Opération pédagogie du ministère sur la « bulle » photovoltaïque 2006-2010

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Dans un communiqué publié à l’issue du vote de l’Assemblée nationale en première lecture de l’amendement gouvernemental révisant les tarifs d’achats de 2006 à 2010, le MTE a publié un long communiqué pour expliquer la mesure rétroactive qui va être mise en place.

Le MTE rappelle que « les tarifs d’achats garantis aux producteurs sont déterminés pour permettre une rémunération à la fois raisonnable et suffisante des investisseurs. Afin de soutenir le décollage de la filière photovoltaïque en 2006, l’Etat a adopté un tarif de soutien au photovoltaïque dix fois supérieur au prix de marché (de l’ordre de 600 €/MWh), garanti sur une durée de 20 ans (tarif déterminé au regard des coûts d’investissement de l’époque). Entre 2006 et 2010, ces coûts ont été divisés par quatre pour les centrales au sol ou les grandes toitures, sans que le tarif ne soit suffisamment réévalué : cette situation a conduit à l’explosion de la rentabilité des projets. »

Ainsi, « certains segments de marché bénéficiaient d’une rentabilité excessive avec un « taux de rendement interne supérieur à 20% », correspondant à une rentabilité des fonds propres pour l’actionnaire pouvant atteindre 80%. »  Le MTE signale que si « la modification du tarif en 2010 a mis fin à cette situation anormale, mais n’a eu aucun effet rétroactif sur les projets qui avaient signé des contrats d’achat entre 2006 et 2010 : il existe aujourd’hui environ 235 000 contrats qui bénéficient de ces tarifs particulièrement avantageux. »

« Ce stock d’anciens contrats (puissance installée de 3,6 GWc) représente moins de 1% de la production d’électricité nationale (5% de la production d’électricité renouvelable), mais concentre le tiers du soutien public aux énergies renouvelables, soit près de 2 milliards d’euros par an, pendant encore une dizaine d’années, soit un cumul de 20 milliards d’euros qui reste à verser. » C’est là que le bâts blesse, pour le MTE.

Tous les contrats pas révisés

Mais attention, insiste le MTE, tous les contrats ne sont pas concernés par la révision, seules quelques centaines (la ministre, Barbara Pompili, indiquait à l’Assemblée nationale la semaine dernière 800 environ) : « Toutes les installations petites et moyennes de moins de 250 kWc ne seront pas concernées : ce seuil exclut toutes les installations des particuliers (moins de 9 kWc), ainsi que la quasi-totalité des installations agricoles qui sont en dessous de ce seuil et qui ne seront donc pas impactées. »

En outre, le ministère précise que si les contrats concernés seront bien revus à la baisse, aucun remboursement des aides déjà perçues ne sera exigé et un traitement particulier des zones non interconnectées (ZNI) sera effectué.

Reste que « les exploitants et leurs financeurs devront probablement revoir leurs plans de financement », concède le MTE.

En outre, grâce aux économies réalisées, de nouveaux projets de production d’énergie renouvelable pourront bénéficier d’un soutien pour accompagner leur développement.

Enfin, « après concertation avec la filière (ce que conteste la filière, voir ci-après, ndlr), indique le MTE, le gouvernement a également intégré une clause de sauvegarde et d’examen au « cas par cas » : il s’agit de couvrir les situations dans lesquelles la réduction du tarif serait de nature à compromettre la poursuite de la production. Dans ce cas, des aménagements pourront être consentis pour éviter ce risque, après analyse contradictoire par la Commission de régulation de l’énergie (CRE). En particulier, les contrats d’achat pourront être allongés dans ce cadre.

Le gouvernement tient à souligner que cet ajustement portant sur quelques centaines de contrats à la rentabilité hors norme ne marque en aucune façon une volonté plus générale de revenir sur ses autres engagements relatifs aux énergies renouvelables, qui sont massifs : plus de 110 milliards d’euros d’engagements à couvrir sur les 20 ans à venir. Cette mesure rectifiant une anomalie manifeste n’a donc aucune raison d’avoir le moindre impact sur le financement des projets d’énergies renouvelables. Tous les nouveaux dispositifs de soutien ont été notifiés auprès de la Commission européenne, ce qui signifie que le niveau de rémunération a fait l’objet d’une validation formelle au niveau communautaire. Les nouveaux projets d’énergies renouvelables s’appuient donc sur des contrats d’achat juridiquement solides, qui ne peuvent être remis en cause. »

Et le MTE d’insister sur les mesures favorables aux énergies renouvelables prises par le gouvernement entre 2020 et 2021, plus particulièrement avec le lancement de nouveaux appels d’offres pour financer plus de 10 GWc d’installations solaires photovoltaïque au cours des cinq prochaines années.

Réactions toujours négatives de la filière

« Dénonçant la gestion erratique du développement de la filière par l’État qui impose aujourd’hui une refonte du système », le CLER-Réseau pour la transition énergétique « appelle le gouvernement à la prudence, en privilégiant les renégociations concertées et progressives. »

De son côté, le Syndicat des énergies renouvelables, « regrette ce vote et appelle maintenant le Sénat à rejeter une mesure élaborée et présentée à la représentation nationale de manière biaisée. » Et le SER d’ajouter que : « outre qu’il a soumis son amendement – fondé sur de pures affirmations, sans étude d’impact ni chiffrage budgétaire – au débat parlementaire dans des délais extrêmement resserrés, le gouvernement ne peut en effet se prévaloir d’une véritable concertation avec la filière pour son élaboration. Les quatre semaines qui ont été accordées à celle-ci (d’ailleurs en réaction à sa mobilisation, et non de façon proactive) constituent en effet un délai notoirement insuffisant de négociation sur une mesure d’une telle portée, et n’ont donné lieu au final qu’à l’indifférence envers les contre-propositions avancées par les acteurs, qui n’ont cessé d’alerter les pouvoirs publics sur le caractère inefficace, irréaliste et dangereux du projet qui leur était annoncé. Il est en particulier trompeur de déclarer devant l’Assemblée nationale que la clause de sauvegarde prévue dans l’amendement serait issue de cette concertation. »

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