[Entretien] « L’agrivoltaïsme doit permettre d’augmenter le revenu agricole de l’exploitant »

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Revenons tout d’abord sur la publication du décret sur l’agrivoltaïsme en avril dernier. La plupart des acteurs de la filière solaire ont réagi positivement. Etes-vous également satisfait ?

Antoine Nogier, président de Sun’Agri.

Image : Sun'Agri

Antoine Nogier, président de Sun’Agri : La rédaction du décret n’est pas parfaite, mais le texte réaffirme la priorité donnée à l’agriculture. Il donne également de bons jalons, comme le maintien de minimum 90 % de rendements agricoles. Enfin, il a été annoncé que l’arrêté sur les contrôles et sanctions allait sortir très prochainement, ce qui est une bonne chose.

Comme les autres acteurs de la filière, nous avons bien sûr identifié certains points qui restent à préciser, comme le partage de la lumière. Le texte donne un objectif de résultat (les 90 % de rendement), mais décrit encore assez mal les moyens préventifs pour garantir cet objectif. Une autre de nos interrogations concerne la préférence qui est faite sur l’élevage, qui n’est pas concerné par l’obligation des 90 % de rendements maintenus. De fait, certains éléments méritent encore d’être clarifiés.

De so côté, la Confédération paysanne a annoncé son intention de déposer un recours contre le décret car, selon elle, l’agrivoltaïsme entraîne un enchérissement trop important du prix du foncier, qui bloque la transmission aux générations futures. En tant qu’entreprise qui a fait de l’agrivoltaïsme dynamique sa spécialité, comprenez-vous ces critiques ?

Non seulement nous les comprenons, mais nous n’avons eu de cesse d’alerter sur cette question, qui est une vraie problématique, sachant que la France a perdu 100 000 agriculteurs en dix ans. Certains développeurs prétendent offrir des loyers de 5 000 à 6 000 euros l’hectare, voire davantage. Mais ces chiffres donnent une valeur implicite au foncier de l’ordre de 80 000 à 100 000 euros l’hectare. C’est une multiplication de 10 à 20 fois du prix de la terre et l’on voit bien l’inflation que cela entraîne. Pour que les jeunes générations acceptent de reprendre une ferme, il faut garantir que la valeur du foncier reste abordable et que la parcelle soit attractive sur le plan agricole.

Quelles alternatives existent à l’établissement d’un loyer ? 

Déjà, l’expérience montre que, quand les loyers sont élevés, il y a de fortes chances pour que le projet ne respecte pas les critères de la loi et du décret : plus les panneaux sont proches du sol et resserrés, plus ils génèrent un loyer important mais plus ils dégradent les rendements agricoles. Le premier objectif de l’agrivoltaïsme doit donc rester le partage intelligent de la lumière.

Il existe aussi des moyens de ne pas verser de loyer, qui consistent pas exemple à transformer ce montant en une participation au capital de la société de projet (SPV) ou dans la modernisation des outils d’exploitation (matériel agricole, système d’irrigation…). Dans ce cas, on évite la spéculation foncière et l’agriculteur peut garder ses parts dans la SPV comme capital retraite sans empêcher l’arrivée d’un successeur.

On voit de plus en plus d’oppositions aux projets d’agri-PV. Tout récemment, la région Normandie, présidée par Hervé Morin, a également déposé un recours en annulation du décret sur l’agrivoltaïsme. Comment les acteurs de la filière solaire peuvent-ils améliorer l’acceptabilité autour de cette pratique ?

Sans sacrifier la rentabilité pour les producteurs d’énergie, il est à mon sens indispensable d’axer la conception des projets agrivoltaïques sur les retombées sur tout le territoire, que ce soit le ruissellement de la valeur sur plusieurs agriculteurs, et non sur un seul, mais aussi le maintien du terroir et de la biodiversité.

C’est pourquoi chez Sun’Agri, nous avons choisi de nous focaliser sur les petites installations agrivoltaïques de quelques mégawatts et sur des cultures pérennes à haute valeur ajoutée fortement impactées par le changement climatique, comme l’arboriculture et le maraîchage. Nous nous positionnons aussi sur des plantations essentielles aux territoires et qui n’auront pas de remplaçant après le changement climatique, comme c’est le cas de la viticulture dans le pourtour méditerranéen comme dans les Pyrénées Orientales, avec une désertification qui a déjà commencé. Il faut bien dialoguer avec les agriculteurs, les chambres d’agriculture mais aussi avec les autorités locales pour mettre en avant l’intérêt de poser des panneaux agrivoltaïques dans ces cas de figure. C’est ainsi que l’on améliorera l’acceptation des projets.

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