L’acteur de la semaine : SolarinBlue met à l’eau le premier parc solaire offshore de France

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Vendredi 17 mars, l’entreprise SolarinBlue a mis à l’eau à Sète (Occitanie) les deux premières unités de son démonstrateur de centrale photovoltaïque adaptée aux conditions de la pleine mer. Selon Antoine Retailleau, cofondateur et directeur opérationnel de la start-up, interrogé par pv magazine France, il s’agitd’une première en France. Quand il sera achevé courant 2024, le pilote baptisé Sun’Sète comprendra au total 25 unités flottantes pour une puissance de 300 kWc, sur une surface de 5 000 m2. Il sera ancrée à 1,5 kilomètre de la côte, à l’emplacement de l’ancien poste de déchargement des hydrocarbures en mer, où la profondeur de l’eau est de 15 mètres.

Les flotteurs, spécialement conçus pour résister à la haute mer et à la houle, ont été développés en interne, grâce à une équipe d’une vingtaine d’ingénieurs en structures mécaniques, d’hydro-dynamiciens, d’architectes navals et de roboticiens. Chaque module fait 12 mètres de long et de large et peut recevoir 20 panneaux photovoltaïques (pour une puissance d’environ 10 kWc), qui sont installés à une hauteur de 3,5 mètres pour ne pas être en contact avec l’eau de mer. Les flotteurs en polyéthylène haute densité (PEHD) recyclé et le cadre en acier traité en treillis assurent la flottabilité de la structure, qui peut résister à des creux de 12 mètres et des vents de 200 km/h. « Les unités peuvent être interconnectées pour créer des îlots d’un MW qui eux-mêmes peuvent être regroupés pour former des parcs solaires d’une puissance allant jusqu’à 1 GW », détaille Aurélien Croq, directeur du développement.

Chaque unité peut recevoir 20 panneaux photovoltaïques.

Image : Solarin Blue

L’ancrage a également bénéficié d’une recherche spécifique pour minimiser son impact environnemental. « Nous avons développé un système d’ancres hélicoïdales (à vis), associé à un ancrage tendu en lignes synthétiques, poursuit Aurélien Croq. Cette solution apporte deux bénéfices : elle occupe une très faible surface au sol, de moins d’un m2, et le fait de travailler avec une ligne tendue préserve le fond marin car il n’y a pas de dragage de la zone avec une chaîne. Enfin, le dispositif est entièrement réversible puisqu’il suffit de dévisser la vis lors du démontage de la structure ».

Développement en propre et licences

L’énergie produite par la centrale solaire, acheminée par un câble sous-marin qui devrait être installé fin 2023, servira à alimenter les infrastructures du port de Sète-Frontignan. Outre le suivi de la production photovoltaïque, estimée à 400 MWh/an, le programme de recherche du démonstrateur Sun’Sète sur les deux prochaines années vise à étudier le comportement marin des flotteurs en fonction des conditions météocéaniques et à tester les opérations de maintenance.

La structure peut résister à des creux de 12 mètres et des vents de 200 km/h.

Image : Solarin Blue

Créée en 2019 à Paris, et désormais basée à Montpellier, la startup ambitionne de se positionner d’ici trois ans comme un leader mondial du solaire photovoltaïque offshore flottant, présent sur l’ensemble de la chaîne de valeur, du développement technologique à l’exploitation de parcs photovoltaïques flottants. « Nous envisageons deux axes de croissance : le développement en propre de notre solution, en adéquation avec nos capacités financières, et la fourniture de la solution à des EPCistes ou développeurs pour des puissances plus importantes », espère Antoine Retailleau. Pour le premier, son objectif est de détenir un portefeuille de projets d’environ 1 GW en propre à l’horizon 2030 dans le monde. Concernant les licences, SolarinBlue préfère rester plus discret sur ses ambitions chiffrées, sachant que l’entreprise estime à « 30 à 50 GW le marché mondial du solaire offshore d’ici à 2030 ».

Le futur démonstrateur de 300 kWc sera déployé dans l’ancien poste de déchargement des hydrocarbures en mer du port de Sète pour y tester différentes conditions météocéaniques.

Image : Solarin Blue

En Inde, la filiale indienne de SolarinBlue, dirigée par Kapil Sharma, a d’ores et déjà sécurisé un permis pour une centrale de 1 MW en Inde et y développe un second projet pilote. « En parallèle, nous travaillons sur un projet de 5 MW dans les eaux européennes », avance Antoine Retailleau. Pour financer son expansion, la jeune société, qui a sécurisé de 2,5 millions d’euros de financements grâce à l’apport de ses investisseurs historiques et de subventions publiques et privées, prévoit une levée de fonds « prochainement », sans en dévoiler davantage.

Objectif : 50 €/MWh en 2030

En termes économiques, l’objectif de l’entreprise est d’atteindre un prix de production de l’électricité de 120 euros/ MWh dans deux ans et autour des 50 euros/MWh en 2030, grâce à la montée en échelle de ses parcs photovoltaïques et à sa courbe d’apprentissage. « Avec notre solution, nous visons notamment les zones insulaires, où les prix de l’électricité avoisinent les 250 à 300 euros/MWh et où l’électricité est bien souvent produite à partir de groupes électrogènes au diesel ou au fioul », souligne Aurélien Croq. D’autant que son impact visuel nul dès 3 kilomètres rend possible le déploiement des parcs offshore à proximité des sites touristiques. La technologie pourrait aussi trouver des synergies avec les parcs éoliens en mer pour mutualiser le raccordement.

SolarinBlue entend donc se positionner sur le marché encore jeune du photovoltaïque en haute mer, où différentes approches technologiques sont actuellement expérimentées. En mars dernier, un consortium belge a ainsi dévoilé son concept de plateforme offshore. De son côté, la société OceanSun développe une membrane sur laquelle seraient apposés les panneaux photovoltaïques, une solution présentant un LCOE très faible. « Nous avons fait le choix de nous situer entre les deux, remarque Antoine Retailleau. Les plateformes offshore représentent selon nous des coûts de CAPEX importants et ne permettent pas d’atteindre des niveaux de rentabilité intéressants. Par ailleurs, contrairement aux membranes, nous avons fait le choix de surélever les panneaux, car c’est la solution qui perturbe le moins l’écosystème marin marine : sur une ferme offhore d’un GW, sur 1 hectare, nos études prospectives montrent que la structure laisse passer 40 % de la lumière jusqu’à l’eau ». D’ailleurs, SolarinBlue travaille actuellement à l’intégration de panneaux photovoltaïques bifaciaux pour profiter de la réflexion de la lumière sur l’eau.

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