[Entretien] « Le but de l’agrivoltaïsme doit être de créer de la valeur sur le très long terme »

Share

Mardi 9 avril a été publié le décret relatif à l’agrivoltaïsme. Pour commencer, quelle est votre opinion sur le texte ? Selon vous, apporte-t-il suffisamment de garde-fous ?

Nicolas Ferras, directeur Agri-énergies de TotalEnergies.

Image : TotalEnergies

Nicolas Ferras, directeur Agri-énergies de TotalEnergies : L’agrivoltaïsme est une discipline encore récente et était pendant longtemps cantonnée dans une approche très innovative. Je suis donc heureux que toutes ces discussions autour de la loi aient vraiment remis l’agriculteur au centre du sujet. L’agrivoltaïsme n’est pas qu’un design technologique, mais doit répondre à une problématique agricole particulière et assurer 25 ans de cohabitation avec l’agriculteur et de création de valeur agricole et énergétique.

Il y a six mois, TotalEnergies a finalisé l’acquisition de son partenaire Ombrea. Comment se passe aujourd’hui l’intégration entre les différentes équipes ?

A la base, TotalEnergies avait davantage de maturité sur la relation avec les coopératives et les fédérations du monde agricole et disposait d’un pipeline de projets assez significatif, plutôt dans les grandes cultures et l’élevage. De son côté, Ombrea apporte un véritable savoir-faire dans la R&D et les algorithmes. Ce rapprochement nous a donc permis de fusionner nos expertises pour former un centre d’expertise dans l’agrivoltaïsme, avec une cinquantaine de personnes dédiées.

Des recrutements sont prévus pour 2024 ?

En effet, nous renforçons les équipes selon deux domaines : tout d’abord, nous densifions notre présence sur le terrain au plus proche des parties prenantes. De plus, nous continuons de renforcer notre pôle « données », une compétence en particulier apportée par Ombrea, qui permet de développer des outils de design des projets et d’affiner les algorithmes de pilotage des installations.

Combien de sites agrivoltaïques avez-vous actuellement ? 

Nous disposons de 13 sites en exploitation sur des cultures pérennes et des céréales : nous avons par exemple des expérimentations sur la lentille, le blé tendre dans le Nord de la France, ou encore sur du lavandin réimplanté en Côte d’Or.

Sur ces sites, nous atteignons aujourd’hui deux à cinq ans de suivi agronomique, ce qui nous a permis de constater que l’un des principaux apports de l’agrivoltaïsme est d’écrêter les pics de chaleur. Par exemple, nous avons enregistré jusqu’à 2,5 °C de réduction de la température des sols avec du bifacial vertical grâce à la création d’ombrage en début et en fin de journée. Sur des vignes, une baisse allant jusqu’à 3°C de la température a été constatée pendant la canicule de 2023.

Les panneaux permettent aussi de couper les rafales de vent, ce qui est intéressant pour des cultures basses comme le blé ou l’orge. Enfin, nous nous intéressons à la qualité biologique des sols.

Pour l’heure, nos sites expérimentaux font quelques centaines de kWc de puissance et des parcs de taille plus importante vont être progressivement mis en service sur 2024-2025, en particulier sur deux nouveaux sujets : l’impact du stress hydrique sur la croissance de l’orge et les exploitations animales.

Doit-on comprendre que la tendance est à l’augmentation de la taille unitaire des projets ?

La première valeur de l’agrivoltaïsme est bien sûr d’apporter une réponse à une problématique agricole sur le très long terme. Mais cela ne peut se faire sans viabilité économique car notre but est aussi de produire des électrons décarbonés au meilleur prix. Cela se fait en identifiant le meilleur point de convergence entre la performance agricole et la performance énergétique, en fonction des coûts d’investissement, des coûts de raccordement et du productible. En cela, la taille est effectivement l’un des premiers leviers.

Un autre levier serait d’« industrialiser » le design des projets pour gagner du temps sur le développement. C’est pourquoi nous investissons énormément autour de la donnée et du numérique, qui permettra d’assembler les différentes briques technologiques d’un projet et d’automatiser la gestion de l’extrême complexité des paramètres d’un site agrivoltaïque.

Mais attention, il n’est pas question de standardiser car il n’y aura jamais de modèle unique, compte tenu de la diversité des cultures et des situations. C’est également un point essentiel pour améliorer l’acceptation des projets, qui doivent s’adapter à la spécificité des territoires.

Ce contenu est protégé par un copyright et vous ne pouvez pas le réutiliser sans permission. Si vous souhaitez collaborer avec nous et réutiliser notre contenu, merci de contacter notre équipe éditoriale à l’adresse suivante: editors@pv-magazine.com.