[Série d’été] Les plus grandes centrales solaires de France : où en est le projet Horizeo (820 MWc) ?

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Lors de son annonce en 2021, Horizeo devait devenir le plus grand parc photovoltaïque de France, voire d’Europe, avec une puissance visée de 1 GW. Porté par un consortium composé d’Engie, Neoen, RTE et la Banque des Territoires, le projet s’étendait initialement sur 1 000 hectares en forêt à Saucats, en Gironde. Outre la centrale solaire, il comprenait un centre de données, une centrale de production d’hydrogène vert de 10 MW, une unité de stockage de 40 MW sur batteries lithium et de l’agrivoltaïsme.

Où en est Horizeo ?

En dépit des oppositions et à la suite du débat public mené entre septembre 2021 et janvier 2022, Engie et Neoen ont décidé de poursuivre le projet, mais sous une forme réduite. La surface a été ramenée à 680 hectare et la puissance installée revue à la baisse (820 MW). Plusieurs composantes ont également été abandonnées : lors de la concertation sur la modification de Plan local d’urbanisme (PLU), la Mairie de Saucats a en effet exprimé un avis défavorable quant à l’installation de batteries de stockage sur son territoire, d’où la suppression de cette brique technologique.

De plus, l’électrolyseur a aussi été mis de côté. « Engie n’a pas constaté d’engouement de la part des acteurs publics et privés permettant d’assurer une viabilité suffisante à cette activité dans le cadre du projet Horizeo, ni dans le cadre du débat public, ni dans le cadre de la concertation continue et de nos échanges avec les parties prenantes, a justifié l’énergéticien. Par ailleurs, nous n’avons pas identifié de débouchés potentiels suffisants à ce stade du projet ». Enfin, la parcelle dédiée à l’agri-énergie a été réduite à 8 hectares, contre 25 originellement.

Pour autant, en dépit de ces nombreuses évolutions, la méga-centrale photovoltaïque est toujours au point mort, alors même que le permis de construire et la demande d’autorisation environnementale ont été déposés.

Pourquoi ça coince ?

Si les porteurs de projet ont justifié le choix de l’emplacement d’Horizeo par sa proximité avec le poste électrique existant de Saucats, constitué de trois niveaux de tension (400 000, 225 000, et 63 000 volts), le fait qu’il nécessite de défricher environ 1 000 hectares d’une forêt actuellement consacrée à la sylviculture et à des chasses privées constitue l’une des principales préoccupations des acteurs locaux. Et la promesse de reboiser physiquement – au minimum – le double de la surface qui sera autorisée au défrichement n’y change rien. De plus, les syndicats agricoles, sylvicoles, ainsi que les associations environnementales dénoncent le risque accru d’incendies et d’inondations dans la région.

Illustration de ce que pourrait être l’activité agri-énergie du projet Horizeo – image non contractuelle sujette à évolutions (juin 2023).

Image : Horizeo

Mais le couperet pourrait venir de la réglementation. Horizeo se heurte en effet aux nouvelles contraintes réglementaires de la loi Zéro Artificialisation Nette (ZAN), entrée en vigueur en août 2021 et assouplie en 2023. Celle-ci prévoit notamment une baisse de 50 % de la consommation d’espaces naturels d’ici à 2031 et limite par conséquent la taille des parcs solaires en milieu forestier.

Si un dispositif d’exemption existe pour les projets dits « d’ampleur nationale ou européenne » inscrits sur une liste existe, Horizeo n’y figure pas. Il s’agit majoritairement de travaux déclarés d’utilité publique, de certains projets industriels, des lignes ferroviaires à grande vitesse, des aménagements de postes électriques de haute tension, ainsi que des travaux réalisés sur les grands ports de l’État. Comme on peut le lire dans le rapport intermédiaire n°3 des garants de la concertation sur Horizeo, publié le 5 juillet 2025, « l’État n’a pas fait connaître sa position quant à l’inscription d’Horizeo sur une nouvelle liste de projets de grande ampleur, ce qui fait peser une incertitude sur le devenir de ce projet ».

Auditionnée le 10 avril 2025 par la commission sénatoriale d’enquête sur l’usage des aides publiques, la directrice générale d’Engie, Catherine MacGregor, a elle-même émis l’idée d’abandonner le projet : « Engie a lancé un projet de développement des énergies solaires suffisamment important et indépendant sur le plan financier pour ne pas avoir à demander d’aides publiques. Or, ce projet se heurte aux difficultés de mise en oeuvre de l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN). Je serai bientôt contrainte d’y mettre un terme, malgré le soutien local et les millions d’euros que nous avons dépensés. Face aux injonctions contradictoires – d’un côté, développer les énergies renouvelables ; de l’autre, respecter la réglementation -, nos politiques doivent être cohérentes et hiérarchisées ».

Quelles sont les dernières cartes à jouer ?

De son côté, Xavier Barbaro, PDG de Neoen, a appelé le gouvernement à agir. « Il faut qu’on nous laisse avancer. Tout est prêt, à la fois le projet et les zones de reboisement. Ce qui nous manque, ce sont les autorisations zéro artificialisation nette, a-t-il déclaré lors d’une rencontre avec la presse pour les dix ans d’un autre grand parc exploité par Neoen, celui de Cestas. Aujourd’hui, la balle est dans le camp du gouvernement ».

Le consortium oeuvre donc pour sauver le projet, avant qu’il ne soit mort-né. La première possibilité consisterait à faire inscrire Horizeo sur la liste des projets d’envergure nationale ou européenne, afin qu’il bénéficie d’une exemption à la loi ZAN. En parallèle, Engie tente désormais de faire évoluer la définition même de l’artificialisation, en la limitant aux seules surfaces imperméabilisées. Une autre stratégie consisterait à obtenir une exemption pour les projets d’énergies renouvelables via une future loi de programmation énergétique, actuellement en discussion à l’Assemblée nationale et au Sénat.

Enfin, le dernier espoir pour Horizeo porte le nom de la loi « Trace » (Trajectoire de Réduction de l’Artificialisation Concertée avec les Élus). Votée en première lecture en mars 2025 au Sénat, celle-ci vise à assouplir à nouveau la loi ZAN. Un amendement pourrait y être introduit pour exclure les installations d’énergies renouvelables du champ de l’artificialisation.

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