Quel mix énergétique pour 2050 : RTE présente ses prospections

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C’est un document très attendu qui a été présenté lundi 25 octobre par le gestionnaire de transport d’électricité RTE. Le rapport « Futurs énergétiques 2050 » analyse en effet en détail six scénarios de mix électrique visant à permettre à la France d’atteindre la neutralité carbone en 2050. « Pour aboutir à cette prospective énergétique de référence, deux années de concertation avec des nombreux acteurs (Irena, Ademe, CEA, Meteo France, BRDM, Insitut Pierre Simon…) a été nécessaire, a souligné Thomas Veyrenc, Directeur Exécutif en charge du pôle Stratégie, Prospective et Evaluation lors de la conférence de presse. Pour cela, nous avons réalisé des simulations heure par heure du fonctionnement du système électrique en Europe sur les 30 prochaines années afin de déterminer les volumes de production par filière, les moyens de pilotage, les volumes de flexibilité et les besoins réseaux à venir. Cela, et c’est important, tout en garantissant dans chaque scénario la sécurité d’approvisionnement du réseau dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui ».

Concernant la consommation électrique du pays, la stratégie nationale bas carbone suppose une réduction de 40 % de la consommation globale d’énergie d’ici à 2050, l’électricité représentant à cet horizon 55 % de la consommation finale. « La France fait donc face à un double défi : augmenter la production électrique et remplacer l’appareil de centrales nucléaires de deuxième génération qui devra fermer d’ici à 2060. Mais la question est de savoir avec quelle électricité (renouvelable et/ou nucléaire de nouvelle génération) », s’est interrogé Xavier Piechaczyk. Le scénario de référence porte donc sur 645 TWh/an, qui représente une augmentation de 35 % par rapport à 2021. Un scénario « sobriété », qui implique d’importants changements des modes de vie dans l’habitat, le transport et le tertiaire, suppose une consommation de 550 TWh/an. A l’inverse, un scénario « réindustrialisation profonde du pays », avec une part de l’industrie manufacturière dans le PIB à 12 voire 13 %, a été retenu à 755 TWh/an. « Ces industries créent de l’emploi et de plus, relocaliser en France, où le mix énergétique est fortement décarboné, contrairement à d’autres pays, fait de fait baisser l’empreinte carbone de la France », a justifié Xavier Piechaczyk, Président du Directoire de RTE. L’impact du réchauffement climatique (augmentation de l’utilisation de la climatisation, réduction du chauffage, fonte des neiges, assèchement des cours d’eau) a également été pris en compte.

Les six scénarii de mix électrique

N03, trajectoire haute de construction de nouveaux réacteurs nucléaires : nécessite la mise en service de 14 EPR et de plusieurs SMR entre 2035 et 2050 pour atteindre une part de nucléaire dans le mix de 50 % en 2050.

N2, trajectoire haute de construction de nouveaux EPR2 : nécessite la mise en service de 14 EPR entre 2035 et 2050 pour atteindre une part de nucléaire dans le mix de 36 % en 2050. L’accélération se fait dans la décennie 2040.

N1, trajectoire basse de construction de nouveaux EPR2 : nécessite la mise en service de 8 EPR entre 2035 et 2050 pour atteindre une part de nucléaire dans le mix de 26 % en 2050.

« Chaque scénario suppose en outre une part importante d’énergie renouvelable », a précisé Thomas Veyrenc. Ainsi, même dans le scénario N03, qui est le plus favorable au nucléaire avec 24 GW de nucléaire historique et 27 GW de nouveau nucléaire, le mix électrique se complète par 70 GW de solaire, 43 GW d’éolien terrestre et 22 GW d’offshore.

M0, 100 % EnR en 2050 : suppose une sortie du nucléaire rapide d’ici à 2050 (et en particulier dans la décennie 2040) pour éviter l’effet falaise, tandis que les rythmes de développement du photovoltaïque, de l’éolien et des énergies marines sont poussés à leur maximum. Celui-ci suppose environ 208 GW de capacités installées en 2050.

M1, sans nouveau nucléaire avec EnR répartition diffuse : repose majoritairement sur l’énergie solaire : 214 GW seront nécessaires d’ici à 2050, dont 35 GW sur toiture résidentielle (soit une maison sur deux). Cet essor sous-tend une mobilisation forte des acteurs locaux participatifs et
des collectivités locales. Reste 16 GW de nucléaire.

M23, EnR grands parcs : même hypothèse, mais cette fois avec une massification des EnR dans de grands parcs solaires et éoliens, pour faire des économies d’échelle et diminuer les coûts. 125 GW de capacités solaires sont installées et il reste également 16 GW de nucléaire.

« Ces trois scénarii impliquent des paris technologiques lourds pour être au rendez-vous de la neutralité carbone en 2050 et une accélération importante des énergies renouvelables, à un rythme plus soutenu que ce qui se fait dans les pays les plus dynamiques comme l’Allemagne pour le solaire et le Royaume-Uni dans l’éolien, a détaillé Thomas Veyrenc. Parmi nos conclusions, atteindre la neutralité carbone sera impossible sans les énergies renouvelables, mais il sera très difficile de se passer des réacteurs nucléaires. D’autres pays ont quant à eux choisi de compléter les EnR avec les énergies fossiles avec le captage et stockage du CO2 (CCS) ou encore comme l’Allemagne miser sur le gaz et l’importation d’hydrogène vert ». Enfin, pour l’occupation des sols, la surface allouée au photovoltaïque se situe à environ 50 000 hectares pour la fourchette basse (scénario N03) et entre 150 et 255 000 hectares pour la fourchette haute et le scénario M0. « Cela représente entre 0,1 et 0,3 % du territoire  », a chiffré Thomas Veyrenc.

L’analyse des coûts

Comme hypothèse de base, un coût du capital homogène pour toutes les technologies de 4 % a été fixé. Pour faire varier les paramètres, deux variants ont été intégrés dans les simulations, un à 1 % et un à 7 %. Par conséquent, le coût complet (investissement, coûts de la distribution, de transport, des flexibilités, de production) des différents scénarii est de : 77 Mrds €/an pour le M0, 80 Mrds €/an pour le M1, 71 Mrds €/an pour le M23, 66 Mrds €/an pour le N1, 61 Mrds €/an pour le N2 et 59 Mrds €/an pour le N03.

Les auteurs ont précisé que le coût du démantèlement des centrales nucléaires, du traitement et du stockage des déchets a été pris en compte. « L’écart de référence entre M23 et N2 est de 10 milliards d’euros, a chiffré Thomas Veyrenc. Nous avons fait varier les paramètres et dans la plupart des simulations, N2 est resté moins cher que M23 ». Rappelons qu’aujourd’hui, le coût est de 45 Mrds pour une consommation annuelle de 475 TWh. « Nous prévoyons une augmentation des coûts système d’environ 15 % sur 40 ans, en raison de l’efficacité énergétique à prendre en compte », a précisé Xavier Piechaczyk.

Tous les scénarios nécessitent également un investissement très soutenu : sur 40 ans, il faudra investir entre 750 et 1000 milliards d’euros selon le scénario choisi, pour alimenter le pays en électricité, soit 20 à 25 Md€/an.

Enfin, les besoins de flexibilité (pilotage de la demande, stockage hydraulique, batteries, centrales thermiques) s’élèvent à 30 à 70 GW à l’horizon 2050, tandis que le scénario mix 100 % renouvelables supposent des moyens plus importants : de 40 à 60 nouvelles centrales thermiques à hydrogène. Les moyens de pilotage dont le système a besoin pour garantir la sécurité d’approvisionnement sont très différents selon les scénarios. Il y a un intérêt économique à accroître le pilotage de la consommation, à développer des interconnexions et du stockage hydraulique, ainsi qu’à installer des batteries pour accompagner le solaire. Au-delà, le besoin de construire de nouvelles centrales thermiques assises sur des stocks de gaz décarbonés (dont l’hydrogène) est important si la relance du nucléaire est minimale et il devient massif – donc coûteux – si l’on tend vers 100% renouvelables. Enfin, dans tous les scénarios, les réseaux électriques doivent être rapidement redimensionnés pour rendre possible la transition énergétique.

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