L’incertitude qui pèse sur l’ensemble de filière photovoltaïque en France depuis plus d’un an a eu raison du développeur d’énergies renouvelables EverWatt, placé en liquidation judiciaire le 25 juillet dernier par le Tribunal des activités économiques de Paris, entraînant dans sa chute le Groupe EverWatt dédié au solaire et sa filiale BoucL Énergie, spécialisée dans l’autoconsommation individuelle et collective.
La mise en redressement judiciaire d’EverWatt trois mois plus tôt n’aura pas suffi à inverser la tendance, le sort de l’entreprise ayant été définitivement scellé depuis le retrait de ses principaux partenaires financiers en début d’année, puis en août. Résultat : une cinquantaine de salariés sur le carreau et des actifs solaires aujourd’hui en quête de repreneurs.
Chargé d’accompagner le cabinet Mja Selafa dans la liquidation des actifs en tant que conseiller technique, Jérôme Owczarczak, ex-directeur général du Groupe EverWatt, a bien voulu répondre aux questions de pv magazine France.
pv magazine France : Quelles sont les raisons qui ont conduit à la mise en liquidation d’EverWatt ?
Jérôme Owczarczak : Notre situation est liée au contexte délétère et compliqué dans lequel les énergies renouvelables évoluent depuis plus d’un an. Face à un manque cruel de visibilité sur leur avenir, les deux fonds d’investissement présents à notre capital, Transition Evergreen et Conquest, ont décidé de se désengager successivement, précipitant la chute en cascade d’EverWatt, du Groupe EverWatt et de BoucL Energie.
Une autre explication tient au fait qu’EverWatt a beaucoup investi en 2021 et 2022 dans l’hydrogène – qui s’est avéré un feu de paille –, en prenant des participations qui ont absorbé pas mal de cash, alors que cet argent nous aurait été bien utile…
Quelles en sont les conséquences ?
Après les cessions de Sunvie et InfraWatt, une cinquantaine de salariés sont concernés par une procédure de licenciement, dont 28 personnes chez BoucL Énergie et huit dans le Groupe EverWatt. C’est violent, surtout chez BoucL Énergies, qui initialement n’a pas été mis en liquidation, mais n’a pu y échapper en raison du défaut de son actionnaire majoritaire. Le comble, c’est qu’on est liquidé, alors qu’on a de l’argent sur le compte !
Au niveau de nos actifs solaires, déjà construits ou prêt à l’être, je ne suis pas inquiet pour leur avenir. Nous avons de beaux projets territoriaux – 7-8 au total – comme celui de la solarisation de la base sous-marine de Bordeaux, du parking de la patinoire de Valenciennes ou du stade de Saint-Gervais, et peu de créances.
Nous sommes en train de chercher avec le liquidateur de possibles repreneurs. La bonne nouvelle, c’est qu’on a des marques d’intérêt formelles de la part d’une quinzaine de développeurs prêts à racheter notre portefeuille. Dans ce sens, le liquidateur a lancé un appel d’offres, dont on aura la réponse début octobre. Conformément au souhait du liquidateur, il faut aller vite car le coût de l’inaction, rajouté à celui de l’instabilité politique, ne ferait qu’empirer les choses…
Quels enseignements tirez-vous de cette expérience ?
C’est à la fois fatigant et frustrant. On avait monté le Groupe Everwatt en se disant que la fin du tarif réglementé et la baisse des aides de l’État nécessiteraient d’avoir un solaire au service des usages. On voulait trouver des clients au plus près des lieux de consommation pour être moins exposé aux variations des politiques nationales, qui sont illisibles en France sur les énergies renouvelables. Malheureusement, le contexte a créé une incertitude auprès des financeurs et pousse les banques à ne pas prendre de risque.
L’exemple d’EverWatt illustre ce qui risque d’arriver dans le solaire en France, faute de visibilité et de stratégie. Nous sommes les premiers à tomber parce qu’on est des petits développeurs. Tournés vers l’autoconsommation et avec un portefeuille de financement lié au S21 ou aux appels d’offres CRE, nous avons payé le prix fort par rapport à d’autres acteurs. Mais le risque pèse aussi sur les plus gros développeurs, en témoignent les résultats décevants annoncés par Voltalia la semaine dernière. J’espère sincèrement qu’il n’y aura pas d’autres faillites…
Ce qui se passe en France est assez déprimant, avec un gouvernement qui change tous les trois mois. Au lieu d’entretenir, sans nuances, des débats et des querelles stériles, en opposant systématiquement nucléaire et EnR, on ferait mieux de se concentrer sur l’intérêt global et collectif de l’approvisionnement en électricité.
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