La gestion de l’énergie réactive, clé d’une meilleure stabilité du réseau

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D’après pv international

À mesure que le paysage énergétique mondial s’oriente vers des sources d’énergies renouvelables, la gestion efficace de l’énergie réactive prend une importance capitale pour assurer la stabilité et la fiabilité des réseaux. Le récent rapport de la « Task 14 » du programme de l’AIE sur les systèmes photovoltaïques (IEA-PVPS), intitulé « Gestion de l’énergie réactive avec des sources d’énergie décentralisées » se penche sur les pratiques les plus avancées, les bonnes pratiques et les recommandations pour la gestion de l’énergie réactive dans un contexte d’intégration croissante des sources d’énergie décentralisées (distributed energy resources – DER). Cet article passe en revue les conclusions du rapport, les cadres réglementaires ainsi que les applications pratiques, et met en lumière le rôle essentiel que revêt la gestion de l’énergie réactive pour maintenir la stabilité et l’efficacité des réseaux électriques.

L’importance de la gestion de l’énergie réactive

La gestion de l’énergie réactive est indispensable pour contrôler la tension, garantir une électricité de grande qualité et améliorer la stabilité d’un réseau dans son ensemble. Elle permet d’éviter certains problèmes tels que les harmoniques, les vacillements, les déséquilibres de charges et les oscillations de puissance qui peuvent avoir des répercussions négatives sur la qualité de l’électricité et la capacité à transporter cette dernière de manière efficace. Avec l’intégration croissante des DER comme les systèmes photovoltaïques (PV), ces sources doivent prendre leur part de responsabilité en matière de contrôle de l’énergie réactive. En effet, améliorer la stabilité du système électrique est essentiel pour éviter certains problèmes tels que le délestage et l’effondrement du réseau, et permet en définitive d’augmenter la sécurité et la fiabilité de ce dernier.

Objectifs et objet du rapport

Le rapport de la Task 14 de l’IEA PVPS synthétise les pratiques les plus avancées, les bonnes pratiques et les recommandations en matière de gestion de l’énergie réactive. Il étudie les cadres réglementaires dans plusieurs pays, en soulignant les différentes approches adoptées dans ce domaine. Ce document fournit des enseignements sur l’état actuel de la gestion de l’énergie réactive, ainsi que sur ses perspectives d’avenir, dans un contexte d’intégration croissante des DER et étudie l’efficacité du soutien apporté par différents cadres réglementaires.

Exigences réglementaires et cas pratiques

Le rapport se penche sur les exigences réglementaires dans les pays retenus par la Task 14 et donne des exemples de cas pratique et de travaux menés dans ces pays. Il fait un tour d’horizon des réglementations encadrant l’énergie réactive dans différents pays, en observant de près les règlements techniques vis-à-vis des gestionnaires de réseau ainsi que les cadres qui définissent les obligations en matière de DER connectées en vue de permettre le contrôle de l’énergie réactive. La Task 14 étudie la façon dont ces réglementations influent sur le fonctionnement des réseaux électriques dans le contexte de l’intégration croissante des sources d’énergie renouvelables. À titre d’exemple, nous reprenons ici le cas de l’Allemagne.

Exemple : Règlements techniques de l’Allemagne pour la fourniture d’énergie réactive issue des DER.

En Allemagne, les règlements techniques actuels imposent aux DER de fournir de l’énergie réactive contrôlable pendant les périodes d’alimentation. Ces lignes directrices garantissent que les DER contribuent de manière effective à la stabilité du réseau en fournissant l’énergie réactive nécessaire. Cela permet aux gestionnaires de réseau de distribution (GRD) d’utiliser les DER pour des services supplémentaires. Les obligations varient en fonction du niveau de tension :

  • Basse tension : La norme VDE-AR-N 4105 précise que les DER ayant une capacité ≤4,6 kVA doivent fournir une énergie réactive ayant un coefficient de puissance de 0,95 au minimum, tandis que les DER de plus grande capacité doivent fournir un coefficient de puissance minimum de 0,9.
  • Moyenne tension : La norme VDE-AR-N 4110 exige que les DER maintiennent l’énergie réactive dans une fourchette déterminée lorsque l’alimentation en énergie active dépasse 20 % de la capacité installée, afin de garantir la stabilité au niveau du point de raccordement (PCC).
  • Haute tension : La norme VDE-AR-N 4120 propose trois options pour l’approvisionnement d’énergie réactive en fonction de l’alimentation en énergie active du producteur et de sa capacité. Chaque option précise différents facteurs de puissance surexcités et sous-excités, ce qui permet au GRD de choisir la solution la mieux adaptée à ses besoins. Le GRD peut faire son choix en fonction du contexte propre au PCC de chaque producteur. Les producteurs de haute et très haute tension doivent être en mesure de fournir de l’énergie réactive comprise dans l’une des fourchettes fixées si leur alimentation en énergie active dépasse 20 % de leur capacité totale installée.

Pour toutes les catégories, l’obligation en termes d’énergie réactive est minime ou inexistante lorsque l’alimentation en énergie active est faible. Les différentes capacités exigées en termes d’énergie réactive sont synthétisées dans le Schéma 1.

Obligations en termes d’approvisionnement en énergie réactive pour les DER en fonction des différents niveaux de tension, en Allemagne.

Image : IEA-PVPS

Quelques études de cas

En Allemagne, l’étude de cas se focalise sur la prévision du potentiel de flexibilité au niveau de l’énergie réactive des centrales PV de moyenne tension. L’étude évalue différentes méthodes de prévision et présente un indicateur de fiabilité pour évaluer les prévisions en termes de flexibilité de l’énergie réactive. Les travaux soulignent la nécessité de travailler à partir de prévisions d’une grande fiabilité pour éviter les surestimations et étudient le recours à une réserve d’énergie réactive pour améliorer la fiabilité de ces prévisions. Cela s’applique en particulier aux périodes de faible alimentation en énergie active, comme on l’a vu dans le chapitre précédent, et rappelle l’importance de mettre à jour continuellement les règlements techniques, ainsi que l’indique le rapport sur les services auxiliaires du PV de la Task 14.

Au Japon, la méthode prévoit d’évaluer les performances du contrôle de la tension dans différents scénarios, en tenant compte de l’accroissement de la pénétration du PV. L’étude, menée par un consortium formé notamment de TEPCO Power Grid et de l’Université de Waseda, avec le soutien de la NEDO, a évalué le contrôle de la tension avec un facteur de puissance fixe. Les observations ont mené à l’adoption d’un nouveau règlement technique en 2023, lequel précise que les paramètres du facteur de puissance doivent pouvoir être adaptés en fonction des besoins des GRD, mettant ainsi en relief l’importance de la flexibilité dans les stratégies de contrôle.

L’étude australienne s’est concentrée sur l’efficacité des futures mesures liées au réseau dans les réseaux à faible tension. Elle évalue différents scénarios, notamment les répercussions des politiques climatiques, du déploiement des technologies au niveau régional et des différentes stratégies d’exploitation liées au PV, aux pompes à chaleur et à la mobilité électrique. L’étude a recensé certaines difficultés, par exemple la nécessité d’une analyse détaillée des contributions au contrôle de la Q(V) et l’absence de capacités de simulation d’un réseau à grande échelle, ce qui empêche de bien saisir l’importance de la gestion de l’énergie réactive dans les réseaux de distribution.

Points clés du rapport

Les principaux auteurs du rapport mettent en avant trois points clés à retenir. Tout d’abord, il est nécessaire d’aligner les mises à jour des cadres réglementaires avec les évolutions dans le domaine de l’énergie, de sorte à assurer la résilience et l’efficacité des systèmes énergétiques. Ensuite, le potentiel des DER en tant que source de services d’énergie réactive devrait faire l’objet d’études plus poussées, y compris une plus grande intégration des prévisions de solaire PV. Enfin, une collaboration entre les gestionnaires de réseau de transport (GRT) et les GRD est indispensable à une gestion efficace de l’énergie réactive, laquelle peut être améliorée grâce aux technologies de l’information et de la communication (TIC).

Conclusion de la Task 14 et orientations pour le futur

La Task 14 a pris fin, après 14 années de recherche et développement réussis dans le domaine de l’intégration du PV et de la gestion de l’énergie réactive. Au cours de ses trois phases, le groupe de travail a réalisé des avancées significatives dans la résolution de difficultés techniques, la mise au point de normes et la promotion de bonnes pratiques pour une forte pénétration des systèmes PV dans les réseaux électriques. Mais si la Task 14 arrive à son terme, ses travaux continuent d’influencer les stratégies pour la gestion des réseaux et l’intégration des énergies renouvelables.

Pour ce qui est de l’avenir, la Task 19 va démarrer en 2025 pour prendre la suite de la Task 14, en s’appuyant sur les résultats de cette dernière pour poursuivre sa mission visant à améliorer la stabilité et l’efficacité des réseaux grâce à une intégration accrue des énergies renouvelables. La Task 19 se consacrera à la gestion de réseaux constitués à 100 % de sources d’énergie renouvelable, en intégrant le PV solaire avec l’éolien et en définissant le rôle du PV solaire dans les réseaux d’électricité intelligents.

Retrouvez plus informations sur la Task 14 de l’IEA-PVPS ainsi que toutes ses publications ici.

Traduit par Christelle Taureau.

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