« En France, on estime que 151 000 tonnes de panneaux photovoltaïques auront atteint leur fin de vie utile en 2030, explique l’IPVF dans un récent webinaire sur la filière du recyclage en France. Le recyclage des panneaux solaires est, dans ce contexte, un enjeu majeur pour la filière photovoltaïque afin de limiter la production de déchets. »
Pour faire le point sur l’état actuel du recyclage du photovoltaïque l’IPVF a réunit l’éco-organisme Soren (en charge de structurer la filière en France), le fabricant Voltec Solar et les deux entreprises de recyclages Rosi et Envie 2E Aquitaine lors d’un événement numérique qui a eu lieu plus tôt ce mois-ci.
Environ 3500 tonnes de panneaux solaires usagés ont été récoltés en 2023 par Soren, qui est en charge de la partie logistique du recyclage des modules. C’est d’ailleurs la gestion de ces flux logistiques qui sera l’un des principaux enjeux pour la montée en puissance de la filière avec le développement de technologies de recyclage à haute valeur ajoutée.
Le recyclage à haute valeur ajoutée
C’est sur ce segment qu’a décidé de miser Soren : si l’argent ne représente que 0,08 % du poids total d’un module, il constitue une grande partie de son prix. Les modules récupérés sont d’abord triés, en fonction de la technologie et de leur état, puis envoyés aux entreprises mandatées pour le recyclage. Les technologies en couches minces et pérovskites ne sont pas encore recyclées mais font l’objet de projets de recherche et développement pour l’IPVF.
« On recycle en fonction de la technologie, nous développerons des procédés adaptés en fonction de ce qui arrive sur le marché », explique Antoine Chalaux, directeur général de Rosi. Si la société spécialisée recycle déjà la technologie hétérojonction c’est parce qu’elle est basée sur le silicium. Très peu de modules de cette nouvelle technologie arrivent en fin de vie actuellement, mais Rosi traite des cellules cassées en production par exemple.
Rosi a lancé ses activités au premier trimestre 2023 et revendique actuellement une capacité de traitement de 3000 tonnes de modules par an, soit environ 150 000 modules traités chaque année. Elle devrait rapidement porter sa capacité à 10000 tonnes par an et prévoit d’ouvrir un centre en Allemagne en 2025.
Sa ligne de recyclage a la particularité de se concentrer sur l’argent et le silicium. Si les matériaux traités ne peuvent pas être directement réutilisés dans la filière solaire, ils atteignent un taux de pureté très intéressant. La silicium solaire ou SoG-Si, doit en effet présenter une pureté de 99,9999%. « A l’époque les critères étaient plus bas, à 99,9969 %, donc on ne peut d’emblée pas atteindre une qualité solaire avec le recyclage actuellement », explique Antoine Chalaux qui souligne que c’est d’ailleurs grâce à l’amélioration de la pureté silicium que l’on a pu augmenter les rendements. « Toutefois, nous atteignons un taux de pureté de 99,999% aujourd’hui, ce qui est déjà 1000 fois mieux que le silicium métal (99%) ».
Les bonnes (et les mauvaises) pratiques du secteur PV
Envie 2E Aquitaine propose des procédés de recyclage différents. La première technique traite les panneaux déjà cassés pour lesquels le recyclage à haute valeur ajoutée n’est pas possible. Le broyage permet tout de même de récupérer des matériaux à l’instar d’une ligne de recyclage pour matériel électrique par exemple. « La Soren fait l’effort de conserver la qualité des panneaux collectés et de sensibiliser les opérateurs de l’industrie pour éviter la casse, lors des démontages de centrales par exemple », précise Pierre Tauzin, Responsable d’équipe d’Envie 2E Aquitaine. La bonne pratique consiste donc à prendre des mesures pour garantir la livraison de panneaux en bon état à Soren, que ce soit en collecte directe ou en point de ramassage.
Si les panneaux sont changés, lors d’un repowering par exemple, ou arrivent en fin de vie en bon état, il est alors possible d’appliquer le deuxième procédé de recyclage. La délamination consiste à séparer la structure aluminium et verre du reste du laminé pour pouvoir extraire les matières à haute valeur du panneau ou réutiliser les parties en bon état.
Le réemploi est d’ailleurs un sujet de la filière, puisqu’il consiste à donner une seconde vie à un module utilisé, qui (de fait) ne passe pas par la case « déchet ». Pierre Tauzin précise que les panneaux en réemploi ne sont pas encore disponibles en France, mais que les tests sont en cours afin de commercialiser ces produits issus de la filière recyclage.
Anaïs Gouabault, responsable des opérations chez Soren alerte toutefois sur des pratiques frauduleuses qui consistent à envoyer sur d’autres régions du monde des modules usagés en revendiquant une démarche en « seconde vie ». « Sous couvert de réemploi, ils sont à la limites de l’exportation illégale de déchet puisque les modules ne font l’objet d’aucune garantie de durabilité, de sécurité ou de performance. »
Un groupe de travail est en cours à ce sujet. En 2024, une batterie de critères (et donc de tests) devrait être rendue disponible et s’ajouter aux critères d’éligibilité pour justifier du réemploi d’un module solaire. La Soren va aussi développer un label qui s’appliquera aux modules issus de la filière du réemploi. « A l’avenir, nous aimerions proposer un système de catalogue pour permettre aux installateurs de trouver exactement le modèle qui puisse rentrer dans une série de panneaux déjà installés par exemple », ajoute Anaïs Gouabault en concluant que le réemploi vise des cibles différentes.
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