Agrivoltaïsme : pourquoi la Confédération paysanne veut déposer un recours contre le décret

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Si la publication du décret sur l’agrivoltaïsme, visant à encadrer les conditions d’installation de panneaux solaires sur les terres agricoles, a été plutôt bien accueillie par la filière photovoltaïque et des producteurs agrivoltaïques, c’est loin d’être le cas de la Confédération paysanne qui annonce qu’elle déposera un recours contre le texte, « afin de contraindre le gouvernement à revoir sa copie ».

« La teneur de ce décret confirme toutes nos mises en garde émises lors des débats sur la loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables, justifie l’organisation dans un communiqué. Par ce texte, le gouvernement fait même tomber les rares garde-fous instaurés par le législateur pour préserver les paysan.nes et le foncier de l’appétit des énergéticiens. Il confirme le fait que l’installation de panneaux photovoltaïques au sol représente une menace pour notre souveraineté alimentaire ».

Qu’est-ce qu’un revenu agricole durable ?

Pour étayer son raisonnement, la Confédération paysanne revient en particulier sur la baisse de rendement agricole de 10 % maximum prévu dans le texte de loi : « alors que le gouvernement fait miroiter la possibilité d’un revenu durable issu d’une production agricole sous panneaux, le décret considère qu’un revenu est durable s’il n’est pas inférieur… au revenu moyen des années précédentes. Or, on est loin de pouvoir affirmer que le revenu agricole actuel est durable ! », critique-t-elle.

En outre, le syndicat estime que couvrir « plus de 40 % d’une surface agricole avec des panneaux enlève de l’autonomie aux paysannes et paysans et à la production alimentaire de la France ». Il s’appuie pour cela sur une étude publiée par selon l’INRAe (Institut national qui étudie les enjeux de l’agriculture, de l’alimentation et de l’environnement), et déjà évoquée dans pv magazine France, qui évoque qu’un taux de couverture de 40 % engendrerait une baisse de rendement moyenne de 38 %. Il souligne également qu’en Indre-et-Loire, la Chambre d’agriculture anticipe pour une ferme expérimentale agrivoltaïque une chute de 45 % de la production en ovin viande, due à une baisse de la production d’herbe. « Le décret permet même à des “technologies agrivoltaïques éprouvées”, ainsi qu’à toutes les installations de moins de 10 MWc (soit environ 10 ha!), de dépasser ce plafond », poursuit l’organisation. « Pire, le gouvernement n’a même pas tenu compte des missions foncières qu’avait confié la loi au décret, qui devait encadrer l’agrivoltaïsme en s’appuyant notamment sur “le strict respect des règles qui régissent le marché du foncier agricole” et “la politique de renouvellement des générations”. Rien n’apparaît dans le décret à ce sujet, bien au contraire », conclut la Conf’.

De manière générale, l’organisation syndicale n’a jamais caché son opposition au principe de l’agrivoltaïsme et estime que les gisements en toitures et terrains artificialisés sont largement suffisants pour atteindre les objectifs de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Elle y voit notamment un danger sur le prix et la disponibilité du foncier agricole. Dans un document, elle indique ainsi que les loyers proposés aux propriétaires pour l’installation de centrales PV déstabilisent complètement le marché foncier, avec un rapport de 1 à 10 ou 30 pour le fermage (ex : 150 €/hectare vs 4000 € pour du PV) et de 1 à 3 ou 6 pour l’achat. « Selon certains experts fonciers, considérant les taux proposés, un hectare de terrain couvert de panneaux avec un loyer de 2 000€/ha/an pourrait se valoriser entre 20 000 et 40 000 €/ha quand le prix moyen à la vente des terres libres atteint 5 940€ l’hectare. Ce sont autant de terres qui sortent du statut du fermage, font l’objet d’une rétention foncière et sont menacées de déprise », conclut le texte.

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