. « Nous avons des femmes dans toutes les équipes », précise la dirigeante. « Je suis seule dans l’équipe de développement de produit où nous sommes sept. Notre équipe de logistique est représentée par trois femmes sur quatre employés et nous atteignons la parité dans l’équipe numérique ». Côté industrie et technique, ce sont principalement des hommes (même si la cheffe de ligne est une femme) et sur l’aspect commercial, les personnalités féminines sont bien représentées.

Comme pour les autres filières, le manque de mesures adaptées à l’accueil de la petite enfance, à l’égalité effective des salaires et à la précarité des situations professionnelles (indépendants, temps partiels, …), pèse sur l’emploi des femmes. Avec un fait particulier dans le secteur solaire, où les métiers techniques (installateurs, électriciens spécialisés, …) et d’ingénierie (innovation, développement électrique, …) sont sur-représentés. Or, la mixité est déjà très faible dans les formations de ces branches, que ce soit dans les formations initiales ou continues. Sur ce dernier point, des efforts doivent encore être fournis sur l’accès au financement et à l’accompagnement des reconversions des femmes, qui sont trop peu orientées vers les métiers du bâtiment ou de l’ingénierie – notamment en raison de relais de représentations stéréotypées.

Faire évoluer la filière

« Il y a beaucoup de postes à pourvoir dans les métiers de l’ingénierie, de l’installation, sur les réflexions réseau, dans le financement, etc. », explique Laetitia Brottier. D’ailleurs, les jeunes pousses du solaire se féminisent. Dans l’installation, on retrouve Monabee, dirigée par Clara Trévisiol, dans les kits solaires, Oscaro Power avec Marie Juyaux et Marion Perrin, respectivement directrice générale et directrice scientifique, et dans les batteries virtuelles, on peut citer myLight qui est co-fondé et dirigé par Ondine Suavet. Le bureau d’étude TECsol est aussi représenté par sa secrétaire générale Alexandra Pocholle Batlle et l’entreprise de rénovation énergétique Effy par sa directrice de la stratégie Audrey Zermati.

« Ces femmes sont très investies pour faire bouger les lignes sur l’autoconsommation en France, mais je pourrais aussi citer Florence Lambert de Genvia sur le couplage hydrogène ou Béatrice Delpech Enercoop pour les fournisseurs », commente Laetitia Brottier. L’entrepreneuse est aussi militante puisqu’elle s’investit pour faire bouger les lignes de la filière photovoltaïque. Et elle n’est pas seule. En France, on retrouve Sylvie Perrin qui cherche à faire évoluer le cadre et la dynamique des investissements durables avec la Plateforme Verte ou encore Nathalie Croisé, une journaliste qui a mis sa carrière à contribution de la transition écologique et énergétique à travers des initiatives d’information variées.

Même à l’international, les femmes sont présentes dans les comités : « Sur le solaire hybride, dans les comités internationaux (IEA/ comité de labellisation ISO…), je retrouve des chercheuses comme Marta Cañada et Maria Herrando (Espagne), Corry de Keiser (Pays-Bas), explique Laetitia Brottier. De plus, deux des trois projets de recherche européens auxquels DualSun participe sont portés par des femmes: pour H2020 Excess [BEPOS] par exemple, la cheffe de projet est Ingrid Kaltenegger (Autriche), pour H2020 Sunhorizon, c’est Serena Scotton (Italie). Solar Heat Europe et Solar Power Europe sont représentées par des femmes, respectivement Valérie Séjourné et Walburga Hemetsberger. »

Un potentiel inexploité

Dans une industrie en croissance et en évolution rapide (comme ailleurs), le manque de mixité (quelle qu’elle soit) pose toujours la question du potentiel inexploité. « On se prive d’une diversité dans les solutions qui peuvent être envisagées face à une problématique sociale », s’inquiétait Philippe Dépincé, président de la commission Formation et société de la Cdefi (Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs) auprès d’une consœur de Cours Thalès.

Preuve de la bonne volonté mais de l’incapacité de l’industrie à améliorer l’intégration des femmes dans ses rangs : l’accord relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes de la Branche professionnelle des industries électriques et gazières (2019-2023) a été reconduit jusqu’en juillet 2024 « eu égard, d’une part, à la crise sanitaire qui a ralenti la mise en place et le déploiement de certaines actions planifiées dès le début de mise en œuvre de l’Accord, et, d’autre part, à un ordre du jour particulièrement dense sur le plan social en 2023 ». Le document propose un socle d’engagement, des actions à mettre en œuvre, des objectifs et des indicateurs de suivi. Un nouveau champ d’action.

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