Recenser les pratiques pour développer l’agrivoltaïsme durable

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Le développement de parcs solaires, en France comme à l’étranger, est en plein essor. Et pour cause : l’Union Européenne se fixe ainsi un objectif contraignant d’au moins 27 % d’énergies renouvelables dans sa consommation énergétique à horizon 2030.

La France prend sa part : néanmoins, la problématique foncière amène de nombreux projets à se développer sur des terres agricoles. Entre une terre destinée à une production agricole, qu’il convient stratégiquement de préserver, et une terre destinée à une production énergétique, qu’il convient d’encadrer pour son développement durable, la concurrence se fait rude. Comment faire en sorte que développement énergétique ne rime pas avec consommation d’espaces agricoles ? Comment soutenir des projets alliant durabilité agricole et potentialité de production d’énergie renouvelable ? Au-delà de cette opposition à voir des terres agricoles être utilisées pour produire des énergies renouvelables, et donc venir concurrencer la production agricole primaire, d’autres voies existent. Dès lors, pourquoi choisir ?

Double défi

Cette co-activité s’appelle l’agrivoltaïsme. Compte-tenu des combinaisons variées entre photovoltaïque et agriculture, certains parlent aussi d’agri-solaire, photovoltaïsation des terres agricoles, agrophotovoltaïque. L’agrivoltaïsme consiste à associer la production d’électricité par une installation de panneaux photovoltaïques à des pratiques agricoles sur un même site (élevage, vigne, production maraîchère, grandes cultures et autres activités agricoles…). Tandis que le photovoltaïque sur les terres non agricoles et les friches connaît un développement conséquent mais fatalement limité à terme, l’activité agrivoltaïque relève le double défi de préserver la destination agricole tout en apportant un élément de réponse au réchauffement climatique et ses conséquences (apparition de périodes plus arides et chaudes, augmentation des aléas climatiques et épisodes violents, adaptation des pratiques,…) et la production d’énergie solaire.

En plein essor

Encore peu développé car complexe sous bien des aspects, l’agrivoltaïsme combine donc évolution des pratiques agricoles et évolution du matériel photovoltaïque. Malgré les contraintes, il est en plein essor grâce à la volonté présente sur le terrain, à la fois des développeurs et des agriculteurs.

Jusqu’alors, aucune étude ne venait référencer ce nouveau modèle, les expériences diffusées,  clarifier l’état de cette filière et apporter des éléments pour que des décisions puissent être prises de manières éclairées. Compiler ce qui se pratique déjà à travers le monde était devenu indispensable pour connaître précisément « comment produire à l’ombre de panneaux photovoltaïques » : données sur les productions agricoles ; rendements ; productions adéquates ; adaptation des parcs solaires (densité, type de panneaux, inclinaison, mobilité,..) ; contraintes et  bénéfices inattendus.

Recensement inédit

Deux entreprises françaises investies dans l’accompagnement de projets agricoles et développement durable se sont donc attelées à la tâche. Plus de 60 réalisations ont été recensées à travers le monde afin d’atteindre un double objectif : dépassionner les débats et contribuer à faire naître de nouveaux modèles agricoles, où le photovoltaïque peut venir soutenir un modèle de développement économique durable d’exploitations agricoles.

Ce recensement est né d’une compilation minutieuse de réalisations en productions animales (en grande majorité ovin) ou végétales (arbres fruitiers, vignes, céréales, maraîchage,…). Il a été publié en février dernier. D’après les réalisations étudiées, la présence de panneaux photovoltaïques au-dessus de cultures a deux principales incidences directes : la réduction de l’ensoleillement de la culture 
et la réduction du contact entre la culture et l’eau de pluie. 
En fonction de la culture, du climat, de la période de l’année, ces effets peuvent être bénéfiques ou négatifs.

Cette compilation se veut la plus exhaustive possible mais elle restait limitée à ce qui peut se trouver dans la littérature de recherche, dans les publications, dans des communiqués, reportages ou sites internet en lecture libre. Elle a donc été partagée avec l’ensemble des acteurs agricoles et photovoltaïques, sans contrainte, ni contribution financière, en laissant apparaître l’ensemble des sources ayant permis de réaliser ce travail de recensement.

Une chose est certaine : l’intention de l’agrivoltaïsme de faire perdurer, de manière pérenne, les deux activités grâce à l’intérêt réciproque qu’elles peuvent tirer de la situation, est noble et judicieuse face aux défis environnementaux et agricoles. Bien préparée et suivie dans un esprit gagnant-gagnant, la co-activité agrivoltaïque s’affirme comme une opportunité pour les agriculteurs comme pour les territoires.

Gagnant-gagnant

Un projet agrivoltaïque est par définition durable puisque la somme des deux activités (agricole et énergétique) est supérieure à l’une ou l’autre prise individuellement. Cet inventaire des projets n’en est alors qu’à son début : il est amené à être complété et toutes les contributions pour faire accroitre le socle de connaissances seront les bienvenues.

Disposer d’un recensement le plus fourni possible des projets existants, ainsi que des retours d’expérience, devient un levier fort de développement pour les deux filières. En amont des projets, la meilleure connaissance du sujet permettra aux opérateurs d’adapter les projets à la fois aux contraintes techniques liées à la production agricole et à la production photovoltaïque. Ce travail facilitera l’accord des parties prenantes d’un territoire autour d’un projet agricole et d’énergie durable. En aval des projets, un suivi pourra être proposé afin de garantir leur durabilité dans le temps et d’augmenter la base de données techniques entrant dans le recensement des projets agrivoltaïques. La démarche de recensement va contribuer à l’essor des projets agrivoltaïques gagnant-gagnant, pour l’agriculteur comme pour le territoire.

Blandine Thuel et Sébastien Faïsse

 

À propos des auteurs

Sébastien Faïsse est co-gérant d’ARTIFEX, bureau d’études et de conseil en environnement. Artifex est une société d’ingénierie et de conseil environnemental dont la vocation est de rendre durable l’exploitation des ressources agricoles, énergétiques, naturelles, minérales et industrielles, tout en veillant au mieux au respect du cadre de vie du territoire.

Blandine Thuel est la fondatrice d’Acthuel. Acthuel, créée en 2009, est un cabinet de conseil agricole qui a pour objectif de renforcer les actions de développement économiques durables des structures ciblées, l’appui sur la réflexion stratégique, la mise en œuvre d’études de marché et l’appui au positionnement du client.

Les deux entreprises sont basées dans le Tarn. Elles partagent la même vision d’une agriculture pérenne et responsable, socialement acceptable et économiquement rentable. Elles collaborent sur de nombreuses dossiers, alliant leurs compétences complémentaires au service de projets durables.

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