Arabie saoudite : le projet d’une ville fonctionnant à l’hydrogène serait commercialement viable

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D’après pv magazine International,

L’Arabie saoudite bénéficie d’abondantes réserves de gaz naturel lui permettant déjà de produire de l’hydrogène grâce à des procédés tels que le reformage du méthane à la vapeur. Selon Alberto Boretti, ancien enseignant-chercheur sénior à l’Université Prince Mohammad Bin Fahd  aujourd’hui installé en Nouvelle-Zélande, le pays peut ainsi ouvrir dès à présent la voie au développement d’une ville fonctionnant entièrement à l’hydrogène tout en œuvrant au renforcement des capacités de production d’hydrogène vert.

Dans un texte publié pour la première fois par le International Journal of Hydrogen Energy, il explique ainsi que Saudi Aramco, compagnie pétrolière saoudienne, est en mesure d’exploiter ces ressources pour proposer des solutions d’hydrogène à bas coût et ainsi faire de la ville 100 % hydrogène un concept à la fois viable financièrement et séduisant dès aujourd’hui.

Saudi Aramco a en effet dévoilé récemment son intention de mettre en place un complexe de production d’hydrogène à Jubail Industrial City, environ 100 km au nord d’Al-Khobar sur la côte du golfe Persique. Ce complexe pourrait être opérationnel d’ici 2027.

Alberto Boretti confie à pv magazine qu’Al-Khobar est la ville idéale pour ce projet, et ce pour plusieurs raisons : production de gaz naturel, niveaux de revenus moyens, emplacement stratégique, important potentiel solaire et éolien, expertise régionale dans le domaine des projets pétroliers et gaziers, objectifs de diversification économique et intérêt marqué pour l’innovation et les technologies.

« La ville 100 % hydrogène d’Al-Khobar pourrait devenir la première ville écologique au monde à être alimentée par un mélange d’hydrogène bleu, blanc et vert, ainsi que par de l’électricité solaire et éolienne », écrit Alberto Boretti, en ajoutant qu’il faudrait utiliser du gaz naturel à la place de l’hydrogène au cours des premières phases du projet. « Dans l’intervalle, la meilleure solution consisterait à renforcer les capacités éoliennes et solaires ainsi que la production d’hydrogène à l’aide d’électrolyseurs. »

L’électricité nécessaire pour répondre à la demande du réseau pourrait être produite par des turbines à gaz à cycle combiné alimentées par un mélange de gaz naturel et d’hydrogène. Les combustibles pour les usages non électriques pourraient eux aussi être produits à l’aide d’hydrogène et de gaz naturel. L’éventuelle production excédentaire d’électricité éolienne et solaire viendra alimenter les électrolyseurs pour produire de l’hydrogène.

Alberto Boretti a présenté deux configurations possibles pour une ville ayant une consommation énergétique de 200 MW. Cette hypothèse, qui sert de point de départ pour estimer les capacités nécessaires, est susceptible d’être corrigée « à mesure que d’autres études sont menées et que la ville se développe ».

Configurations possibles

La première configuration prévoit uniquement la fourniture d’une électricité renouvelable décentralisée. Elle comprend le développement d’une capacité de production d’énergies renouvelables, telles que l’éolien et le solaire, associées à des systèmes de stockage de l’énergie afin d’assurer un approvisionnement fiable en électricité, malgré l’intermittence de certaines ressources renouvelables. Cette configuration nécessiterait le déploiement de 1 GW de capacité éolienne et solaire.

La seconde configuration envisage non seulement la fourniture d’une électricité renouvelable décentralisée, mais aussi la production de combustibles renouvelables supplémentaires, en particulier de l’hydrogène vert. Dans ce cas de figure, la ville aurait besoin de 1,3 GW de capacité solaire et éolienne et d’une puissance moyenne de combustibles renouvelables de 73 MW.

« Outre les infrastructures pour la production et le stockage de l’énergie renouvelable, cette configuration prévoit la mise en place d’installations supplémentaires pour produire de l’hydrogène à l’aide d’électrolyseurs alimentés par des sources d’énergie renouvelables, indique le scientifique. L’hydrogène vert produit peut alors servir à différentes applications : transport, industrie, chauffage… »

La capacité des électrolyseurs atteindrait 997 MW dans les deux cas, mais tomberait à 509 MW en cas d’adoption de batteries en parallèle. « Dans le cas où les batteries ne seraient pas retenues, il faudra aligner la capacité d’électrolyse sur la production excédentaire maximum d’énergie renouvelable, afin d’utiliser la totalité de l’excédent d’énergie disponible pour la production d’hydrogène, affirme Alberto Boretti. Toutefois, si les valeurs aberrantes sont supprimées et que des batteries sont adoptées pour éliminer les variations d’excédent énergétique, la capacité d’électrolyse nécessaire pourra être considérablement réduite. »

Au final, la capacité d’électrolyse dépendrait de plusieurs facteurs, tels que l’efficacité du système de stockage, la fréquence et la durée des périodes de production excédentaire et le niveau souhaité de production d’hydrogène.

Dans son modèle, Alberto Boretti indique que la capacité de stockage de l’hydrogène devrait atteindre 145 000 MWh. « En général, la capacité de stockage de l’hydrogène dépend davantage de la variabilité interannuelle et décennale que de la variabilité saisonnière », dit-il. Le scientifique note que les variations interannuelles de production d’énergie se situent entre +15 % et -15 % pour l’éolien, et entre +6 % et -4 % pour le solaire.

« Un mix énergétique composé à 50 % d’éolien et 50 % de solaire pourrait donner des fluctuations interannuelles de l’énergie totale produite chaque année comprises entre +18 % et -8 % », poursuit-il. Il ajoute que la variabilité interannuelle est susceptible de nécessiter une augmentation plus importante du stockage de l’hydrogène que de la capacité des électrolyseurs.

L’un des facteurs responsables de la hausse de la variabilité saisonnière, interannuelle et décennale de la production d’électricité éolienne et solaire est le dérèglement climatique.

« Le changement climatique pourrait avoir une incidence sur les calculs liés à la production d’énergie renouvelable à bien des égards », affirme Alberto Boretti.

Ainsi, il observe une modification des régimes météorologiques à long terme et l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des événements météorologiques extrêmes.

« Malheureusement, il est difficile de prévoir cette fluctuation des ressources sur le long terme, car il n’y a aucune certitude que les événements passés se répéteront dans le futur avec une périodicité parfaite, si bien que cet exercice ne nous donne qu’une idée approximative des paramètres de stockage », conclut-il.

Les projets dans le golfe Persique

L’Arabie saoudite s’est aussi lancée dans la construction de la plus grande centrale à hydrogène au monde à Neom City, sur la mer Rouge. La centrale, qui devrait être opérationnelle d’ici à 2026, produira jusqu’à 600 000 kg d’hydrogène vert par jour.

Comme le résume Alberto Boretti, « la clé de voûte d’une ville fonctionnant entièrement à l’hydrogène réside dans une approche globale, qui associe l’innovation technologique, des politiques de soutien, un engagement du public ainsi qu’une collaboration entre différents acteurs, afin de créer un environnement urbain pérenne et intégré ».

Selon lui, cette étude pourrait jeter les fondements de projets similaires dans d’autres pays du golfe.

« En adaptant les méthodologies de cette étude à certains facteurs locaux comme la géographie, le climat, la demande en énergie et les contextes réglementaires, des systèmes zéro émission nette de ce type pourraient être conçus et mis en place dans d’autres pays du golfe tels que les Émirats arabes unis, le Qatar, le Koweït, Bahreïn et Oman », explique-t-il.

Dans son courrier, le scientifique table sur un rendement de 75 % pour la production d’hydrogène et de 55 % pour la réutilisation de l’hydrogène pour produire de l’électricité. Un rendement de 75 % signifie que 75 % de l’énergie électrique fournie est effectivement convertie en hydrogène, tandis que les 25 % restants sont perdus sous la forme de chaleur ou d’autres formes d’énergie.

Un taux d’efficacité de 55 % signifie que 55 % de l’énergie stockée sous forme d’hydrogène sera effectivement convertie en électricité, les 45 % restants étant perdus sous la forme de chaleur ou autre.

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