[Entretien] Que change la loi d’accélération EnR pour l’accès au foncier ?

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La loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables a été publiée au journal officiel le 10 mars dernier. Entre autres mesures, elle fixe les principes de l’agrivoltaïsme en France et introduit l’obligation de solarisation des parkings. Elle a aussi le mérite d’avoir présenté les problématiques du développement des énergies renouvelables en France, à savoir, l’accès au foncier et l’acceptabilité des projets EnR. Pour répondre à ces sujets, le législateur a introduit le principe des zones d’accélération : des espaces à définir localement, dans toute la France, pour accueillir en priorité les installations de production d’énergies renouvelables (EnR), dont les centrales solaires.

Bien que le texte soit désormais promulgué, les zones d’accélération restent à définir et leur incidences concrètes sur le développement de projets EnR posent question. Pour creuser ces points, pv magazine France s’est entretenu avec Laurence Duriez, avocate spécialisée dans la production d’énergie renouvelable, l’urbanisme et l’environnement au sein du cabinet BMH Avocats.

La clé de voute des échanges a été de comprendre l’articulation de ces zones dites d’accélération EnR avec les réglementations existantes, leur agenda de mise en place et les incidences des nouvelles mesures sur le développement solaire en France.

Quid des zones d’accélération EnR

Les zones d’accélération sont introduites dans le code de l’énergie et répondent notamment aux principes suivants :

  • Elles présentent un potentiel permettant d’accélérer la production d’énergies renouvelables pour atteindre les objectifs régionaux (et donc nationaux) introduits par la loi dite Climat et Résilience adoptée en juillet 2021. A noter toutefois que les décrets référents qui doivent fixer ces objectifs n’ont pas encore été publiés.
  • « Elles sont définies dans l’objectif de prévenir et de maîtriser les dangers ou les inconvénients qui résulteraient de l’implantation d’installations de production d’énergies mentionnées au présent I pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l’environnement », et devraient notamment permettre d’augmenter l’acceptabilité des projets au niveau local.
  • Elles visent à faciliter les raccordements et tiennent donc compte « des potentiels du territoire concerné et de la puissance d’énergies renouvelables déjà installée ».

On trouve peu de choses en ce qui concerne l’objectif affiché de la loi de lever les freins administratifs qui ralentissaient les projets et d’accélérer les procédures, notamment sur les raccordements.

« Le délai du commissaire enquêteur pour transmettre son avis et son rapport à la suite des enquêtes publiques est réduit de 30 à 15 jours », décrypte Laurence Duriez. « Un autre intérêt est que la localisation d’une installation d’EnR dans une zone d’accélération peut être retenue comme critère dans les appels d’offres de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). »

« A part cela, je n’ai pas identifié d’autres incidences sur l’accélération du développement photovoltaïque, d’autant que la définition de zones d’accélération ouvre la possibilité à la commune de prévoir en contrepartie des zones d’exclusion », tempère l’avocate. « En ce sens nous ne sommes pas dans la logique des Go-To-Areas proposées par la Commission européenne, qui prévoient l’accélération des processus d’obtentions des autorisations. »

Minimum 11 mois d’attente 

La vraie crainte du secteur c’est que des projets soient reportés le temps que les zones d’accélération soient définies. Certains porteurs de projets photovoltaïques ont d’ailleurs témoigné avoir été mis en attente par des préfectures qui veulent obtenir en amont les décrets d’application et donc la validation desdites zones d’accélération – avec l’argument recevable de ne pas vouloir risquer d’autoriser un développement EnR « hors champs ».

Mais quand peut-on attendre ces zones d’accélération ?

« On est au tout début », explique Laurence Duriez. Car sur cette première étape, les communes sont à l’initiative, sachant qu’aucune sanction n’est prévue pour les communes réfractaires qui ne suivrait pas l’agenda prévu, présenté ci-dessous :

  • Dans un délai de deux mois, les services de l’état mettent à disposition une série de documents pour soutenir la définition des zones d’accélération par les communes.
  • Dans un délai de six mois suivant la réception des documents, les communes doivent proposer une première identification des zones d’accélération. Ce processus prévoit l’organisation d’une concertation du public (selon des modalités à définir localement) et une délibération pour définir les espaces qui seront proposés en tant que « zone d’accélération » locale.
  • La proposition de la commune est ensuite soumise au référent préfectoral, aux Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et aux syndicats locaux en charge de porter le schéma de cohérence territoriale (SCoT). Le référent préfectoral assiste les communes pour fixer la cartographie durant tout le processus et transmet la proposition finale au comité régional de l’énergie.
  • Dans un délai de trois mois après réception, le comité régional de l’énergie doit rendre son avis en vérifiant que les zones d’accélération présentées peuvent permettre de remplir les objectifs de développements EnR régionaux. Comme évoqué plus haut, ces objectifs n’ont pas encore été définis puisque les décrets relatifs à leur mise en place n’ont pas encore été publiés.

« Si le comité régional de l’énergie conclut que les zones d’accélération identifiées sont suffisantes pour atteindre les objectifs régionaux, l’avis des communes du département est sollicité. La cartographie à l’échelle du département est arrêtée par le préfet qui ne peut retenir que les zones situées sur le territoire de communes ayant émis un avis favorable », explique Laurence Duriez.

De formation en droit public, notamment en droit de l’urbanisme, Laurence Duriez a, avant de rejoindre BMH Avocats en 2018, exercé dans plusieurs cabinets d’avocats spécialisés en droit public puis, en tant que juriste, au sein d’un des acteurs principaux du développement de parcs éoliens. Elle intervient au sein du cabinet BMH Avocats tant en contentieux qu’en conseil, plus particulièrement dans les secteurs de la production d’énergie renouvelable, de l’urbanisme et de l’environnement.

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