[Colloque SER 2021] Les outils réglementaires manquent pour accélérer l’intégration du photovoltaïque sur bâtiment

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Lors de la 6ème édition du Colloque national photovoltaïque organisée par le Syndicat des énergies renouvelables (SER), Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union Sociale pour l’Habitat (USH), l’a assuré : la volonté de développer le photovoltaïque sur bâtiment est là. « Il y a des entreprises, des bailleurs sociaux, des promoteurs immobiliers qui ont envie d’investir dans le solaire et de participer au mouvement de croissance des énergies renouvelables, a-t-elle observé. On réfléchit tous à l’usage de nos toitures ou de nos fonciers dégradés pour répondre à ces enjeux. Mais à côté de ça, on a énormément de freins pour pouvoir le faire ».

Les commerçants contraints de brider leurs centrales solaires

Parmi ces blocages, plusieurs ont été pointés du doigt par les participants à la table ronde sur l’intégration du photovoltaïque sur bâtiment neuf et existant. Pour Franck Charton, délégué général de la PERIFEM (Association Technique du Commerce et de la Distribution), il est ainsi urgent de faciliter le raccordement au réseau des installations décentralisées. « De plus en plus d’acteurs du commerce installent des panneaux photovoltaïques en toiture sur leurs magasins et hangars, a-t-il constaté. Le point de départ est avant tout économique. Les panneaux photovoltaïques sont l’un des seuls moyens de baisser les coûts d’électricité et d’obtenir un prix constant sur plusieurs années, ce qui réassure les commerçants et distributeurs par rapport à un prix de marché qui peut fluctuer ». Sachant que la facture énergétique d’un distributeur alimentaire représente jusqu’à 30 % de son résultat net.

Pour autant, de nombreuses entreprises sont contraintes de brider la taille de leurs centrales. « Aujourd’hui, on réduit la taille des centrales en raison des contraintes réglementaires, alors qu’on pourrait au contraire l’augmenter pour améliorer le ROI, a poursuivi Franck Charton. En effet, on a un vrai problème sur le raccordement et la réinjection ». Et de citer l’exemple d’un magasin à Chilly-Mazarin, dont la moitié de l’installation photovoltaïque est actuellement hors-service car « le site n’a pas réussi à intégrer de manière conforme avec Enedis la réinjection de la part non autoconsommée sur le réseau ». Un problème que Franck Charton estime être loin d’être isolé : pour éviter de gérer ces problèmes de raccordement, de nombreuses installations sont dimensionnées en fonction des besoins minimum des magasins le dimanche (sans client), alors qu’ils pourraient produire bien davantage.

Un constat partagé par Emmanuelle Cosse. « Il faut aujourd’hui sortir de l’expérimentation, a-t-elle acquiescé. Si on veut vraiment aller vers une décentralisation de la production de l’énergie, il faut simplifier les enjeux réglementaires, de raccordement et d’injection et ce débat n’est toujours pas tranché. Le gouvernement n’assume pas ses choix ».

La RE2020, une occasion manquée

Ainsi, pour Damien Mathon, président de la Commission EnR et bâtiment au SER, la RE2020, qui se limite à l’autoconsommation, reste une occasion manquée de développer le solaire sur bâtiment. « Lors des expérimentations que nous avons menées en prévision de la RE2020, il y avait la possibilité de valoriser le surplus de production, a justifié Emmanuel Acchiardi, sous-directeur de la qualité et du développement durable dans la construction au Ministère de la Transition écologique. Mais finalement, nous avons décidé de ne pas intégrer cette possibilité dans la loi. En effet, l’un de ses objectifs est la réduction des besoins, ce qui n’est pas compatible avec le fait d’encourager la production. De plus, la RE2020, qui s’intègre dans une stratégie bas carbone, vise à rattraper le retard de la France en matière de chaleur renouvelable, c’est là que l’accent a été mis ».

Pour autant, le SER fonde de sérieux espoirs dans le label réglementaire développé par le Plan bâtiment durable (PBD) et qui accompagnerait la nouvelle réglementation à partir de 2021. « Il pourrait y avoir un effet de levier important sur la maîtrise d’ouvrage, car le label ira plus loin que la RE2020, a commenté Damien Mathon. Les collectivités pourraient par exemple imposer des bâtiments sur le standard du label, ou encore octroyer des bonifications de droit à construire si le maître d’ouvrage adopte le label ». De plus, la valorisation du surplus pourra être différentielle en fonction de l’écosystème autour du bâtiment neuf. « On peut imaginer une valorisation avec un gradient de force qui serait proportionnel à la densité autour du bâtiment neuf, s’il est entouré de beaucoup de bâtiments consommateurs ou non », a expliqué Damien Mathon.

Une option confirmée par le ministère : « le fait de valoriser l’énergie au-delà du bâtiment pourra être regardé dans le cadre du label, cet aspect fera l’objet de travaux complémentaires, dans une approche urbaine avec une mutualisation du neuf et de l’existant », a promis Emmanuel Acchiardi.

La nécessité de développer une filière industrielle

Enfin, le critère carbone et le développement de la filière industrielle de la fabrication des panneaux solaires font partie des craintes des clients du tertiaire et de l’immobilier qui hésitent à massifier leurs projets. Par exemple, plusieurs réglementations, comme le décret tertiaire et la loi énergie-climat, leur imposent d’installer du solaire, mais ils craignent de se retrouver dans la quadrature du cercle. « Dans la logistique, nos bâtiments représentent environ un million de mètres carrés, a chiffré Christophe Bouthors, membre du conseil d’administration de l’AFILOG (Association Française de l’immobilier dans la logistique) et président du groupe Panhard. Si on couvre un tiers des bâtiments de panneaux, nos besoins tournent autour de 250 à 300 000 m2. On se pose donc la question du sourcing : pour obtenir un bilan carbone raisonnable, il faudra se tourner vers un approvisionnement français ou européen. Or, avec nos volumes très importants, on se demande si l’industrie va être en capacité de servir tous les besoins sans avoir recours à des panneaux importés, qui feront mécaniquement augmenter le bilan carbone ». C’est pourquoi les acteurs du bâtiment ont tous regretté l’absence de réglementation claire et le manque de visibilité sur le très long terme, afin de mener à bien leurs projets d’installations photovoltaïques.

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