pv magazine France : Quelle est aujourd’hui la dynamique dans l’autoconsommation individuelle en France ?
Dina Darshini : La France compte plus de 23 millions de maisons individuelles. Bien sûr, toutes ne peuvent pas être solarisées, pour des raisons de coût, de structures de toit inappropriée ou d’ombrage… Néanmoins, sur le marché adressable techniquement réalisable, la saturation du marché des systèmes solaires photovoltaïques est encore extrêmement faible (moins de 5 %).
Plus de 800 000 bâtiments raccordés au réseau basse tension (BT) français sont équipés d’un système photovoltaïque d’une puissance inférieure à 20 kW. La majorité d’entre eux sont des maisons d’habitation. Ces derniers mois, la dynamique a changé, passant de l’injection de l’électricité solaire dans le réseau, historiquement, à l’autoconsommation, aujourd’hui, qui représente la majorité des cas d’utilisation pour les maisons. À la fin du mois de mars 2024, près de 500 000 foyers autoconsommeront en grande partie ou totalement leur électricité solaire.
Cette évolution s’accompagne-t-elle de l’essor des batteries résidentielles ?
Oui, mais de manière plus lente que chez les voisins européens. Sur 2023, le marché du solaire résidentiel a explosé, avec plus de 218 000 systèmes photovoltaïques installés sur les toits des particuliers l’année dernière. Toutefois, parmi ces systèmes photovoltaïques, Enedis indique que seuls 2 562 sont couplés à une batterie. Cela signifie que le taux de couplage solaire résidentiel + batterie en 2023 était inférieur à 2 %.
En effet, les prix relativement bas de l’électricité (par rapport à l’Allemagne, à l’Italie et au Royaume-Uni) et des incitations politiques directes limitées dans le temps ne créent pas de conditions de marché favorables pour les batteries résidentielles en France. Les subventions accordées aux batteries dans les années 2018-2020 ont gonflé le marché, mais celui-ci est revenu à des niveaux très bas lorsque ce soutien public a pris fin.
Il est également intéressant de noter qu’en plus des prix bas de l’électricité, la France possède l’un des plus importants parcs de chauffages et de chauffe-eau électriques en Europe, ce qui augmente la demande moyenne d’électricité en journée et réduit le besoin de systèmes de stockage.
Enfin, comme cause à la réticence des ménages français pour le stockage, il convient aussi d’évoquer le prix des systèmes solaire+stockage qui restent très élevés. Le prix final varie naturellement selon la région en France et selon l’installateur (petit local, grand énergéticien comme EDF). Mais parmi les prix les plus élevés, il n’est pas rare de rencontrer des devis allant jusqu’à 28 000 euros pour un système photovoltaïque de 6 kW avec une batterie. Compte-tenu des prix de l’électricité sur le réseau, c’est une installation très longue à rentabiliser.
Que voyez-vous d’ici à 2030 ?
D’une part, nous voyons que les ménages français vont être de plus en plus confrontés à l’incertitude des prix de l’énergie en 2025 et au-delà. Les prix de l’électricité devrait augmenter jusqu’en 2030, ce qui les incitera davantage à installer des systèmes photovoltaïques et à pratiquer l’autoconsommation. D’autre part, la réduction des tarifs FiT (et leur suppression progressive) incitera également à une plus grande autoconsommation. Le marché devrait donc croître, mais pas à son plein potentiel sans intervention spécifique.
Nous prévoyons ainsi que le marché des batteries résidentielles atteindra 10 000 à 30 000 installations par an jusqu’en 2030, à moins que de nouvelles subventions ou réglementations ne soient annoncées pour encourager/obliger l’adoption du stockage. En l’absence d’un soutien politique fort et continu, les acteurs du marché qui sont en mesure d’offrir des options de financement (par exemple, un crédit-bail PV + batterie) pourront également contribuer à maintenir la croissance du marché des batteries.
Concernant le photovoltaïque seul, la construction de logements neufs en France devrait se situer entre 150 et 300 000 maisons individuelles par an d’ici à 2030. La France dispose généralement de réglementations assez avancées en matière de construction (RT2021, RE2020). Nous pensons que d’ici 2030, il y aura une plus grande pression pour que les nouvelles constructions soient à énergie positive. Toutefois, selon les premiers échos, les promoteurs pourraient encore opter pour les pompes à chaleur plutôt que pour le solaire photovoltaïque pour les nouvelles constructions, car l’intensité carbone du réseau en France n’est pas élevée.
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Dina Darshini est la responsable du secteur C&I chez LCP Delta. Elle dirige également des recherches sur les marchés de l’énergie solaire et des batteries “derrière le compteur”. Avant cela, elle a passé 10 ans au sein de l’équipe de consultants de LCP Delta, dirigeant et gérant des projets pour des investisseurs internationaux et des fabricants de technologie mondiaux, en mettant l’accent sur la prise de décisions d’investissement stratégique dans les nouveaux marchés de l’énergie. Dina est titulaire d’une maîtrise en sciences en économie écologique et d’une maîtrise (First Class Hons) en économie et sociologie de l’université d’Édimbourg.
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