20 % de performance en plus et 25 % de coûts en moins pour les modules, en 15 mois

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Lorsque j’étais encore rédacteur en chef de pv magazine, j’ai été invité à un petit-déjeuner lors de la conférence EU PVSEC. Le thème polarisait : 300 GW par an d’énergie photovoltaïque dans le monde en 2025 et 200 GW au total en Allemagne. Comme on peut le voir aujourd’hui, les prévisions étaient trop prudentes pour l’Allemagne, mais elles étaient en général sur la bonne voie. À cette époque, beaucoup estimaient que ces chiffres étaient absurdes car beaucoup trop élevés ; ils ne pouvaient pas imaginer la tempête de l’énergie photovoltaïque qui sévit depuis plusieurs années.

2012 : un environnement difficile pour une grande vision

Les nombreuses consultations menées par l’industrie en 2011 ont suscité des réflexions sur la vision à moyen terme : jusqu’où peut aller l’énergie photovoltaïque mondiale ? Qu’est-ce qui est nécessaire/réaliste pour la transition énergétique en Allemagne ? J’avais compilé quelques considérations préliminaires pour une présentation à la conférence Semicon à l’automne 2011 à Dresde. Le nombre de modules était surprenant à cette époque. Précisément à cause de cette année très difficile, nous avons décidé de présenter les perspectives de manière claire et sans équivoque, et notre prévision de 300 GW a fait l’objet de débats animés lors de cette rencontre, ainsi qu’au forum Solarpraxis en novembre 2012. Certains représentants de l’industrie qui étaient anxieux et craintifs depuis des années (et le sont toujours) ont mis en garde contre le fait d’effrayer les politiciens avec des chiffres aussi élevés. Cependant, cela a seulement conduit les politiciens à avoir peu confiance dans le fait que l’énergie solaire serait capable de générer la quantité d’énergie nécessaire. Comme nous le savons aujourd’hui, ce chiffre atteint plus de 400 GW seulement en Allemagne.

Restons brièvement en 2012 pour montrer le chemin parcouru par l’industrie solaire allemande et mondiale depuis : en 2012, 31 GW ont été installés, dont 7,6 GW en Allemagne, malgré la forte baisse des tarifs d’achats décidée par le gouvernement et mise en place février de cette année. La raison de ce rally allemand en 2012 était la chute massive des prix des modules due au progrès mondial et à la surcapacité, ainsi qu’à un taux de change élevé de l’euro. En même temps, toutefois, cela a entraîné des pertes brutales dans la chaîne de production, et par conséquent de nombreuses faillites d’équipementiers photovoltaïques, des insolvabilités et des acquisitions d’entreprises, le cas le plus marquant ayant été l’insolvabilité de Q-Cells. Le leader du marché photovoltaïque depuis 2008 a alors été vendu à Hanwha Chemical Corporation. Mais c’était la pointe de l’iceberg. Rien qu’en 2012, le cabinet d’études de marché Mercom Capital a enregistré 35 faillites et insolvabilités, ainsi que 50 mesures de restructuration et de réduction du personnel. Mercom soulignait notamment des licenciements chez SMA et de la cessation de Schott dans la production de modules de silicium cristallin. L’Europe a été encore plus touchée, en particulier dans la production de wafers. En 2012, REC ASA a dû fermer trois usines de wafers en Norvège, tout comme Schott et PV Crystalox ont cessé la production de wafers en Allemagne.

Années difficiles dans l’UE, progrès mondial brutal

Les années suivantes ont été difficiles pour l’industrie solaire en Allemagne et dans l’Union européenne. Les tarifs antidumping mis en place en 2013 ont massivement endommagé toute la chaîne de valeur, les gouvernements n’étant plus disposés à subventionner ce qu’ils considéraient comme une énergie trop chère. Ce n’est qu’avec l’élimination de ces tarifs inutiles sur les modules et les cellules solaires qu’une reprise rapide a pu avoir lieu en 2018 (Solarworld a fait faillite à deux reprises malgré des tarifs massifs aux États-Unis et dans l’UE, puis a disparu). Les premiers projets solaires sans subventions publiques sont alors devenus possibles.

Les marchés et les capacités de production ont augmenté chaque année dans le monde depuis 2012 et, depuis 2016, nous avons connu une avancée décisive en termes d’efficacité et de coûts. En 2019, malgré la faiblesse de la Chine, on s’attend à un volume de marché mondial de plus de 100 GW. D’ici 2023, les analystes de PV Infolink s’attendent à ce que la capacité de production mondiale atteigne près de 250 GW. Parallèlement, l’efficacité augmente et les coûts sont réduits grâce à une série d’innovations techniques. La longue domination des modules polycristallins a rapidement pris fin. La technologie mono est la nouvelle norme. Et demain, le bifacial le sera probablement aussi. Certains fabricants proposent déjà ces modules avec des feuilles arrière transparentes presque aux mêmes prix que les modèles classiques. Cela réduit encore les prix de l’énergie solaire et, par conséquent, ouvre de nouveaux marchés presque automatiquement. Il y a donc de fortes chances pour que les 300 GW par an arrivent en 2025 (ce que nous verrons tous à la fin de 2025…).

La tempête photovoltaïque revient en Europe

Jusqu’à l’automne 2018, l’UE était loin d’être l’un des centres de production les plus vastes et les plus efficaces au monde. Les tarifs antidumping nous ont également exclus d’un plus grand nombre d’innovations techniques. Depuis le début de l’année, la situation a toutefois changé.

Les prix des « modules mainstream » (produits en grandes quantités) sont passés d’un peu moins de 30 centimes d’euro/Wc à 23 centimes d’euro/Wc – et, dans l’état actuel des choses, ils devraient encore baisser en 2020. Les modules mono-PERC fournissent désormais nettement plus de puissance par module que le module poly, qui a rapidement vieilli.

Lorsque on est passé de modules poly à des modules mono-PERC, les performances par mètre carré ont rapidement augmenté.

Qu’implique l’augmentation rapide des performances en termes de coûts ?

Il est clair que les câbles, les systèmes de montage et le travail n’augmentent pas et ne deviennent pas plus chers du fait qu’un module accroît sa performance de 15 à 20 %. Spécifiquement (par watt crête ou par kilowatt installé), ces coûts sont automatiquement réduits. La prochaine conversion à 1500 volts dans le domaine des centrales au sol réduira davantage les coûts. Les nouveaux formats de wafers et l’utilisation de modules plus volumineux (avant : 72 cellules au lieu de 60, maintenant 144 cellules au lieu de 120 voire plus), qui commencent enfin à être utilisés dans l’UE, permettront de réduire encore les coûts sur le terrain.

De plus, l’électronique de puissance est de plus en plus efficace et économique, et dans ce cas également, les progrès sont continus.

À l’échelle mondiale, il y a également de plus en plus d’appels d’offres pour de plus grands systèmes solaires et pour le stockage. En septembre, à la suite d’un appel d’offres en Californie, on a obtenir le résultat suivant : 200 MW d’énergie solaire et de capacité de stockage pendant 4 heures à 3,9 centimes de dollar le kWh (3,5 centimes d’euros). L’installation de stockage était proposée à 1,33 centime US/kWh. Dans le secteur du stockage également, les signes indiquent que les grands systèmes sont beaucoup moins chers – les conditions générales d’utilisation et d’approvisionnement en énergie solaire et éolienne doivent bien sûr être bonnes.

Que signifient les gains d’efficacité pour la transition énergétique en Allemagne ?

Bien sûr, une électricité de plus en plus bon marché rend la transition énergétique plus abordable. L’augmentation de l’efficacité des équipements solaires améliore le rendement de l’utilisation des terres. Les quelque 50 GW installés aujourd’hui en Allemagne pourraient atteindre près de 100 GW dans un avenir proche, à condition que nous utilisions les ressources disponibles dans les décennies à venir. Pour répondre à la demande nette d’électricité actuelle, recouvrir de panneaux seulement 2 % environ des terres agricoles allemandes serait nécessaire. Ces zones seraient alors le paradis de la biodiversité. De nouveaux produits seront également développés à partir de cellules bon marché ainsi que de nouveaux concepts d’intégration au bâti, ce qui permettra d’utiliser cet énorme potentiel. Cela prendra un peu plus de temps et d’énergie que les projets au sol, mais cela se produira certainement car les avantages de leur utilisation pour la production d’énergie sur site sont très clairs.

Le solaire fait déjà son travail

L’énergie solaire fait son travail – dans toute l’UE – à un coût inférieur à celui de l’énergie fossile ou nucléaire. C’est déjà le cas aujourd’hui et chaque année, nous continuerons à faire plus et mieux. Non seulement d’une manière qui respecte l’environnement, mais aussi en protégeant les espèces et les sols.

Conditions-cadre, conditions-cadre, conditions-cadre

L’économie veut de l’électricité verte bon marché, et les citoyens le veulent aussi. Elle est disponible grâce aux centrales solaires et éoliennes et doit maintenant être développée beaucoup plus rapidement. Comme le gouvernement allemand, entre autres, l’a convenu avec l’UE. Il s’agit maintenant de mettre en place les bonnes conditions-cadres, et non de contester les montants en cents des subventions de l’EEG (loi qui définit les tarifs d’achat). Nous y travaillons plus intensément que jamais au Bundesverband neue Energiewirtschaft (nouvelle agence allemande de l’énergie).

 

Karl-Heinz Remmers a éte le fondateur de pv magazine et est actuellement directeur de la société de services et de produits photovoltaïques Solarpraxis.

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