Total revoit ses ambitions de neutralité carbone à horizon 2050

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Total a enchaîné les annonces ces derniers jours : après avoir publié les résultats financiers du premier trimestre, le groupe a livré sa nouvelle Ambition Climat pour atteindre la neutralité carbone à horizon 2050.

Sans surprise, car fortement impacté par l’effondrement de la demande de pétrole lié à la pandémie de coronavirus, le résultat opérationnel net du groupe a diminué au premier trimestre 2020. Subissant une baisse de 33 % par rapport au premier trimestre 2019, il atteint 2300 millions de dollars, le résultat net ajusté du groupe s’établissant à 1781 millions de dollars.

Cette baisse n’a cependant pas affecté le secteur de l’électricité bas-carbone du groupe dont l’objectif est de devenir un « groupe multi-énergies ». Dans ce domaine, Total a accéléré sa croissance en entrant dans des projets renouvelables représentant une capacité totale brute de plus de 6 GW. En ce qui concerne le photovoltaïque, le groupe a en particulier acquis 50 % d’un portefeuille de 2 GW de projets en partenariat avec le groupe Adani en Inde, conclu un accord au Qatar pour la construction d’une centrale de 800 MW et est entré sur le marché espagnol en acquérant un ensemble de 2 GW de projets.

Si le groupe, qui dispose à l’heure actuelle d’une capacité brute installée renouvelable de 3 GW (+ 68 % sur un an), a décidé de réduire les investissements nets de près de 25 % pour les limiter à 14 milliards de dollars cette année, il entend poursuivre sa stratégie de développement dans l’électricité renouvelable et maintient son niveau d’investissements à 1,5 – 2 milliards de dollars par an.

Nouvelle Ambition Climat pour atteindre la neutralité carbone à horizon 2050

Mi-avril, onze actionnaires du groupe Total ont déposé une résolution « climat » auprès du conseil d’administration, demandant au groupe pétrolier et gazier d’aligner ses activités sur les objectifs de l’Accord de Paris, et notamment de fixer les objectifs de réduction en valeur absolue des émissions, directes ou indirectes, de gaz à effet de serre de ses activités dans ses statuts. Le conseil d’administration de Total a annoncé aujourd’hui qu’il ne donnait pas son agrément à cette résolution, qui sera discutée à la prochaine assemblée générale le 29 mai, considérant que la nouvelle ambition Climat pour atteindre la neutralité carbone à l’ horizon 2050 rédigée avec la coalition « Climate Action 100+ », dont les participants possèdent plus de 25 % des actions de Total, répondait « largement » aux objectifs poursuivis par ces 11 actionnaires (qui ne détiennent, eux, que 1,37 % environ du capital).

En effet, Total a publié hier sa nouvelle Ambition Climat pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Elle concerne l’ensemble de ses activités, de la production jusqu’à l’utilisation par ses clients de ses produits énergétiques vendus. « Total prend donc l’engagement d’atteindre la neutralité carbone pour l’ensemble de ses activités en Europe. Au moment où Total adopte le statut de société européenne, le Groupe montre ainsi sa volonté d’être un citoyen européen exemplaire. Total s’engage également à apporter son soutien actif à l’Europe pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 et travaillera de concert avec d’autres secteurs pour permettre la décarbonation de la consommation d’énergie », déclare Patrick Pouyanné, le président du Conseil d’administration de Total. Plus précisément, le groupe a défini trois axes pour atteindre ces objectifs de neutralité carbone, à savoir :

  • Un objectif de neutralité carbone (Net Zero Emissions) pour les opérations mondiales de Total en 2050 ou avant : scope 1 (les émissions directes provenant des sources détenues ou contrôlées par le groupe (combustion des sources fixes et mobiles, biomasses…) + 2 (les émissions indirectes liées à l’énergie (associées à la production d’électricité, de chaleur ou de vapeur acquise pour les activités du groupe)) ;
  • Un engagement de neutralité carbone (Net Zero Emissions) en Europe pour l’ensemble de sa production et des produits énergétiques de Total utilisés par ses clients en 2050 ou avant : scope 1+2+3, à savoir toutes les émissions directes et indirectes, ainsi que les émissions liées à l’achat de matières premières, aux déplacements des salariés ou encore à l’utilisation et fin de vie des produits et services vendus ;
  • Une ambition de réduction de 60 % ou plus de l’intensité carbone moyenne des produits énergétiques de Total utilisés dans le monde par ses clients d’ici 2050 (moins de 27,5 gCO2/MJ) avec des étapes intermédiaires de 15 % en 2030 et de 35 % en 2040 : scope 1+2+3.

Pour Patrick Pouyanné, « les marchés de l’énergie évoluent, tirés par le changement climatique, les technologies et les attentes de la société civile. Total s’engage à contribuer activement à relever le double défi consistant à fournir plus d’énergie avec moins d’émissions. »

Parmi les objectifs fixés, Total confirme aussi son ambition de disposer d’une capacité de production d’énergies renouvelables de 25 GW en 2025 « et poursuivra son développement pour devenir un acteur international majeur dans les énergies renouvelables », déclare le groupe en précisant qu’il augmentera la part de ses investissements dédiés à l’électricité bas-carbone pour atteindre 20 % d’ici 2030 ou plus tôt. Il ajoute aussi qu’il alloue aujourd’hui déjà plus de 10 % de ses Capex à l’électricité bas-carbone, « niveau le plus élevé parmi les majors ».

Selon Valentina Kretzschmar, la vice-présidente de la Corporte Research de Wook Mackensie, Total  relève de manière significative ses objectifs. « Total a accompli des efforts de transition énergétique parmi les majors, et  a effectué les plus gros investissements, représentant près de 60 % du total des montants de fusions-acquisitions des Majors européennes dans les énergies renouvelables, soit près de 5 milliards de dollars depuis 2016. L’engagement plus fort de la société pour atteindre les objectifs en matière de carbone montre sa stratégie inébranlable de diversification vers les énergies propres, malgré les faibles prix du pétrole et la mise en œuvre de mesures de réduction des coûts dans l’ensemble de ses activités pétrolières et gazières. »

Mais ces mesures sont cependant jugées insuffisantes par les ONG Greenpeace et Reclaim Finance. Qualifiant les nouvelles ambitions de Total de « nouveau rendez-vous manqué au regard de l’urgence climatique » ou encore de « manœuvre ». Les ONG regrettent que le scope 3, celui qui représente la grande majorité des émissions (dont l’utilisation des produits vendus tels que le pétrole et le gaz) ne soit qu’en partie concerné par l’engagement de neutralité carbone puisque, dans ce domaine, son ambition ne s’applique qu’à l’Europe. En effet, Total annonce un objectif de neutralité carbone d’ici 2050, mais uniquement sur les scopes 1 et 2 au niveau mondial.

« Autrement dit, Total ne vise pas la neutralité carbone sur la totalité de ses activités et la totalité des produits qu’elle vend – une aberration alors que le développement de ses activités se fera à l’avenir principalement hors d’Europe », déclarent les ONG.

Elles soulignent par ailleurs que, l’Europe ayant déjà pris la voie de l’électrification, les ventes de pétrole pour usage final y ont baissé de 40 % depuis 2010, tandis qu’elles ont progressé de 60 % dans le reste du monde.

Elles enjoignent Total de présenter une trajectoire zéro émission nette sur les scopes 1, 2 et 3 au niveau mondial, accompagnée d’une véritable feuille de route comprenant des objectifs de court, moyen et long termes de réduction de la production en hydrocarbures. « En refusant d’initier une véritable transition énergétique, Total condamne son entreprise et menace l’avenir de ses salarié·es », concluent-elles.

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