Le scénario Négawatt, la trajectoire d’évolution du mix électrique de l’Ademe, le scénario de l’Ancre (Alliance nationale de coordination de la recherche pour l’énergie), le bilan prévisionnel RTE… Les divers scénarios sur la transition énergétique se multiplient, et sont des supports importants dans les prises de décisions publiques. Mais sont-ils cohérents ? Reposent-ils sur des bases solides ? Sont-ils vraiment neutres ?
Pendant deux ans, l’équipe du Shift Project, think-tank sur la transition énergétique en Europe, a passé au crible une vingtaine d’études prospectives sur le système électrique.
« Nous réaffirmons que les études prospectives sont des outils vitaux pour le débat sur la transition énergétique, et nous pensons que davantage de moyens devraient leur être alloués. Il est nécessaire qu’elles soient plus diversifiées et que leurs processus collectifs de production soient améliorés, afin d’éclairer au mieux le débat », souligne Nicolas Raillard, auteur de l’étude au Shift Project.
« L’évolution du réseau n’est jamais décrite »
La première limite de ces études, qui peuvent remettre en cause les résultats, sont la non prise en compte de certaines lois physiques. Rares sont les études qui traitent de l’épuisement des ressources en matières premières et du changement de l’usage des sols. L’intégrité de la biosphère n’est jamais traitée. Les flux énergétiques ne sont pas correctement comptabilisés entre la production économique et la demande énergétique. Par exemple, la demande d’énergie n’est pas reliée physiquement à la consommation d’énergie occasionnée par le système énergétique lui-même.
Dans certains scénarios, la stabilité de la fréquence du réseau électrique (équilibre instantané entre l’offre et la demande) n’est pas garantie. Ce qui pourrait mener à des coupures de courant. Seules quelques études évaluent la quantité de réserves, et abordent de manière qualitative l’inertie. « Plus globalement, l’évolution du réseau de distribution n’est jamais décrite précisément, ce qui peut constituer une limite majeure », prévient le Shift project.
Les hypothèses de PIB sont similaires. « Cette uniformisation empêche de penser des scénarios qui pourraient arriver », ajoute Nicolas Raillard. Enfin, les études sur les changements de comportement sont très peu explorées.
Outre des recommandations à l’attention des scénaristes concernant par exemple la transparence sur chaque aspect clé de la transition ou encore favoriser la mise en commun des travaux pour accroître la diversité des hypothèses clé, le Shift s’associe à deux autres think-tanks (I4CE et l’IDDRI), pour réaliser un référentiel pédagogique des études, un cadre d’analyse commun et ouvrir à d’autres scénarios.
Auteur : Aude Richard
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